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Le médecin doit être un guide autant qu'un soignant

Le système de soins de santé est trop orienté vers la maladie plutôt que vers la santé, et la médecine moderne accorde trop d'attention aux organes au détriment des patients.
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Lors de la réception d'un doctorat honoris causa à l'Université du Manitoba, le 14 mai dernier, le journaliste affecté à la santé au Globe and Mail, André Picard, a livré un discours très éloquent et inspirant aux finissants de la Faculté de Médecine, reproduit dans le Huffington Post Québec le 15 juin.

Dans son discours, M. Picard souligne à fort juste titre que le système de soins de santé est trop orienté vers la maladie plutôt que vers la santé, que la médecine moderne accorde trop d'attention aux organes au détriment des patients, et que les facteurs sociaux sont au moins aussi importants que le traitement des maladies. Il enjoint les médecins à éviter le surtraitement, surtout en fin de vie, à privilégier le confort et la qualité de vie plutôt que la recherche de guérison à tout prix.

Alors que nous faisons face à une amélioration incessante des connaissances et des technologies permettant de prolonger la vie, avec un vieillissement conséquent de la population, ces conseils sont certes fort appropriés et bienvenus. D'ailleurs, plusieurs organisations, dont l'Association médicale du Québec avec sa campagne Choisir avec soin, et des auteurs comme le chirurgien américain Atul Gawande dans son remarquable livre Being Mortal, abondent dans le même sens.

Le médecin ne doit pas se contenter d'appliquer des algorithmes et des lignes directrices. Il doit adapter le traitement aux désirs, objectifs, capacités et incapacités du patient. Il doit accompagner son patient dans son cheminement dans la vie et, souvent, vers la mort. Il doit être un guide autant qu'un soignant. Il est intéressant de revenir à l'étymologie du mot «docteur», dérivé du latin docere , qui signifie «enseigner», par opposition au «médecin», tiré du latin medicus, soit «aider à guérir».

Cependant, en même temps que la médecine évoluait, les médecins faisaient de même. Les nouvelles générations de médecins ont été formées différemment des précédentes, comme en témoigne le programme de «Patient partenaire» de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, qui donne un rôle prépondérant aux patients dans l'enseignement même de la médecine. Les médecins ne sont plus aussi paternalistes et directifs qu'ils ont pu l'être. La plupart d'entre eux cherchent à établir un véritable dialogue et partenariat avec le patient, favorisant l'autonomisation («empowerment») de celui-ci.

Picard élude totalement une partie importante du problème du surtraitement ou de «l'acharnement», soit les demandes et désirs des patients eux-mêmes ou de leur famille. Le médecin n'impose jamais un traitement à un patient qui ne le désire pas.

Au contraire, il doit souvent consacrer beaucoup de temps et d'effort à convaincre un patient ou sa famille que telle investigation, telle consultation, tel traitement ou tel médicament n'est pas indiqué, ou pourrait même être nuisible, étant donnée la condition globale du patient.

La plupart du temps, grâce à une discussion attentionnée, le patient comprendra et se rendra au point de vue du médecin. Mais le lui expliquer est beaucoup plus long et moins «productif» que de prescrire le dit test ou médicament. Un système qui encourage la productivité au détriment de la relation thérapeutique risque donc de favoriser encore plus le surtraitement plutôt qu'une approche centrée sur le patient.

Afin que les médecins québécois puissent respecter la partie du serment d'Hippocrate (qu'ils ne prêtent plus d'ailleurs) évoquée par Picard - «Dans quelque maison que je rentre, j'y entrerai pour l'utilité des malades» -, il faudra faire bien plus que les éduquer. Il faudra que la société se donne les moyens de s'attaquer aux problèmes sociaux mentionnés par Picard (manque d'éducation, pauvreté, logements inadéquats). Car même avec la meilleure volonté, les médecins n'ont aucun pouvoir sur ces aspects.

Il faudra également établir un dialogue social sur notre relation avec la vie et la mort afin que tous, médecins, patients et familles, puissent travailler en collaboration et partenariat à atteindre un objectif commun, pour le bien du patient.

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Mai 2017

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