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Les débats sur les sables bitumeux et les oléoducs freinés par l'absence de stratégie nationale énergétique

Le Canada possède d'immenses richesses naturelles, dont une grande partie sont des ressources énergétiques. Cependant, nous n'avons aucun plan permettant de guider l'exploitation et l'utilisation de ces ressources ni sur la façon d'apporter cette énergie à la population canadienne.
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Par David Suzuki, avec la participation d'Ian Hanington, spécialiste des communications et d'éditions

Les débats actuels concernant les oléoducs sont fortement compromis par des thèses de conspiration, des distractions et de la désinformation. Arriverons-nous tous à nous entendre?

Qui serait tenté de nier qu'en tant qu'êtres humains, nos besoins les plus importants sont d'avoir de l'air et de l'eau pure, des sols productifs, ainsi qu'une diversité d'espèces? En effet, la protection de ces besoins essentiels à la vie ne suscite aucune controverse. Nous avons également besoin d'énergie - issue de différentes sources. Le pétrole fait partie de ces sources. Nous pouvons certainement tous nous mettre d'accord sur le fait que brûler des combustibles fossiles au rythme actuel ou supérieur n'est pas bon pour la santé et pour l'environnement. Les personnes sensées s'entendent également pour dire qu'en agissant ainsi, nous entrainons un changement climatique qui menace l'existence humaine.

Que nous reste-t-il? Le Canada possède d'immenses richesses naturelles, dont une grande partie sont des ressources énergétiques. Cependant, nous n'avons aucun plan permettant de guider l'exploitation et l'utilisation de ces ressources ni sur la façon d'apporter cette énergie à la population canadienne. En effet, quiconque entend parler d'un plan énergétique national ne peut s'empêcher de penser au Programme Energétique National (PEN) tant « détesté » qui avait été lancé par le gouvernement libéral du premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1980 et qui avait ensuite coulé après l'élection du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney en 1984.

Ce programme était une réponse à la crise énergétique des années 1970, lorsque le prix du pétrole avait monté en flèche. Ses objectifs étaient de promouvoir l'autosuffisance énergétique et la propriété canadienne, de conserver l'approvisionnement, de maîtriser les prix, de promouvoir l'exploration pétrolière et les sources d'énergie alternatives tout en augmentant les revenus du gouvernement. Mais cela n'a pas plu aux gens de l'Alberta qui ont pensé que le gouvernement fédéral venait ainsi fourrer son nez dans les affaires provinciales.

Quels que soient les réussites et les échecs du PEN, l'histoire ne devrait pas nous empêcher de nous joindre au reste du monde développé afin de mettre en place une stratégie énergétique. C'est pourquoi la Fondation David Suzuki travaille à l'élaboration d'un programme de grande envergure, le Projet Trottier pour l'Avenir Energétique, en association avec l'Académie Canadienne du Génie.

J'ai trouvé un terrain d'entente au sein d'un groupe très varié de personnes issues de milieux divers. Ce groupe comprend des responsables de l'industrie et des syndicats, ainsi que plusieurs premiers ministres canadiens, dont la nouvelle première ministre conservatrice de l'Alberta, Alison Redford. Cette dernière appelle cette idée la Stratégie Canadienne de l'Energie pour éviter toute association avec le redoutable PEN.

Avec autant de gens brillants examinant divers programmes, nous pouvons certainement trouver un moyen de résoudre certains problèmes critiques que nous avons causés. Une stratégie solide, développée grâce aux idées de gens bien de chez nous de tous horizons, nous aiderait à prendre des décisions plus rationnelles sur les sables bitumeux et les oléoducs, ainsi que sur d'autres sources d'énergie, y compris des sources alternatives renouvelables et plus propres.

Devrions-nous envoyer plus de bitume brut vers les raffineries des États-Unis ou de Chine en utilisant de nouveaux oléoducs? N'oublions pas que le projet d'oléoduc Keystone, en suspend depuis que le Président Barack Obama a rejeté la première proposition, n'a pas pour but d'approvisionner les États-Unis en pétrole, mais d'acheminer le bitume au Texas où il sera raffiné et finalement exporté.

Je suis d'accord à ce sujet avec l'ancien premier ministre de l'Alberta Peter Lougheed, l'un des plus fervents opposants au PEN. Lougheed a expliqué avec raison qu'en acheminant tout notre bitume aux États-Unis ou en Chine pour le raffinage, nous créons des emplois dans ces pays au lieu de les conserver chez nous.

Lougheed a également suggéré que nous devions nous comporter en tant que propriétaires des sables bitumeux; ralentir le développement, recevoir notre part des recettes, et conserver quelques-unes de ces richesses et ressources pour l'avenir.

Je suis absolument d'accord. Nous devons nous souvenir que les sociétés pétrolières - qu'elles viennent de Chine, des États-Unis, du Canada ou d'ailleurs sont locataires de nos terres et non propriétaires. Nous devons mener la barque et en tirer profit.

Il est grand temps de laisser derrière nous les théories de conspiration concernant le versement par les États-Unis de petites sommes d'argent aux groupes écologiques, les insultes sur les radicaux, et les slogans marketing de bas de gamme comme Ethical Oil (le pétrole éthique). (Moins de 10% des fonds reçus par la Fondation David Suzuki proviennent de sources étrangères, et une infime partie est utilisée dans notre travail sur le climat et l'énergie.)

Nous devons cesser de vendre nos ressources et matériaux bruts, d'accroître la production de sables bitumeux, ou de construire de nouveaux oléoducs tant que nous n'aurons pas mis en place un programme garantissant à la population du pays qu'elle sera la première à bénéficier de l'énergie, des emplois et des revenus. Nous devons carrément nous assurer que, quoi que nous fassions, nous le faisons de manière à minimiser notre impact sur l'environnement.

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