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2013, une année politique charnière pour le Pakistan

L'année 2013 va être particulièrement importante pour le Pakistan. Il s'agit, avant tout, d'une période d'élections, autant présidentielle que législative. Si tout se passe comme prévu, le gouvernement actuel doit annoncer la date des élections législatives avant le 18 mars.
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L'année 2013 va être particulièrement importante pour le Pakistan. Il s'agit, avant tout, d'une période d'élections, autant présidentielle que législative. Si tout se passe comme prévu, le gouvernement actuel doit annoncer la date des élections législatives avant le 18 mars.

À partir de cette date jusqu'à l'élection d'une nouvelle assemblée, un gouvernement de transition devrait gérer les affaires courantes. Le parti ou la coalition de partis qui obtiendra 172 sièges sur les 272 qui composent l'Assemblée nationale pakistanaise prendra le pouvoir. Quant aux élections présidentielles, elles auront lieu en septembre 2013. Un grand Collège électoral, composé des assemblées nationale et provinciales, ainsi que du Sénat, choisira le nouveau président.

C'est aussi pendant cette année que le chef des armées, le général Kayani, sera remplacé. Le chef de l'ISI, le lieutenant-général Pasha, a quant à lui été remplacé tout récemment, en mars 2012, par le lieutenant-général Zaheerul Shah. En fin d'année 2013 donc, bien des choses auront évolué au niveau du pouvoir civil, mais aussi dans la relation entre civils et militaires. On l'a vu dans les années 1990, notamment quand Nawaz Sharif était premier ministre, les relations entre les deux entités peuvent vite devenir difficiles, avec les conséquences que cela implique pour ce pays.

Et bien sûr, c'est aussi pendant l'année 2013 que le Pakistan devra se préparer au départ des troupes étrangères d'Afghanistan pour 2014. Islamabad va s'activer pour protéger ses intérêts nationaux tout en montrant à Kaboul, aux États de la région, et à la communauté internationale, que le Pakistan peut être une source de stabilisation pour l'Afghanistan et son environnement immédiat. Cette dernière année, notamment sous l'impulsion de la ministre des Affaires étrangères, Hina Rabbani Khar, Islamabad a fait en sorte de prouver à son voisin afghan en particulier, qu'une relation constructive entre les deux pays était possible. Mais la politique étrangère, elle aussi, pourrait être fortement influencée par les différents changements que connaitra le pays en 2013.

Alors que toutes les orientations intérieures et extérieures du pays pourraient être remises en question, suivre l'évolution politique à Islamabad est donc, plus que jamais, d'une grande importance pendant cette année 2013. Un rapide tour d'horizon des forces en présence amène naturellement à se concentrer sur trois partis: le PTI (Pakistan Tehreek-e-Insaf, le Parti du Pakistan pour la Justice), d'Imran Khan, le PML-N (La Ligue Musulmane du Pakistan) de Nawaz Sharif, et le PPP (Parti du Peuple Pakistanais).

Ce dernier parti est celui du président Asif Ali Zardari, actuellement au pouvoir. Il est donc logique d'imaginer qu'il abordera les élections avec difficulté. Après tout, les problèmes sécuritaires, mais également économiques (une forte inflation, à deux chiffres, les accusations de corruption, et un chômage important), vont fatalement être associés, dans l'esprit des électeurs, au parti au pouvoir. Et dans l'Histoire du Pakistan, quand il a été consulté, le peuple n'a jamais reconduit le même parti politique pour un deuxième mandat national consécutif. Par ailleurs, le président Zardari a bien des ennemis: des quartiers pauvres du Pakistan à certains États étrangers influents, pour différentes raisons, on semble vouloir le "dégager". Mais il ne faudrait pas aller trop vite en besogne: celui qu'on avait qualifié de "président accidentel" a su plus d'une fois montré ses talents de politicien accompli, capable notamment de former et de tenir des coalitions difficiles.

Enterrer le parti lui-même serait une erreur quand on se souvient qu'il a été le vainqueur des élections sénatoriales en mars 2012. Il reste par ailleurs mieux enraciné dans l'ensemble du pays que son principal concurrent du PML-N: il est très présent dans le Sind, dans le Pendjab (plutôt au sud), et a même des candidats solides dans le Baloutchistan. Quant à la région de Khyber Pakhtunkhwa, à côté des zones tribales, le PPP a su jusque-là s'y trouver des alliés parmi les vainqueurs des élections. Et même s'il connait un net recul lors des élections de 2013, un passage dans l'opposition n'affaiblirait pas forcément le parti. Il permettrait un passage de relai au fils du président Zardari et Benazir Bhutto, Bilawal Zardari-Bhutto. Il est jeune, ne peut pas être accusé de corruption comme son père l'a été, et commence à se constituer une identité politique apparaissant courageuse et progressiste. Il n'est pas impossible que Bilawal, en tant que coprésident du PPP, puisse aider le PPP à obtenir des résultats moins mauvais que prévu pendant ces élections... permettant après tout à son parti de rester au pouvoir au sein d'une coalition. Pas forcément comme acteur principal, mais au moins comme un groupe non négligeable. On semble loin du compte pour l'instant, mais dans ces élections législatives, tout semble possible.

