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Oser un modèle de laïcité qui rassemble

Si, majorité et minorités, nous osions ce modèle de laïcité, ce serait un grand pas en avant et la preuve qu'entre le multiculturalisme et le républicanisme, l'interculturalisme est possible.
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Ce modèle n'est pas celui du projet de loi 62 de la ministre Stéphanie Vallée déposé le 10 juin dernier. Car essentiellement, il est une reproduction du multiculturalisme canadien appliqué à la neutralité de l'État. Celui-ci est déclaré neutre à l'endroit de ses agents, qu'ils portent ou non un signe religieux au travail. C'est là une position que rejette une majorité de Québécois.

Par contre, le modèle que proposait Bernard Drainville avec son projet de loi 60 était d'inspiration française ou républicaine. L'interdiction du port d'un signe religieux ostentatoire à quiconque travaille dans les institutions publiques devait assurer que les services soient rendus par des citoyens d'apparence laïque, ce qui devait garantir la neutralité de l'État.

Les minorités religieuses s'y sont opposées férocement, appuyés par des multiculturalistes canadiens de tout acabit au nom des chartes des droits.

Et avant même que le projet ne s'écroule avec la défaite électorale du Parti québécois le 7 avril 2014, Guy Rocher, universitaire émérite et signataire avec Bernard Landry et Louise Beaudoin le 16 mars 2010 d'une Déclaration des intellectuels pour la laïcité, avait en quelque sorte retraité en commission parlementaire le 22 janvier 2014, suggérant de respecter les droits acquis et de n'appliquer les mesures du projet de loi 60 qu'aux futurs personnels des institutions publiques.

Ce recul, en particulier, provoqua des divisions au sein même du Parti québécois, lesquelles apparurent tôt après la défaite.

Bref, ce long débat d'abord sur une Charte des valeurs, puis de laïcité, puis des valeurs de la laïcité ,puis maintenant exclusivement sur la neutralité de l'État - surtout si le projet de loi 62 est adopté à peu près tel quel - ne créera pas une plus-value pour la culture, l'identité ou l'unité des Québécois, mais risque plutôt, au final, d'être une triste source - une de plus - de chicane et d'enlisement national.

D'autant plus que la seule option politiquement en réserve, celle de la CAQ et, depuis sa course à la chefferie, celle aussi du PQ ( interdiction de signe religieux applicable exclusivement aux juges, policiers et enseignants) dans l'hypothèse d'un éventuel changement de gouvernement en 2018, serait discriminatoire si elle refaisait surface, du seul fait que seuls certains agents de l'État devraient porter le fardeau de sa neutralité.

Les Québécois seraient donc peu à l'aise avec cette conscription obligatoire pour la laïcité réservée à certains personnels seulement.

Misère! Quelque chose peut-il être fait pour éviter un embourbement définitif?

Si oui, des voix devront se faire entendre pour réclamer du gouvernement une reprise de ce débat, avec comme objectif de trouver un modèle de laïcité d'application universelle, qui unirait tous les Québécois. Ce pourrait être une commission itinérante formée de personnalités de toutes les tendances qui remettrait un rapport à l'automne au gouvernement, en fait une proposition d'amélioration, voire une contre-proposition, au projet de loi 62 .

Une chose est certaine, le modèle multiculturel de laïcité, les Québécois n'en veulent pas. Et le modèle républicain, il n'est plus certain qu' ils en veulent. Alors, c'est au moins ça d'acquis, après tous ces mois de débat. Le dialogue peut donc reprendre sur des bases nouvelles.

Sans exclure qu'il peut y en avoir d'autres, je me permets d'émettre en quatre temps mes suggestions, lesquelles ont été présentées en Commission parlementaire le 23 janvier 2014 mais dont la présentation, ici, est revue et corrigée à la suite de certains commentaires provenant d'amis ou de lecteurs:

1) Ne plus définir la laïcité par l'interdiction faite au personnel des institutions publiques de porter un signe religieux, fut-il ostentatoire. Y préférer le concept suivant: définir la laïcité comme étant la primauté de la liberté de conscience sur la liberté de religion dans les espaces publics éventuellement déclarés laïques.

2) Pour rappeler cette primauté, à chaque année une journée sera dédiée à la laïcité. Pour la célébrer, entre autres manifestations, les personnels des institutions publiques seront invités, pour ce seul jour, à laisser à la maison tout signe religieux.

3) Concernant le crucifix de l'Assemblée nationale, celui-ci pourrait être déplacé et remplacé par l'inscription de trois de nos valeurs identitaires les plus chères, qui enrichissent nos valeurs fondamentales, celles de la Charte des droits et libertés de la personne, soit: la liberté, la fidélité, le partage.

4) Maintenir la présence d'objets religieux dans les institutions publiques dorénavant laïques, y compris le port personnel de signes religieux, en leurs ajoutant, cependant, par convention démocratique, votée si possible à l'unanimité par l'Assemblée nationale, un sens nouveau, celui de représenter ce trio de valeurs que nous voulons rassembleuses pour le tout le Québec.

Si, majorité et minorités, nous osions ce modèle de laïcité, ou un autre susceptible d'unir tous les Québécois, ce serait un grand pas en avant et la preuve qu'entre le multiculturalisme et le républicanisme, l'interculturalisme est possible et est la voie à suivre dans notre gestion de la diversité. Laquelle devrait éventuellement être protégée par une couverture légale.

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