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Tiraillements et ralliements dans le camp sunnite

L'Iran a des visées hégémoniques qui inquiètent les pays sunnites au Moyen-Orient. Ces derniers tentent de faire front commun, mais des tensions persistent encore.
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L'Iran a des visées hégémoniques qui inquiètent les pays sunnites au Moyen-Orient. Ces derniers tentent de faire front commun, mais des tensions persistent encore.

Le regroupement sunnite

Le Conseil de coopération du Golfe puis la Ligue arabe ont officiellement désigné comme terroriste le Hezbollah libanais qui s'est aligné sur les ambitions hégémoniques iraniennes dans le Croissant Fertile. Lors du sommet de l'Organisation des États islamiques et en présence du président iranien Rouhani, 30 pays ont passé une résolution dénonçant les interventions du Hezbollah et condamnant le soutien continu de l'Iran au terrorisme de même que son interférence en Syrie, au Bahreïn, en Somalie et au Yémen. Un corps d'armée de pays sunnites fait des manœuvres dans le Nord-est de l'Arabie et un mur est construit à la frontière irako-saoudienne pour empêcher les infiltrations de djihadistes de tous acabits. Aucun arrangement n'a été prévu pour le pèlerinage d'Iraniens à La Mecque.

La dissension égyptienne

La force militaire principale des pays sunnites est l'armée égyptienne. Or le président Sissi ne voit pas d'un bon œil le soutien apporté aux rebelles syriens et à certains groupes djihadistes en vue de renverser le régime syrien. Il verrait bien un pays dirigé fermement par l'armée - comme en Égypte. Il s'est donc distancié de cette initiative. Pour le président égyptien, le président Assad dont on connaît les défauts vaut mieux que tout autre régime qui sympathiserait avec les islamistes et notamment les Frères musulmans. Ces derniers sont soutenus par la Turquie et le Qatar, ce que le gouvernement égyptien réprouve.

En octobre 2016, l'Égypte a voté pour une résolution onusienne présentée par la Russie visant l'établissement d'un cessez-le-feu en Syrie, mais n'exigeant pas la cessation des bombardements aériens syriens. Outrée, l'Arabie a suspendu la livraison mensuelle de 700 000 tonnes de produits pétroliers à l'Égypte dans le cadre d'une aide saoudienne globale de 23 milliards de dollars. Qui plus est, malgré les armements sophistiqués et importants de l'Arabie et des émirats du Golfe, ces pays piétinent au Yémen et souhaiteraient une participation égyptienne massive qui ne semble pas se concrétiser. Or les Houtis du Yémen qui sont soutenus par les Gardes révolutionnaires iraniens disposent de fusées de longue portée qui pourront bientôt menacer La Mecque et Médine et par extension, les régimes de la péninsule arabique.

Le manège turc

Pays musulman à majorité sunnite, mais non pas arabe, la Turquie est dirigée par un président qui change ses alliances, telle une girouette qui pivote autour d'un seul axe stable, soit la hantise d'un pouvoir kurde renforcé le long de sa frontière sud. Cultivant la nostalgie de l'ancienne hégémonie ottomane, le président turc s'est prononcé en faveur d'une union politique avec la Syrie. Mais ce projet a échoué. Les liens avec la Russie et Israël ont été coupés avec grand fracas avant d'être renoués. L'intervention turque en Syrie visant à empêcher une victoire trop éclatante des Kurdes syriens armés par les puissances occidentales a nécessité une certaine coordination avec la Russie (et aussi l'Iran). Or, la Turquie qui fait partie de l'OTAN dépend beaucoup trop de l'Occident pour la maintenance de son équipement militaire. La purge des gradés turcs après le putsch manqué de juillet 2016 a affaibli l'armée turque qui a dû faire appel à l'aviation russe lors de son incursion en Syrie. Or, voilà que le président Erdogan commence à dénoncer l'expansionnisme iranien et semble vouloir se rallier aux pays de la Péninsule arabique. Il ne continue pas moins à dénoncer avec véhémence le renversement du régime des Frères musulmans en Égypte...

Le ralliement autour d'Israël

La lutte contre Israël a été l'agent de ralliement des pays arabes durant des décennies, alors même que la plupart d'entre eux étaient déchirés dans de multiples conflits. Les instances internationales ont été saturées de complaintes visant à noircir Israël au détriment de tout bon sens et de toute vérité. Cette réalité a changé. Voilà que l'armée égyptienne inonde les tunnels du Hamas à Gaza et invite les drones israéliens à participer à la lutte contre les groupements islamiques dans le Sinaï. La Jordanie fait appel à Israël pour consolider la défense de ses frontières Nord et Est, car elle pourrait être menacée par l'État islamique et des milices chiites. Récemment, le chef d'état-major et le chef des services secrets saoudiens se sont rendus en Israël. L'établissement d'un accord de paix régional entre les émirats et Israël, accord qui précéderait un règlement de la question palestinienne, est actuellement débattu. L'ironie veut qu'aujourd'hui, les pays sunnites se rallient autour d'Israël pour faire face à l'expansionnisme iranien... De son côté, Israël cherche à empêcher le transfert de fusées de longue portée aux caches libanaises du Hezbollah et offre des soins médicaux à des milliers de Syriens, toutes allégeances confondues.

La menace interne

Les pays sunnites sont menacés de l'intérieur par des djihadistes ou des Frères musulmans et de l'extérieur par l'Iran. En Syrie, la division est profonde : il est vrai que le corridor reliant Damas au Qalamoun et à Homs constitue aujourd'hui une enclave alaouite pratiquement sans population sunnite ; mais deux millions d'alaouites ne pourront continuer de contrôler indéfiniment plusieurs millions de Sunnites en Syrie dans laquelle 80 000 combattants sont opposés au régime syrien. Les facteurs d'instabilité ne manquent pas dans les pays voisins.

Les Frères musulmans sont légalement actifs en Jordanie et illégalement actifs en Égypte. Ils sont qualifiés d'entité terroriste en Égypte, en Arabie et aux Émirats arabes unis. L'État islamique et Al-Qaeda veulent éliminer les Chiites iraniens et renverser les monarchies de la Péninsule arabique avant d'islamiser la planète, mais selon un ordre de priorité différent. Les minorités chiites des Émirats sont encouragées à la sédition par l'Iran. L'opposition aux privilèges des familles régnantes constitue un autre facteur de dissension dans la Péninsule arabique. En outre, la baisse des rentrées de pétrole va affecter dans une mesure certaine l'économie de ces pays.

Les ventes d'armes à ces pays et à l'Arabie se multiplient, sans compter les ventes américaines beaucoup plus importantes.

À noter que depuis le Brexit, la Grande-Bretagne - ce huitième émirat - a redoublé d'efforts pour courtiser avec grand doigté les sept émirats du Golfe, construit une base militaire au Bahrein.et projette d'en construire d'autres à Doubaï et à Oman. Les ventes d'armes à ces pays et à l'Arabie se multiplient, sans compter les ventes américaines beaucoup plus importantes.

À la suite de la chute du régime libyen, l'arsenal libyen a été vendu au marché noir d'armes ou a servi à armer des extrémistes islamistes. Nul n'ose imaginer le scénario d'un changement de pouvoir dans les pays sunnites. Des centaines de milliards d'armes seraient alors à la disposition de djihadistes. Ce danger potentiel sera décuplé d'ici quelques années, car les pays sunnites veulent avoir accès aux technologies nucléaires au même titre que l'Iran qui pourra légalement en disposer sans restriction dans huit ans.

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Mai 2017

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