Face au PPP, les deux forces d'opposition qui pourraient prendre le pouvoir pendant cette année sont bien uniquement le PTI ou et le PML-N.

Quand on parle du PTI, il faut être clair: on parle d'Imran Khan. Et avec I. Khan, il est important d'éviter ce qu'on peut appeler "l'effet Massoud", qui fait trop souvent des ravages sur l'esprit critique des analystes occidentaux: découvrir un personnage charismatique, bel homme, et le mettre sur un piédestal. Certes, le personnage en tant que tel est intéressant. Il dénonce avec virulence une corruption qui a en effet gangréné la vie politique. Il permet de transformer en citoyens actifs des membres de la classe moyenne qui ne pensaient plus pouvoir faire changer les choses en votant. Il sait se concentrer sur ce qui touche les citoyens pakistanais (les coupures de courant, la pauvreté) plutôt que sur des débats qui intéressent surtout les plus riches et les Occidentaux (le Pakistan comme État "laïc" ou "religieux", par exemple). Il veut amener la paix dans les zones tribales le plus tôt possible, donc arrêter une guerre civile considérée comme le résultat d'actions étrangères, notamment américaines, ce qui parle à la "rue pakistanaise". En même temps, en pur produit d'Oxford, il présente bien, et d'Inde en Angleterre, il est considéré comme un interlocuteur valable. Ce n'est pas par hasard que jusqu'au printemps 2012, le parti de Khan était crédité de 31% d'intentions de vote. Ce qui serait un miracle pour un parti qui jusque-là n'a qu'un seul de ses membres à l'Assemblée nationale.

Mais ces projections sont de nature changeante: le citoyen pakistanais lambda pourrait préférer, en fin de compte, quelqu'un qui a déjà fait ses preuves au pouvoir. Et les élites économiques pourraient soutenir face a Imran Khan un homme avec un projet économique plus à droite, et surtout plus clair. Deux points qui pourraient clairement avantager Sharif contre Khan. Le PTI semble être pourtant bien parti pour faire une belle percée lors des élections législatives, mais jusqu'à quel point, là est la question. L'ampleur de la percée décidera si I. Khan sera le Ralph Nader ou l'Obama du Pakistan.

Enfin, il y a le PML-N, la Ligue Musulmane sous le contrôle de Nawaz Sharif, qui devrait sortir au moins renforcé des prochaines élections législatives. Signe qui ne trompe pas a ce sujet: on a vu, le 15 février, 9 législateurs du PPP, de l'Assemblée régionale du Pendjab, abandonner leur affiliation d'origine pour devenir membres du PML-N... Un sondage récent (juillet-août 2012), organisé par l'IRI (Institut Républicain International) fait le pronostic suivant: 28% des voix pour le PML-N, 24% pour le PTI, et 14% pour le TTP. Le fait que sa victoire soit possible n'a rien de surprenant: c'est le grand parti d'opposition démocratique. On a déjà vu le PPP et la Ligue Musulmane prendre alternativement le pouvoir par les urnes dans les années 1990. Cette année, ce serait donc, logiquement, le "tour" du PML-N.

Certes, la Ligue Musulmane pourrait avoir un impact moins important que prévu lors des élections de 2013 à cause de son implantation limitée hors du Pendjab. Le parti souffre encore des conséquences de sa fragmentation, notamment de la création d'une Ligue Musulmane concurrente et soutenant le coup d'État de Musharraf, le PML-Q (Ligue Musulmane du Pakistan - Qaid e Azam). Dans le sud du Pendjab lui-même, le PML-Q, en alliance avec le PPP, menace l'hégémonie du PML-N. Mais le parti de N. Sharif tente d'y remédier: il a réussi à renforcer ses positions dans le Sind, le territoire traditionnel des Zardari-Bhutto. Dans le Baloutchistan, il devrait s'allier à des partis nationalistes, et dans le Khyber-Pakhtunkhwa, avec un mouvement islamiste, le JUI-F de Maulana Fazlur Rehman.

Le principal problème pour le PML-N pourrait venir du renforcement de l'alliance PML-Q/PPP pour les élections de 2013, et la concurrence de forces "populistes" comme celles du PTI et ou du dernier critique en date du statu quo politique Tahir ul Qadri. Les sentiments antiaméricains, et/ou le sentiment du "tous pourris" pourrait retirer des voix précieuses au PML-N au profit de ces politiciens. Sharif a su prouver son statut de patriote, mais les citoyens les plus antiaméricains lui préféreront Imran Khan.

En bref, rien n'est joué, et bien malin sera celui qui pourra deviner les résultats des urnes à l'avance pendant cette année 2013. Une situation naturelle dans une démocratie parlementaire jeune mais se devant de représenter un pays d'à peu près 197 millions d'habitants selon les dernières estimations. Ce qui est certain c'est que ces élections en 2013 auront un impact réel sur l'avenir du Pakistan, donc sur la stabilité de la région. Une région que les Européens et les Américains ne devraient pas négliger après 2014, au risque de s'en mordre les doigts.

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