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Les manifestations mettent en lumière des priorités mal établies

Après des semaines de manifestations, il est évident que le problème va plus loin que la question de la hausse des frais de scolarité. Les manifestants nous forcent à nous poser une incontournable question : à quoi sert un gouvernement ? Gouverner, c'est établir des priorités. Les étudiants se rendent bien compte qu'ils ne pèsent pas lourd dans celles-ci.
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afp

Lorsque j'ai entendu parler des manifestations étudiantes à Montréal, j'ai automatiquement pensé que les jeunes au Québec sont choyés, qu'ils paient moins qu'ailleurs au Canada et qu'ils n'ont aucune idée que l'éducation doit se payer. Puis, je me suis rendu au Québec. Là, j'ai entendu une tout autre histoire.

Après des semaines de manifestations, il est évident que le problème va plus loin. Les manifestants nous forcent à nous poser une incontournable question : à quoi sert un gouvernement ? Gouverner, c'est établir des priorités. Les étudiants se rendent bien compte qu'ils ne pèsent pas lourd dans celles-ci.

Les gouvernements partout au Canada n'ont aucun scrupule à investir d'importantes sommes d'argent afin d'exploiter les « ressources naturelles », mais ils préfèrent ignorer la plus importante de toutes, nos enfants. Les jeunes seront aux commandes bien après que les décideurs actuels seront partis. Ils auront à assumer les coûts des décisions écologiques, sociales et économiques prises en ce moment.

Le défi grandissant que représente l'obtention d'une éducation postsecondaire n'est pas la seule question motivant les gens à envahir les rues de Montréal. Le 22 avril, Jour de la Terre, 300 000 personnes sont descendues dans les rues pour célébrer la nature. Le 22 mai, ils étaient des dizaines de milliers à se mobiliser afin d'opposer les mesures draconiennes prises pour stopper les manifestations.

Les manifestants de Montréal attirent l'attention sur une tendance grandissante : les décisions des gouvernements sont souvent influencées en faveur de priorités à court terme et souvent pour satisfaire les intérêts des industries. Afin de promouvoir ces priorités, les gouvernements, les industries et leurs partisans découragent les discussions portant sur les questions importantes et diabolisent ceux qui veulent du changement ou qui dérangent le statu quo. Ainsi, parce qu'Al Gore vit dans une grande maison (même s'il tente d'être « carbone neutre »), on dit de lui qu'il est hypocrite. Ceci fait en sorte que les anti-environnementalistes concluent illogiquement que nous devrions donc ignorer ou nier la science entourant les changements climatiques.

La progression de cette logique erronée a atteint un nouveau creux lorsque le Heartland Institute, un organisme américain qui nie l'existence des changements climatiques, s'est mis les pieds dans les plats. L'Institut a lancé une campagne sur panneaux d'affichage laissant entendre que parce qu'Unabomber, Fidel Castro et Charles Manson croient aux changements climatiques, tous ceux qui sont d'accord avec les preuves scientifiques du réchauffement climatique doivent aussi êtres des tyrans, des fous et des meurtriers. On pourrait tout aussi bien conclure à l'inverse, et tout aussi à tort, puisque Anders Behring Breivik, qui a assassiné 77 personnes le 22 juillet en Norvège, nie l'existence des changements climatiques et a fait référence aux « spécialistes » du Heartland Institute dans son manifeste!

L'Institut a interrompu sa campagne en raison de la réaction négative massive du public et parce que ses investisseurs et ses sympathisants tentaient de se distancer de l'organisme. Mais cet épisode n'était qu'une autre tentative de détourner les discussions rationnelles portant sur des questions importantes tel le réchauffement climatique. Et, si même les tyrans, les fous et les meurtriers comprennent, pourquoi nos politiciens, eux, ne comprennent-ils pas?

Le mouvement Occupons remet aussi en question les priorités, plus précisément celles touchant les programmes pro-entreprises de bien des gouvernements. Les entreprises sont des personnes morales seulement, mais elles possèdent des droits similaires aux nôtres et ont beaucoup d'argent à investir dans les politiciens débutants et dans les groupes d'intérêts qui aident à embrouiller les discussions importantes.

On reconnaît ainsi ce genre de tactiques avec le projet d'oléoduc Enbridge Northern Gateway, plus spécialement en ce qui touche les préoccupations des Premières Nations. Beaucoup de communautés côtières et du nord feraient tout pour de nouveaux emplois et du développement économique. Enbridge offre des incitatifs, dont des emplois, mais les Premières Nations côtières réalisent qu'il y a des choses qui sont plus importantes que l'argent. Pourquoi ne comprenons-nous pas tous cela ?

Nous sommes constamment bombardés par le message que les emplois et la croissance économique sont la priorité numéro un du gouvernement. Mais les Premières Nations côtières, les manifestants d'Occupons et les étudiants de Montréal, entre autres, nous disent que l'économie et la croissance ne sont pas une fin, mais plutôt un moyen de construire une meilleure société. Une société qui apprécie ses jeunes sait faire l'équilibre avec le développement économique et industriel de manière à ne pas compromettre leur avenir, et elle rend l'éducation supérieure accessible à tous.

Bon nombre d'entre nous ont suivi avec intérêt le remarquable mouvement du « printemps arabe ». Même si les manifestations, ici, touchent plutôt des questions de « pays industrialisés », contrairement à la lutte pour des droits démocratiques fondamentaux au Moyen-Orient, elles nous rappellent que nous devons rester sur nos gardes.

Comme le gouvernement du Canada élimine des programmes et des organismes nous tenant informés sur l'environnement et les changements climatiques, coupe dans les mesures visant à protéger l'environnement, et fait pleuvoir l'argent afin de promouvoir les intérêts des combustibles fossiles tout en ignorant les cris d'urgence venant des scientifiques, des étudiants, des Premières Nations, et de dizaines de milliers de citoyens, il est de notre devoir d'écouter et de se joindre à la conversation.

Pour en apprendre davantage, consultez le site www.davidsuzuki.org

Jour de la Terre: la manifestation à Montréal

La marche du Jour de la Terre 2012


Manifestation des 100 jours - 22 mai 2012

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