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Twitter: une arme dans les mains de Daech

Une bonne façon de comprendre la façon dont Daech fait son recrutement via les réseaux sociaux, dont Twitter, c'est de comparer ce groupe terroriste à un pédophile. Comparaison qui fait d'autant plus sens d'ailleurs, quand on constate que Daech n'hésite pas à recruter des mineures via les réseaux sociaux...
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Un point qui saute aux yeux quand on se documente sur Daech et ses recrues françaises, c'est que ces dernières ne sont pas repérées dans les mosquées. Les racistes et islamophobes vont être déçus, mais c'est un fait : le recrutement se fait bien loin des lieux de culte, et très souvent, le problème ne vient pas d'un imam de quartier, mais d'un pseudo-prêcheur en ligne, voire d'un simple agent recruteur porteur d'une propagande qui sait très bien se servir des réseaux sociaux. Al Qaïda appartient à l'époque d'Al Jazeera, des vidéos pas toujours bien filmées, avec des orateurs pas forcément très captivants pour une jeune audience. Mais "Daech appartient à l'ère de Twitter et de YouTube", comme l'a si bien dit Gilles Kepel.

On s'en persuade aisément quand on découvre les chiffres prouvant la forte utilisation de Twitter en particulier par les djihadistes ravageant la Syrie et l'Irak. Après avoir déclaré la guerre à Daech suite à l'attaque contre Charlie Hebdo, Anonymous a publié la liste de 9200 comptes Twitter associés à Daech. Le 31 mars 2015, une autre liste, de 26 374 comptes Twitter, a été mise en avant par des hacktivistes. 30 d'entre eux avec plus de 100 000 followers... Selon un rapport récent d'Europol, 90 000 tweets et interactions via médias sociaux sont produits par jour pour la propagande de Daech. Et au moins 46 000 comptes Twitter ont servi à la promotion de ce groupe terroriste, qui n'est ni un État, ni islamique, ces derniers mois.

Si Daech investit à tel point sur un réseau social comme Twitter, c'est que cela lui est bénéfique. On sait, par exemple, comment est utilisé le réseau social pour recruter de jeunes adolescentes vivant en Occident. Plus généralement, on sait que 20 000 étrangers sont venus de partout dans le monde pour combattre dans les rangs djihadistes, en Syrie et en Irak. Un tel succès ne sera pas possible sans les réseaux sociaux, et notamment Twitter.

Différentes organisations et initiatives ont déjà proposé des mesures pour combattre la rhétorique de haine et de violence de l'EI et d'autres groupes de ce type. On peut prendre comme exemple ici le Projet 'Contre Extrémisme', (le Counter Extremism Project). Cette initiative a su insister auprès de Twitter pour qu'elle change sa politique concernant le code de conduite de ses usagers : l'approche acceptée par le passé était bien trop limitée quand il fallait lutter contre la promotion de la violence. La logique de celles et ceux qui veulent pousser Twitter à agir plus encore contre les groupes comme Daesh vont souvent dans le même sens : avant tout, très concrètement, développer un système plus simple et accessible permettant aux utilisateurs de Twitter de dénoncer très rapidement des activités extrémistes ou des appels à la violence ; et associer à cela une politique qui amènerait Twitter à traquer plus systématiquement les comptes suspects en les soumettant à une vérification simplifiée. En bref, considérer véritablement la propagande extrémiste en ligne, qui vise à radicaliser et recruter à distance, comme une activité délinquante comme une autre.

Pour rester dans le même ordre d'idées, en fait, une bonne façon de comprendre la façon dont Daech fait son recrutement via les réseaux sociaux, dont Twitter, c'est de comparer ce groupe terroriste à un pédophile. Comparaison qui fait d'autant plus sens d'ailleurs, quand on constate que Daech n'hésite pas à recruter des mineures via les réseaux sociaux... Comme le pédophile, le recruteur pour ce groupe doit établir un lien avec la potentielle victime/recrue. Dans les deux cas, il s'agit de lui mentir, de lui faire la promesse de gains divers (les agents recruteurs djihadistes aiment à rappeler que dans le "Califat", on ne paye ni taxes, ni loyer, ni factures), de jouer sur ses frustrations, sur ses sentiments, sur son aveuglement. À partir de là, le prédateur peut l'amener à s'isoler de son milieu familial, à l'inciter à mener une double vie afin que son environnement ne stoppe pas l'endoctrinement. Puis, une fois que cette dernière est prête, l'agent recruteur/prédateur peut la pousser à tout quitter pour venir la rejoindre. Dans les deux cas, une fois que cela arrive, il est déjà trop tard : une fois dans les mains du pédophile/djihadiste, la victime/recrue peut redevenir assez lucide pour comprendre qu'on l'a bernée. Mais une ligne rouge a déjà été passée, un point de non-retour : la personne est déjà perdue, et dans les deux cas, face au pédophile comme face à l'argent recruteur djihadiste, on s'attend à ce que la victime soit morte dans les semaines ou mois à venir.

Le parallèle est violent, mais nécessaire : lutter contre les pédophiles utilisant les réseaux sociaux, c'est vu, avec raison, comme une croisade non négociable. Twitter et les pouvoirs publics, français et européens, sont-ils aussi clairs quand il s'agit de lutter contre le djihadisme ? On est en droit de se poser la question.

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