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Le dossier «Afghanistan-Pakistan» géré par le «président Trump»

Les paroles, même de campagne, ont un sens. Et ici, ce sens n'est pas rassurant pour l'avenir de l'«AfPak». Le problème vient peut-être du fait que son équipe en charge de la politique étrangère n'est pas vraiment au niveau.
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Il semblerait que les Américains soient condamnés à un duel Trump/Clinton, malgré l'impact de Bernie Sanders. Donc l'une de ces deux personnes pourrait bien définir la diplomatie internationale des prochaines années. Barack Obama leur laisse un héritage contrasté, en politique étrangère en général, et sur le dossier "AfPak" (Afghanistan-Pakistan) en particulier.

Rappel : l'héritage diplomatique d'Obama

Il a été, à bien des égards, un diplomate réaliste réparant les erreurs les plus énormes de W. Bush, tout en suivant une politique classique pour l'Amérique post-Guerre froide. C'est-à-dire un pays qui vise d'abord et avant tout à garder sa place de n°1 à l'international. Il a mené, parfois, une politique de bon sens (face à Cuba, à l'Iran), mais a fait aussi des choix contestables que n'auraient pas reniés les présidents précédents (sur la Syrie et la Libye, par exemple). Plus fondamentalement, il n'a pas pu, peut-être pas voulu, changer une diplomatie américaine structurellement tournée vers le hard power. Dans un pays où le ministère de la Défense dépense 600 milliards de dollars par an, alors que le budget du Département d'État n'est que de 50 milliards, on comprend que même un président Sanders ne serait pas libre d'opérer un changement radical.

En "AfPak" en particulier, les résultats d'Obama sont en demi-teinte, c'est le moins qu'on puisse dire. Il n'a pas réussi à sauver la "bonne guerre" post-2001, alors qu'il en avait fait son cheval de bataille lors de sa première campagne présidentielle. Les talibans n'ont pas été vaincus. Et ils peuvent aujourd'hui frapper jusqu'au cœur du pouvoir, à Kaboul, en toute impunité. Mais il a évité la guerre civile entre partisans d'Achraf Ghani et d'Abdullah Abdullah lors d'élections présidentielles contestées ; et il n'a pas abandonné le pays, malgré le peu d'intérêt qu'il provoque chez les Américains en général. Il a soutenu, avec raison, l'action diplomatique sino-pakistanaise pour lancer un processus de paix en Afghanistan. Mais lors de son dernier discours sur l'état de l'Union, il s'est montré ouvertement pessimiste, disant que Kaboul comme Islamabad connaîtrait l'instabilité dans les décennies à venir. Admission d'un échec dans cette région du monde, et héritage difficile pour le prochain président. Avant d'analyser, dans la prochaine Chronique d'Asie du Sud-Ouest, la politique, en AfPak, d'une éventuelle présidente Clinton, penchons sur ce que ferait le futur président Trump.

On pourrait penser que Donald Trump est entouré des meilleurs spécialistes de l'Asie du Sud, quand on suit sa campagne de loin. En effet, après les terribles attentats de Lahore, il n'y a eu que ce candidat pour affirmer que "lui seul" pourrait régler le problème du terrorisme au Pakistan. Donc, en fait, sur l'ensemble de l'AfPak, car comme expliqué plusieurs fois dans de précédentes Chroniques, et comme le savent les analystes ayant fait quelques déplacements sur place, les évolutions sécuritaires dans les deux pays sont liées, pour le meilleur, et surtout pour le pire...

