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Pourquoi j'ai passé six années à photographier les bas-fonds de Los Angeles

La plupart du temps les gens sont tout simplement curieux, mais parfois il me semble ressentir un soupçon de reproche. «»
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La plupart du temps les gens sont tout simplement curieux, mais parfois il me semble ressentir un soupçon de reproche. « Pourquoi venez-vous -en tant que jeune femme blanche et relativement riche d'Amsterdam- passer vos étés à l'autre côté de la planète pour photographier les pauvres et les sans-abris de Los Angeles? »

Je comprends bien qu'on se pose des questions. Pourquoi suis-je ici? Quelles sont mes intentions? Comment les résidents de Skid Row pourraient-ils en profiter? Ce sont des questions justes et vitales pour quelqu'un comme moi, qui photographie les citoyens les plus défavorisés et vulnérables de la société.

Los Angeles
Desiree Van Hoek
Skid Row est un quartier de Los Angeles où quelques 15.000 personnes – la plupart Afro-Américains – vivent dans des abris, des hôtels délabrés, ou dans la rue. De nombreux résidents sont toxicomanes, ou bien ils ont des problèmes psychiques, souvent les deux à la fois. J’ai découvert le quartier par hasard en 2007. Pendant mes vacances à L.A., je croisais tous les jours une famille de sans-abri. Leur soi-disant maison, coincée entre deux murs, consistait en quelques matelas, des produits alimentaires et des jouets pour enfants. Un jour, il y a eu un incendie, et tout a disparu.
J'ai trouvé mon sujet
Desiree Van Hoek
A partir de ce moment, j’ai remarqué partout ce genre d’habitations. Quand on se promène dans Los Angeles, on les trouve dans les coins cachés, les ruelles, les parcs, les arrêts de bus – ou tout simplement en pleine vue sur les trottoirs. L’habitation dans tous ses domaines a été mon principal sujet d’intérêt depuis que je suis passée de la photographie de mode au documentaire. Quand quelqu’un m'a parlé de Skid Row, j’ai compris que j’avais trouvé mon sujet.
Téléobjectif
Desiree Van Hoek
Je n’étais pas la première à photographier Skid Row, mais personne n’avait réussi à reproduire le quartier de façon satisfaisante. Dans les années 50, le grand photographe Weegee a voulu faire un livre sur Skid Row, mais il ne l’a jamais terminé. On trouve de nombreuses photos sur l’internet, mais la plupart d’entre elles ont été prises depuis le siège d’une voiture, ou avec un téléobjectif.
Dangers
Desiree Van Hoek
Il y a pas mal de raisons pour lesquelles les photographes ont maintenu une certaine distance. Skid Row peut être un endroit dangereux. La plupart des résidents n’aiment pas les photographes; certains d’entre eux peuvent être imprévisibles et violents.
Un peu de peur
Desiree Van Hoek
Je mentirais si je disais que je n’ai jamais eu peur à Skid Row. Mais la plupart du temps, les choses se sont bien passées. Souvent, j’étais accompagnée par Kevin, un ancien avocat costaud et sympathique, qui connaissait bien le quartier et savait faire reculer les furieux.J’ai toujours demandé la permission avant de prendre une photo. Beaucoup d’habitants se sentent gênés par la vie qu’ils sont obligés de mener, et je respecte leur refus, même si cela implique que je manque une bonne photo.
Détails
Desiree Van Hoek
Peut-être que c’est mon passé de photographe de mode, mais je crois que la beauté est dans les détails. J’ai commencé par faire un zoom sur les maisons provisoires, les vêtements et les effets des gens. J’ai photographié des chariots, des sacs de couchage, des boîtes de carton, des chemises, des robes, des articles de toilette, et même un plateau de petit déjeuner parfaitement arrangé que quelqu’un avait abandonné sur le trottoir.
Chaleur
Desiree Van Hoek
Plus tard, quand les habitants ont commencé à me connaître, je leur ai demandé si je pouvais faire leurs portraits. Cela a été un défi. Lorsque on se sent faible et vulnérable, on ne veut pas que quelqu’un prenne votre photo. Pourtant, c’est le contact avec les habitants qui m’a fait vraiment tomber amoureuse de Skid Row. Passez du temps dans le quartier, et vous découvrirez, comme je l’ai fait, un groupe de gens chaleureux, sympathiques et remarquablement résilients.
Ne plus se sentir seule
Desiree Van Hoek
En tant qu’étranger, on peut se sentir seul à Los Angeles. Chaque fois que cela m’arrivait, je prenais le bus pour Skid Row, où je trouvais toujours un ami à qui parler.Ce qui était plus étrange encore, c’est que pendant les sombres journées de décembre à Amsterdam, c’est Skid Row qui me manquait.
Hotel Million Dollar
Desiree Van Hoek
Je revenais donc, année après année. Je commençais à m’intéresser à l’architecture et aux lieux historiques, comme l’Hôtel Million Dollar, ou bien le bar Crabby Joe’s (le repaire de Charles Bukowski).
Une question lancinante
Desiree Van Hoek
Pourtant, il y avait toujours cette question lancinante: est-ce que je ne me sers pas de leur pauvreté ? Est-il ‘correct’ d’exposer mon travail dans une galerie ou de le publier dans un livre?
Un visage humain pour ce quartier
Desiree Van Hoek
Là encore, n’était-il pas important de montrer le visage humain de ce quartier souvent vilipendé? Quelle était l'alternative? Ne rien faire et tout simplement enterrer les photos?
"Gagner un peu d'argent"
Desiree Van Hoek
Un jour, j’ai décidé de poser la question à mon ami Kevin, qui a ri de ma remarque qu’il trouvait un peu condescendante. D’après lui, j'essayais de gagner un peu d’argent comme tout le monde le fait à Skid Row. Où était le problème?Je ne sais pas si sa réponse m’a entièrement convaincue. Mais elle me plaisait, et je n’en ai pas encore entendue de meilleure.

Désirée van Hoek (Roosendaal, 1966) a fait ses études à Hogeschool voor de Kunsten à Utrecht et la Royal Academy à La Haye. Elle a commencé sa carrière en tant que photographe de mode, et elle a travaillé pour des designers néerlandais et européens. Elle a exposé ses photos de Skid Row à la galerie WUHO (Woodbury University Hollywood Outpost) à Los Angeles en Octobre 2015. Son travail a paru dans de nombreuses publications internationales.

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