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Sud-Soudan: triste troisième anniversaire

Trois ans après l'accession à l'indépendance, les citoyens sud-soudanais ont cruellement besoin d'hommes d'Etat, pour mettre fin aux combats et leur proposer un avenir... Il y a urgence !
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Alors que nous sommes au troisième anniversaire de la création du Sud-Soudan, depuis sept mois les partisans du président Salva Kir et de son rival l'ancien vice-président Riek Machar se livrent entre eux à une guerre sans merci. Cette date aurait dû être le moment d'un bilan du développement du nouvel État: celui des infrastructures, des services de base offerts aux citoyens, de l'essor économique. Au lieu de cela, on en est à compter le nombre de victimes civiles, de déplacés et de réfugiés. Les Nations unies, des organisations de droits de l'homme, de nombreux observateurs qualifient de crimes de guerre ces ignominies. Des voix s'élèvent y compris parmi les plus fidèles alliés du nouveau pays pour mettre en garde contre un risque de génocide.

Il y a trois ans, le plus jeune État du monde avait été reconnu par la communauté internationale. Même l'Union africaine, cramponnée à l'intangibilité des frontières depuis la décolonisation, avait pris en compte la volonté d'indépendance des Sud-Soudanais par rapport à Khartoum. La création du pays a été approuvée par référendum par la quasi-totalité de ses citoyens, après une lutte d'un demi-siècle. C'est peu dire que cette naissance s'est faite dans la douleur, après une guerre cruelle qui a fait 2 millions de morts et 4 millions de déplacés et de réfugiés. La nouvelle nation est sortie exsangue de ce combat: pas d'infrastructures, pas d'administration, retour des réfugiés... La guerre menace toujours avec le régime de Khartoum, les frontières ne sont pas définies et la question du transit du pétrole à travers le Nord-Soudan est l'objet de conflits. Avec cette nouvelle guerre civile, le Sud-Soudan est un État en très grand danger.

Certes, nous n'espérions pas que le pays devienne par magie, en peu de temps une paisible démocratie. Mais nous pensions qu'au moins le gouvernement appliquerait quelques principes de bonne gouvernance, alors que, durant la lutte contre le régime de Khartoum, les Sudistes n'avez eu de cesse de chercher, et de recevoir, l'appui des démocrates et de partisans des droits de l'homme. Au premier jour de la nouvelle nation, les défis étaient gigantesques. Mais nous avions sous-estimé l'appétit de puissance, l'irresponsabilité et surtout le manque de compassion des nouveaux dirigeants envers leurs compatriotes. Quelle cruelle désillusion !

Le gouvernement sud-soudanais n'a pas su s'opposer à la violence endémique entre groupes ethniques - alimentée par la dictature militaro-islamiste de Khartoum - qui a commencé bien avant l'indépendance. Rien n'a été engagé contre l'impunité de ces affrontements répétés, ainsi s'est développé un climat où certains se croient tout permis. La presse a été harcelée, le journaliste indépendant Isaiah Abraham a même été assassiné. Aucun signe n'a été donné pour encourager la société civile à se développer ; au contraire tous ceux qui émettaient des critiques sur la gestion des affaires ont été traqués. La corruption est un mal généralisé, tout le monde le dit, tout le monde le sait. Les partisans des deux rivaux sont soupçonnés d'en avoir largement profité, alors que leurs concitoyens manquent de tout.

Cette lutte pour le leadership a été instrumentalisée en conflit à dimension ethnique. Actuellement, il est bien difficile d'être Sud-soudanais : on est plutôt pro-Dinka comme le président Salva Kir, ou pro-Nuer comme l'ancien vice-président Riek Machar. Les modérés des deux camps n'osent plus s'exprimer de peur d'être considérés comme des traîtres, et peu à peu ils rejoignent le camp de leur appartenance ethnique. Et les ressorts de rivalités ethniques semblent maintenant être hors de contrôle : comment en effet faire entendre raison à «l'armée blanche» des tribus Nuers d'un côté, comment éteindre le désir de vengeance dans les rangs de l'armée régulière de l'autre ?

Pourtant les deux parties se sont engagées une nouvelle fois à «un cessez-le-feu et à la mise en place d'un gouvernement provisoire d'union nationale pour superviser un processus constitutionnel et la tenue d'élections». L'investissement de la communauté internationale pour arriver à un accord est immense. Cependant, les espoirs sont faibles qu'il y ait une cessation réelle des hostilités. Les violences continuent et les deux camps s'accusent mutuellement de ne pas respecter leurs engagements.

L'an dernier, quatre experts internationaux de renom, amis du Sud-Soudan, avaient publié un mémorandum appelant le gouvernement à prendre de toute urgence des mesures en matière de justice, d'éducation, de santé, de réforme institutionnelle et de développement. Il n'en a pas été tenu compte et le risque de perdre soutien et crédibilité est imminent. Des arguments sont ainsi offerts aux «afro-pessimistes» qui pensent que l'Afrique à des ressources, mais ne sait pas les administrer. Plus grave encore, le chaos actuel risque de dissuader durablement l'aide et les investissements internationaux. Les agences humanitaires adjurent leurs donateurs de fournir les fonds nécessaires destinés à une aide vitale pour près de 4 millions de personnes. Une bonne partie de cette somme aurait pu être allouée à des programmes agricoles ou à des dispensaires. La communauté internationale maintient le pays sous perfusion. Aujourd'hui la famine guette, la saison des pluies est déjà là et les paysans doivent se cacher au lieu de semer.

Trois ans après l'accession à l'indépendance, les citoyens sud-soudanais ont cruellement besoin d'hommes d'État, pour mettre fin aux combats et leur proposer un avenir... Il y a urgence !

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