Président Trump : une vision confuse de l'Afghanistan et du Pakistan

Mais dès qu'on analyse les déclarations du candidat, sur l'Afghanistan en particulier, on ne trouve nulle trace d'une solution miracle pour l'"AfPak". En fait, il y a, à première vue, une certaine confusion, où se mélangent bon sens et méconnaissance du dossier. Depuis plusieurs années, le principal candidat des républicains semble penser que la présence militaire en Afghanistan est une erreur. Mais il est revenu sur ce type de déclarations, en disant qu'en fait il soutenait la guerre d'Afghanistan d'octobre 2001. Il a ajouté qu'il fallait rester avec un nombre limité d'hommes sur place parce que Kaboul pourrait totalement s'écrouler sans aide américaine : approche extrême, mais valide. Mais sa deuxième raison l'est moins : sécuriser les bombes atomiques du Pakistan. Il est très clair sur le sujet : sans le nucléaire pakistanais, sa position serait sans doute totalement différente. C'est un choix de priorité relativement dangereux et simpliste : l'armée pakistanaise est professionnelle, le Pakistan n'est pas l'Afghanistan, l'État et l'appareil militaire peuvent, sans l'aide américaine, assurer la sécurité de leurs armes nucléaires. D'autre part, l'Afghanistan n'a pas connu une évolution satisfaisante en termes de sécurité et de développement (au-delà d'une petite élite d'Afghans de Kaboul et de consultants étrangers qui, eux, se sont enrichis) en bonne partie parce que les Américains, depuis 2002, n'en ont jamais fait leur priorité. S'intéresser à l'Afghanistan pour "sécuriser" (c'est-à-dire être capable de voler et mettre sous son contrôle) les bombes pakistanaises, ce n'est pas une façon, pour l'Amérique, de donner au problème afghan l'attention dont il a besoin.

Pourtant, Donald Trump semblait avoir compris le besoin d'attention que requiert l' "AfPak". Il ne dit pas autre chose quand il critique la décision de W. Bush d'attaquer l'Irak en 2003 au lieu de continuer dans la stricte lutte antiterroriste, et dans le travail à mener en Afghanistan. S'il en était resté à ce message, il aurait pu éveiller bien des espoirs à Kaboul. Mais sa vision complète de l'AfPak montre que les Afghans eux-mêmes sont totalement secondaires dans son analyse et qu'il considère de fait le Pakistan comme un ennemi potentiel. Ce dernier point est confirmé pour Islamabad par sa déclaration du 28 avril 2016 : l'éventuel futur président Trump explique que pour gérer ce pays qu'il considère comme "semi-instable" (une notion curieuse en soi), il pourrait être utile d'utiliser l'Inde. Il invite donc ouvertement, en cas de victoire, New Delhi à intervenir dans les affaires intérieures de son voisin et compétiteur géopolitique... une recette parfaite pour provoquer une nouvelle guerre indo-pakistanaise.

Certes, il ne s'agit que de paroles, le Trump candidat et le Trump président sont peut-être deux personnes différentes. Cela avait déjà été le cas, c'est bien connu, avec W. Bush. Mais aussi, dans une certaine mesure, avec Barack Obama lui-même. Malgré tout, les paroles, même de campagne, ont un sens. Et ici, ce sens n'est pas rassurant pour l'avenir de l'"AfPak". Le problème vient peut-être du fait que son équipe en charge de la politique étrangère n'est pas vraiment au niveau. Cet entourage, plus encore que ses paroles, sont significatives, comme le passé récent nous le prouve. Après tout, ceux qui auraient analysé consciencieusement l'entourage de W. Bush en 2001 aurait pu s'inquiéter d'y voir Cheney et Rumsfeld, des faucons et d'anciens ennemis de son père, si proches du pouvoir.

Bien sûr, nous ne sommes jamais à l'abri d'une bonne surprise. Donald Trump a raison quand il dit : "Regardez le chantier que nous ont laissé tous les experts. Regardez ce chantier. Regardez le Moyen-Orient. Si nos présidents et nos politiciens étaient partis en vacances pour 365 jours par an pour aller à la plage, nous serions dans une meilleure situation maintenant au Moyen-Orient". Des paroles de bon sens. On peut dire sans doute la même chose de l'Asie du Sud, sur deux à trois décennies... Peut-être qu'un non-conformiste ferait mieux... mais encore une fois, ses paroles, et son entourage, ne poussent pas à l'optimisme.

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