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Justin... comme le Bonhomme Carnaval

Nommer le chef libéral exclusivement par son prénom, Justin, m'apparaît comme une marque d'affection plutôt qu'une marque de dérision. Et voici pourquoi.
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À plusieurs reprises depuis le début de la campagne électorale, Stephen Harper a parlé de «Justin» pour nommer le chef libéral. Les commentateurs se sont empressés d'expliquer qu'en utilisant le prénom exclusivement, le chef conservateur voulait mettre en doute la maturité de Justin Trudeau, donc sa compétence pour diriger éventuellement le Canada. Peut-être, mais je dirais qu'il y a plus.

On peut reprocher beaucoup de choses à Stephen Harper, mais dans sa façon de faire de la politique depuis neuf ans, on a rarement vu celui-ci pratiquer la dérision à l'endroit d'un adversaire. La courtoisie est plutôt sa marque de commerce. Alors, je suis porté à penser que cette familiarité n'est pas malveillante et qu'il faut chercher une autre explication.

Stephen Harper n'a-t-il pas dit que s'il gagnait l'élection de façon majoritaire, il demeurerait en poste comme chef du PCC pendant deux ans, mais pour une seule année, si sa victoire était minoritaire? Il s'agit donc d'un premier ministre qui se prépare à entrer dans l'histoire et qui souhaite une autre victoire, le 19 octobre, pour consolider son héritage.

À ce titre, il peut se permettre un peu de paternalisme. Donc, s'en tenir à nommer le chef libéral exclusivement par son prénom, Justin, m'apparaît comme une marque d'affection plutôt qu'une marque de dérision. Et voici pourquoi.

Parce que Stephen Harper est très fier du Canada qu'il croit incarner. Un Canada qui, grâce à lui, a retrouvé ses symboles monarchiques, avec le portrait de la reine un peu partout ... Un Canada, à l'image de l'Angleterre, fortement multiculturel et diversifié... Un Canada avec un gouvernement central fort qui lui donne, comme premier ministre, beaucoup d'autorité, au point de ne pas hésiter à municipaliser les provinces (attaque en pleine campagne à l'autonomie de l'Ontario qui veut se doter d'un régime de retraite) ou de les ignorer systématiquement lors de leur rencontre annuelle ou autre... ou encore de fermer le Parlement quand bon lui semble ou simplement de refuser de répondre aux questions des journalistes.

Mais aussi un Canada plus guerrier (célébrations à grand prix de la guerre de 1812 contre les républicains américains, une guerre mineure aux motifs et résultats obscurs) qui n'a pas hésité à s'impliquer militairement en Afghanistan, en Libye et maintenant au Moyen-Orient contre l'État islamique. Et, certes, un Canada outrecuidant au chapitre de sa politique internationale qui appuie sans réserve le droit d'Israël de se défendre et qui n' a pas hésité à rompre ses liens avec l'Iran, cet ennemi d'Israël, en retirant son ambassadeur pour des raisons soi-disant de sécurité en septembre 2012, alors que les cinq grandes puissances, membres du Conseil de sécurité de l'ONU, et l'Allemagne viennent de les rétablir à la suite de l'accord sur le nucléaire.

Sans oublier ce Canada émotif, partisan, voire truculent qui, par électoralisme, auprès de la communauté ukrainienne canadienne, l'a amené, comme premier ministre, à réprimander publiquement, lors la rencontre du G20 en Australie, en novembre 2014, Vladimir Poutine pour son ingérence en Ukraine, même si cela nuit maintenant au commerce avec la Russie, affectant en particulier la compagnie québécoise Bombardier.

Un Canada qui, avec humilité et fierté, grâce à lui, a reconnu lors des fêtes du 400e qu'il a été fondé à Québec par Champlain en 1608. À l'évidence, Stephen Harper aime Québec comme lieu de naissance du Canada. C'est tout à fait affectif et sans doute sincère, et cela explique qu'il s'en soit entiché et aime se fait voir avec le Bonhomme Carnaval.

Par pudeur sans doute, et il en est capable, il ne va cependant pas jusqu'à vouloir célébrer la bataille des plaines d'Abraham de 1759.

Et, il en est de même pour Justin: tout comme Bonhomme, il l'aime pour ce qu'il représente, un emblème; sans doute lui rappelle-t-il son père, Pierre Elliott ,celui qui a osé refonder le Canada en 1982 à l'aide de ses 73 députés sur 75 en provenance du Québec en rapatriant sa Constitution de Londres tout en y incluant une Charte des droits, et cela, en dépit du désaccord unanime de l'Assemblée nationale du Québec. Car ce faisant, ces Québécois ont établi les bases d'un Canada nouveau, libéré de tout nationalisme, surtout québécois, et de plus en plus distinct; d'un pays neuf qu'il croit après neuf ans de pouvoir, et peut-être davantage s'il gagne l'élection, incarner tout à fait. C'est donc cet «Harperland» qu'il espère laisser en héritage.

En fait, un pays prêt à acheter ses citoyens en mettant de l'argent dans leurs poches au prix de la réduction de l'État, un pays prêt à augmenter sa dette écologique en supprimant les scientifiques à son emploi et en se traînant les pieds au sujet des cibles de réduction des gaz à effet de serre. Mais aussi un pays qui refuse de faire enquête concernant la disparition de nombreuses femmes, citoyennes autochtones, mortes ou disparues; mais, surtout, un pays prêt à risquer d'appauvrir les plus pauvres en augmentant l'âge de la retraite à 67 ans et, surtout, prêt à enrichir les plus riches, ceux-ci étant pour monsieur Harper les bénis du ciel par qui seuls peuvent advenir la prospérité et le bonheur pour tous les Canadiens.

En conclusion, de prétendre que les valeurs conservatrices sont les valeurs du Québec, Stephen Harper prend ses rêves pour la réalité. Le temps ne serait-il pas venu pour les Québécois de dire non à ce pays, le Canada? Le temps ne serait-il pas venu après avoir, nous-mêmes, donné un pays à nos voisins, en assumant 1982 (et l'affection de Justin de la part de beaucoup de Québécois peut favoriser ce processus utilement), de penser maintenant à nous et de souhaiter s'en donner un également, le plus rapidement possible?

Et pour cela, pourquoi ne pas voter pour nous à la prochaine élection fédérale, c'est-à-dire pour le Bloc québécois? Pour que le message de notre intention de se donner un pays porte de façon claire ? Et pour toutes ces raisons, ne devrions-nous pas cesser de perdre notre temps avec le NPD et autres partis canadiens, et ce, contrairement aux dirigeants de la FTQ-Construction?

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