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«Défaite» américaine en Afghanistan: Trump a-t-il raison?

On peut légitimement critiquer le président américain sur bien des sujets. Mais sur l'Afghanistan, hélas, il a raison.
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Cette incapacité de Kaboul à offrir aux citoyens afghans le premier des droits, le droit à la sécurité, est sans doute l'exemple flagrant de l'échec américain en Afghanistan.
Joshua Roberts / Reuters
Cette incapacité de Kaboul à offrir aux citoyens afghans le premier des droits, le droit à la sécurité, est sans doute l'exemple flagrant de l'échec américain en Afghanistan.

Ces derniers jours, les médias américains mettent en avant les propos d'un Donald Trump agacé par la situation en Afghanistan, contestant la présence américaine dans ce pays ces 16 dernières années, affirmant ouvertement que les Américains sont en train de perdre dans ce pays. Ce constat l'aurait amené à suggérer le remplacement du général Nicholson, à la tête des forces étrangères en Afghanistan depuis mars 2016. On peut légitimement critiquer le président américain sur bien des sujets. Mais sur l'Afghanistan, hélas, il a raison.

Une défaite pour les États-Unis en Afghanistan

Aujourd'hui, nous savons exactement ce que la guerre d'Afghanistan a coûté aux Américains : la vie de 2402 soldats américains, avant tout ; et 714 milliards de dollars. 86% de ces dépenses ont été le fait du Pentagone... Et beaucoup d'argent a été perdu dans de programmes inefficaces, et à cause de la corruption. On peut prendre, comme exemple d'inefficacité déconcertante, le fait qu'après 457,7 millions de dollars dépensés pour renforcer les capacités de collecte d'informations par les forces de sécurité afghanes, ces dernières ne semblent pas être encore au totalement au point. On pense aussi au scandale des soldats fantômes, effectivement payés, mais n'existant que sur le papier. Un scandale dû à des officiers et des politiciens corrompus, et dont l'attitude criminelle a mis de réels soldats afghans en danger. Le courage des forces de sécurité afghane n'est pas le problème : hélas, elles sont poignardées dans le dos par des élites qui n'ont pas été capables de lutter contre de graves dysfonctionnements au cœur de l'État.

Certes, les talibans ne dominent pas totalement le champ de bataille afghan. On l'a vu par exemple le mois dernier, quand ils ont perdu le district de Nawa, reconquis par l'armée afghane. Mais cela ne change rien au fait que le pouvoir légal afghan, à lui seul, n'est pas capable de tenir son propre territoire. L'appui aérien américain est à Kaboul pour résister aux assauts des talibans. Et des zones qui ont vu les forces de l'OTAN mener des combats acharnés sont aujourd'hui aux mains de ces derniers. Qu'on se souvienne de la grande offensive de Marjah. Aujourd'hui, le territoire est tenu par la rébellion...

Cette incapacité de Kaboul à offrir aux citoyens afghans le premier des droits, le droit à la sécurité, est sans doute l'exemple flagrant de l'échec américain en Afghanistan.

Cette incapacité de Kaboul à offrir aux citoyens afghans le premier des droits, le droit à la sécurité, est sans doute l'exemple flagrant de l'échec américain en Afghanistan. Pendant que la corruption de certains parmi les élites afghanes, et les dysfonctionnements de l'État, rendent l'aide étrangère inefficace, la population, elle, souffre. Les nombreuses morts de civils, y compris à Kaboul lors d'attentats spectaculaires, sont la triste preuve que les Américains et leurs alliés ne peuvent apporter la sécurité aux Afghans. À titre d'exemple, sur le premier semestre 2017, selon l'ONU, 400 enfants font partie des morts civiles... Ainsi, pour ce qui est de la conquête militaire, mais aussi de celle, tout aussi importante, des cœurs et des esprits, le camp soutenu par Washington ne l'a pas emporté, malgré les énormes moyens financiers et humains déployés sur 16 ans.

Difficile, donc, de ne pas parler de défaite : la guerre n'est pas terminée, malgré le sang versé et l'argent investi ; après toutes ces années, le gouvernement légal est incapable d'offrir à sa population la sécurité ; et jamais, depuis 2001, les talibans n'avaient eu autant de territoires sous leur contrôle en Afghanistan. Selon les sources officielles américaines les plus fiables, sur 400 districts afghans, ils en dominent ou influencent 171. Et les dernières attaques à Kaboul rappellent une dure réalité : le gouvernement légal ne peut même pas sécuriser sa capitale, y compris le voisinage des ambassades...

Quelle stratégie américaine face au chaos afghan ?

Et face à ce triste spectacle, que disent les représentants de l'armée américaine au président Trump et à la nation américaine? Ils parlent « d'impasse »... qui « pourrait » tourner à l'avantage de l'insurrection. Bref, un déni de réalité. C'est particulièrement significatif d'une myopie qui a handicapé la réflexion américaine, et plus largement occidentale, sur le dossier afghan. Incapable de voir que la corruption et les insuffisances de certains de leurs alliés à Kaboul détruisaient toute capacité de réelle reconstruction du pays, la réflexion critique a trop souvent manqué.

Par contre, il y a eu une recherche de boucs émissaires : régulièrement, le Pakistan, mais aussi l'Iran, et même la Russie. On remarquera en tout cas que toutes les critiques faites à ces pays n'ont jamais eu des conséquences radicales et définitives dans les relations bilatérales avec les États-Unis. Sans doute parce qu'il est compris, au Pentagone et au Département d'État, que les problèmes de l'Afghanistan sont aussi, et d'abord, internes. Et que les accusations contre Islamabad, Téhéran ou Moscou sont souvent exagérées ou simplistes. Chaque pays joue, certes, sa propre partition géopolitique. Mais cela pourrait, peut-être être évité ou au moins atténué, si les Américains et les autres Occidentaux soutenaient le processus de paix voulu par l'environnement régional afghan, ainsi que par la Russie et la Chine. Hélas, les accusations américaines, notamment contre la Russie, sont arrivées après le ralliement des Russes à cette idée d'une paix négociée entre taliban (ou en tout cas une partie d'entre eux) et gouvernement, pour mieux se concentrer sur la lutte régionale contre le groupe État Islamique...

Face à la défaite en Afghanistan, la réponse du Pentagone se veut uniquement militaire. 8400 soldats américains se trouvent en Afghanistan en ce moment. Leur but officiel est surtout d'encadrer et de conseiller l'armée afghane. Il s'agirait d'en envoyer 4000 de plus. On rappellera que l'administration Obama n'a pas pu gagner la guerre d'Afghanistan avec 100 000 hommes...

On peut donc comprendre que l'administration Trump soit en retard dans sa présentation d'une nouvelle stratégie afghane. Le Secrétaire à la Défense James Mattis avait affirmé qu'elle serait prête d'ici la mi-juillet... mais comment offrir une nouvelle stratégie sur une guerre qui semble sans fin, sans solution, et qui intéresse moins Washington et ses alliés occidentaux que la Syrie, l'Iran ou l'Ukraine ?

OG

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