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Les nouvelles militantes pro-charte à l'assaut du Québec

Les nouvelles militantes pro-charte à l'assaut du Québec
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De nouvelles militantes sont de plus en plus visibles sur les tribunes médiatiques pour s'exprimer dans le débat sur le projet de Charte des valeurs du Parti québécois. Originaires du Maghreb, Québécoises d'adoption, on les entend depuis plus d'un mois et même davantage si on inclut Djemila Benhabib et ses amalgames plus que douteux, qui vend davantage d'angoisse dans la population plutôt que de contribuer à un débat éclairé. La nouvelle coalition créée la semaine dernière pour défendre le projet du Parti québécois sur la laïcité s'en sert également, certains diront comme béquilles, afin d'appuyer leur argumentaire.

Soyons clair, loin de moi l'idée dans ce billet de banaliser ce qu'elles ont pu vivre dans leur pays. Certaines ont sûrement pu être victimes des fondamentalistes de l'Islam. Ou encore témoins de drames vécus par leur famille immédiate, ou en périphérie, qui les ont emmené à s'affranchir de leur religion de naissance voir même à quitter leur terre natale. On compatit, si c'est le cas. Mais leur histoire ne les autorise pas, alors que les émotions sont à fleur de peau ces temps-ci, de dresser des épouvantails afin de semer la peur. L'Afghanistan n'est pas le Québec comme l'a si bien rappelé la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne en entrevue sur les ondes de RDI. Cette dernière souhaitait lancer ce message en rappelant justement la nomination au conseil d'administration d'une intellectuelle maghrébine pro-charte parmi trois autres consœurs du même avis, que plusieurs ont vu comme un noyautage cousu de fil blanc.

Les sempiternels amalgames utilisés par ces militantes pro-charte vont même jusqu'à lier un simple hidjab avec l'islam politique afin de démoniser le symbole et le camper dans le camp de l'intégrisme. J'aurai le goût de leur demander alors si le simple foulard rentre dans ce camp intégriste? L'abbaya qu'on voit quelques fois à Montréal, originaire des pays du Golfe persique et qui représente par tradition un symbole plus rigoriste, est-ce un symbole du terrorisme ? Et le niqab, un symbole du terrorisme + ? Et la burqa, un symbole du terrorisme?

Lorsqu'on marchande la peur chez la population, souvent la moins bien informée, en y amalgamant les horreurs de l'Algérie commis par le Front islamique du salut dans les années 90 pour justifier une charte de la laïcité au Québec, ou les mariages de jeunes filles au Yémen, il y a là insulte à l'intelligence. Il y a ici des Chartes des droits, un Code civil et des tribunaux pour protéger les femmes victimes d'abus à caractère religieux ou autre. Lorsqu'une enseignante affirme sans gêne dans une conférence au lancement de la coalition pro-charte que «le hidjab est un symbole taché de sang», qu'elle interprétation souhaite-t-elle qu'on en fasse ? Que nos Québécoises musulmanes sont enchaînées dans leur sous-sol de Côte-des-Neiges si elle ne le porte pas ? Que ce ne soit pas possible qu'une femme le porte par choix ? Lorsqu'on amalgame les troubles dans les banlieues françaises ghettoïsées de musulmans pour appeler à l'urgence au Québec d'adopter cette charte, on tente de me faire avaler des couleuvres. La France et ses quelques 5 à 6 millions de musulmans avec le Québec et ses 150 000 musulmans, même combat ?

Alors que nous savons qu'au Québec, la communauté musulmane ne vit dans aucun ghetto, qu'elle est répartie partout dans la région de Montréal et parmi la mieux intégrée de toutes les communautés culturelles, ces nouvelles militantes laïques n'ont rien à leur épreuve pour faire avancer leur cause, celle de régler des comptes avec l'Islam nous diront certains. Lorsqu'elles nous affirment que «la religion et le hidjab ne doivent pas s'exposer à l'extérieur» sans distinguer l'espace de la fonction publique avec l'espace public en général (parcs, transport en commun, centres commerciaux, etc.), elles donnent une caution morale, peut-être inconsciemment, aux gestes haineux commis envers la communauté musulmane depuis un mois dans ce même espace public et qui ont pris de l'expansion selon la Commission des droits de la personne.

Le hidjab à travers l'espace et le temps, c'est de l'ethnologie profonde, complexe et séculière et surtout pas qu'un symbole de soumission, même s'il ne faut pas banaliser ce message. Leurs méthodes de prévention plutôt paternaliste du «libérez ces moutahadjiba*» a l'effet contraire. Elles résonnent en écho au fondamentalisme qu'elle cherche à combattre. Leur indifférence à ce que ce projet de charte résulte entre autres au congédiement d'un grand nombre de Québécoises musulmanes de leur emploi ne fera le jeu finalement que des musulmans plus fondamentalistes qui souhaitent eux, que ces dernières retournent au foyer. Ces derniers apprécient peu qu'elles aient obtenu leur liberté économique. Et selon mes rencontres sur le terrain pour alimenter mon champ d'analyse, ces militantes laïques, qui pervertissent le débat depuis leur surexposition dans certains médias, entraînent des musulmanes jusque-là non voilées, à porter le voile en guise de solidarité avec leurs sœurs musulmanes.

Afin de déconstruire la vente d'angoisse de ces nouvelles militantes laïques originaires du Maghreb sur l'imaginaire islamisation du Québec, les travaux sur le visage de l'Islam au Québec du professeur de théologie de l'UQAM Frédéric Castel sont plus que pertinent à consulter. On y apprend entre autres que moins de 15% des 150 000 Québécois d'origine musulmane fréquentent la mosquée régulièrement. Et le danger islamiste est tellement à nos portes, qu'il y a moins d'un mois, une association étudiante de l'Université McGill a dû se tourner vers l'Europe pour faire venir des Imams conférenciers prêchant le fondamentalisme. Il paraît qu'ils n'ont pas été en mesure d'en trouver ici dans le «Montréalistan»!

* Femmes voilées

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