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Comment expliquer la mort aux tout petits

Je suis heureuse que mon mari et moi ayons eu la présence d'esprit de penser à ce que nous allions dire à notre fils. Quelque chose de court, de simple, qui ne fasse pas peur.
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Je conseillerais à quiconque dans cette situation de se préparer, et pas uniquement pour expliquer la mort à un enfant.
Geber86 via Getty Images
Je conseillerais à quiconque dans cette situation de se préparer, et pas uniquement pour expliquer la mort à un enfant.

«Je veux parler à mamie!»

C'est rare, mais ça arrive plus souvent que je ne le pensais. Mon fils de trois ans s'effondre sur le canapé tandis que je tente de me contenir. Encore une fois. Ensuite, il me regarde et il dit:

«Mamie est morte.»

Je lui réponds: «Oui, elle est morte. On peut parler à mamie tant qu'on veut, mais il faut parler à sa photo maintenant. On ne peut plus faire ça par ordinateur. Et mamie ne peut plus répondre. Mais ça va aller.»

On avait décidé de ne pas utiliser le mot «s'endormir» ou de rester trop dans l'idée du lien entre la maladie et la mort, de peur qu'il finisse par craindre ces mots du quotidien.

Mon mari et moi avions décidé d'annoncer à notre fils que ma mère était morte après son décès subit, au printemps dernier. On a cherché un peu comment faire sur Google, mais entre l'achat des billets d'avion et l'organisation de l'enterrement aux États-Unis alors que nous vivons en Angleterre on n'a pas vraiment eu le temps de faire des recherches. On avait décidé de ne pas utiliser le mot «s'endormir» ou de rester trop dans l'idée du lien entre la maladie et la mort, de peur qu'il finisse par craindre ces mots du quotidien. Bien qu'il ait passé du temps avec ma mère, sa relation avec elle avait lieu principalement sur Skype. Deux caméras et cinq fuseaux horaires avaient tissé cette relation entre ce petit bonhomme et sa grand-mère.

À mesure qu'il grandissait et qu'il devenait plus actif, il ne restait plus assis suffisamment longtemps pour avoir des conversations avec elle comme quand il était petit. Un an auparavant, ils jouaient encore à cache-cache et se faisaient de gentilles grimaces. J'étais émerveillée du lien qu'un petit garçon pouvait développer avec une femme qu'il avait connue presque uniquement par écran interposé. Et en dépit des articles sur les dangers du temps passé devant un écran, j'ai ignoré les études sur le sujet parce que j'avais besoin de ce temps pour lui. Plus récemment, il ne voulait plus interrompre ses activités pour discuter avec sa grand-mère. Je me souviens de la tristesse résignée dans la voix de ma mère qui essayait de lui parler. Je cherchais des excuses pour lui remonter le moral et ne pas alimenter ma culpabilité (une fille unique qui déménage à 6 500 km de sa mère avant de tomber enceinte a déjà une culpabilité suffisamment lourde à porter).

Plusieurs semaines après notre retour de l'enterrement, lorsque mon fils a soudainement crié: «Je veux parler à mamie!» je suis restée figée pendant ce qui m'a semblé une éternité. Tout tournait autour de moi. Ma culpabilité a ressurgi, toutes griffes dehors. Tous mes sens étaient en alerte.

Aïe, il ne l'a pas oubliée.

Pas de panique. Ne pleure pas. Du calme. Tout va bien.

Il veut parler à mamie.

Et lui faire des grimaces.

Plonger son regard dans ses yeux rieurs et chaleureux, derrière ses lunettes.

Elle aura encore son chemisier bleu.

Et ses fins cheveux bruns, moins gris que les miens (je la déteste!)

Et elle sera assise devant la table avec la lampe rose.

Pourquoi est-ce que je ne suis pas allée la voir l'an dernier? Je sais, j'étais enceinte, mais j'aurais pu emmener mon fils une fois encore. On lui avait dit qu'on viendrait en avril et qu'on lui amènerait le bébé. Tout était prévu. Pourquoi tout s'est écroulé?

Arrête. Arrête. Respire. Respire. Respire.

Et j'ai dit: «Oui, elle est morte. On peut parler à mamie tant qu'on veut, mais il faut parler à sa photo maintenant. On ne peut plus faire ça par ordinateur. Et mamie ne peut plus répondre. Mais ça va aller.» Comme la première fois.

Je conseillerais à quiconque dans cette situation de se préparer, et pas uniquement pour expliquer la mort à un enfant.

Je suis heureuse que mon mari et moi ayons eu la présence d'esprit de penser à ce que nous allions dire à notre fils. Quelque chose de court, de simple, qui ne fasse pas peur. Pas seulement parce que c'était difficile pour lui, mais parce que ça l'était aussi pour moi. Je conseillerais à quiconque dans cette situation de se préparer, et pas uniquement pour expliquer la mort à un enfant. Le sujet a tendance à revenir encore et encore, au moment où on s'y attend le moins.

Plus tard cette nuit-là, après la première crise de notre fils, mon mari m'a demandé si ça allait. Je l'ai regardé et j'ai dit oui. Ensuite, il m'a dit qu'il l'avait trouvé dans notre chambre en train de dire: «Bonne nuit, mamie» à la photo de ma mère.

Elle aurait trouvé ça adorable.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffPost britannique, a été traduit par Anne-Laure Martin pour Fast for Word. Il a également été publié sur le HuffPost France.

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