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Bond, Bond James

La scène est majestueusement pesée et interprétée. Humour, dosage, subtilité, surtout auto ironie à l'abyme, puisque ce qu'on doit d'abord séduire c'est le politiquement correct: ici on joue gros et il faut bien maitriser le comment pour définir le jusqu'où on peut aller trop loin quand on a pris la décision historique de faire virer 007 pédé.
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La nouveauté de ce 23e James Bond n'est pas le (presque) remplacement du traditionnel "shaken, not stirred" martini par une bière. Mais le moment où un Javier Bardem très inspiré glisse ses doigts sur le torse d'un Bond inconfortablement bandé sur une chaise en lui faisant savoir que "il y a bien une première fois pour tout James". Pour se remettre fermement à sa place en s'entendant rétorquer "et comment sais-tu que c'est la première fois ?". Et rien n'est moins certain que sur ce coup là notre James plaisante.

La scène est majestueusement pesée et interprétée. Humour, dosage, subtilité, surtout auto ironie à l'abyme, puisque ce qu'on doit d'abord séduire c'est le politiquement correct: ici on joue gros et il faut bien maitriser le comment pour définir le jusqu'où on peut aller trop loin quand on a pris la décision historique de faire virer 007 pédé.

Et "ma foi", cela semble une décision non seulement élémentaire mais un brin tardive pour tout Watson du marketing : le produit est segmenté hétéro de manière indétrônable, pourquoi diable se priver d'une clientèle dynamique qui consacre un fort pouvoir d'achat aux loisirs et aux soins corporels ? Le choix en 2006 d'un Bond au physique de bodybuilder laissé déjà le champs ouvert. Six ans plus tard, on a passage à l'acte.

L'Aston Martin est certes là mais juste pour vendre des souvenirs et un flegme British (M-Judi Dench- assise sur le siège en question à Bond qui conduit : vous comptez m'éjecter ?). Mais on est en 2012 et ce n'est certainement pas en vendant des Aston Martin ou des martini-shaken qu'on va faire du pognon. C'est la crise, point. On peut continuer à rêver cher (le passage obligé au casino, est ici austère et anecdotique) mais on est surtout bien guidés à consommer abordable. La bouteille de (l'excellente) pub Coca-Cola qui reprend les thèmes musicaux de la série, est là pour nous rappeler que, non seulement ce ne sera pas la première fois qu'on va vivre la vie avec nos propres moyens mais que cela risque même de nous plaire.

Enfin un film qui a une morale.

A propos morale, celle-idéologique de James est tout aussi intéressante déjà depuis la tétralogie avec Pierce Brosnan. C'est curieusement au moment même où le rôle de M, le directeur de services secrets, est interprété pour la première fois par une femme dans Goldeneye (Judi Dench, 1995) que celui-ci comme tout ce pour lequel Bond se bat ne constitue plus une valeur sacro-sainte. Non seulement le MI6 abandonne ses agents quand il aurait pu les sauver mais l'Angleterre est coupable de crimes historique : Alec, le "méchant" de cet épisode dont les parents étaient des cosaques de Lienz qui ont subi la trahison britannique en 1945 envoyés à une mort certaine en les laissant aux mains des milices Staliniennes, est un ancien coéquipier de Bond.. Au moment ou James doit le tuer, Alec lui demande avec ironie, "pour l'Angleterre James ?". Et James répond, désabusé "non, pour moi".

Le paroxysme de cette instabilité idéologique se trouve dans Le monde ne suffit pas de 1999 où la "méchante" Elektra a toutes les raisons au monde de l'être : son père Robert King, magnat du pétrole, préfère sacrifier sa propre fille pour tenir à son principe de ne pas négocier avec les terroristes en ne leur versant pas la rançon exigée pour sa libération. Là aussi, 007 fait le job mais le cœur lourd d'autant plus que Sophie Marceau lui est fort sympathique. Pour arriver au Skyfall d'aujourd'hui. Et de nouveau faire face à une trahison de M envers son ancien agent Silva-Javier Bardem qui a essayé en vain de se suicider "pour l'Angleterre" une fois abandonné dans les mains de chinois lors de la rétrocession de Hong-Kong en 1997. Bond a vu les ravages que le cyanure a faits dans sa bouche de zombie. Mais Bond reste, encore, fidèle vers un système devenu fou puisque en homme de sang froid il sait que "ceux d'en face" le sont encore plus. Souhaitant lui de continuer dans cette croyance qui devient à son tour religieuse et non plus idéologique. Et accordons au bonhomme le droit de se détendre comme bon lui semble.

Quelques publicités mettant en scène James Bond:

Les marques de James Bond

Les marques de James Bond

Les célèbres adversaires de 007:

Scaramanga (Christopher Lee, Man With The Golden Gun)

Les méchants

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