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Sur la scène internationale, la Turquie a trouvé porte close lorsqu'elle a voulu faire partie de l'Union européenne.
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Il y eut un bref moment où de nombreux pays comptaient sur la Turquie pour donner l'exemple d'un régime démocratique harmonisé avec un islam modéré. Au départ, le parti islamique APK a affiché des slogans démocratiques en soulignant le redressement économique prodigieux de l'économie turque. Sous la direction du premier ministre - et maintenant président - Erdogan, ce parti a graduellement révélé son penchant islamiste en prenant des mesures visant à effacer progressivement les traces de laïcisation de la Turquie. Pire encore, la démocratie turque est grugée de façon inquiétante par des lois visant à museler les critiques et par l'annulation de poursuites relatives aux scandales de corruption graves dans lesquelles des membres influents de l'APK - dont le fils d'Erdogan - sont impliqués.

Sur la scène internationale, la Turquie a trouvé porte close lorsqu'elle a voulu faire partie de l'Union européenne. Erdogan s'est replié sur « l'ottomanie » voulant redonner activement à la Turquie un rôle de leadership dans le monde en comptant sur la puissance mobilisatrice de l'identité musulmane. Erdogan a glorifié l'Empire ottoman et a prôné une politique de « problème zéro avec les voisins ». Or, ses essais de médiation au Proche-Orient n'ont pas été concluants. La Turquie a joué la carte anti-israélienne à outrance pour se valoriser auprès des masses arabes. Son union politique projetée avec la Syrie a avorté. Lorsque la rébellion a grondé en Syrie, l'allié d'hier Assad est devenu l'ennemi à abattre. La Turquie a aussi participé à l'attaque de l'OTAN contre le président Kadhafi en Libye, mais cette intervention n'a connu aucune retombée tangible.

Par ailleurs, la Turquie a célébré la victoire des Frères musulmans d'Égypte, s'aliénant ainsi le nouveau gouvernement égyptien du président Sissi, mais aussi l'Arabie et les émirats du Golfe qui sont opposés à ce mouvement. Seul le Qatar est disposé à soutenir la cause des Frères musulmans. Devant l'isolation grandissante de la Turquie et devant la contestation domestique, Erdogan s'est retranché derrière des théories de conspiration, accusant tour à tour les puissances occidentales, des puissances occultes, ou même les minorités nationales et religieuses de son pays.

Une des constantes de la politique turque est de chercher à étouffer toute velléité d'autonomie chez les Kurdes. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le traité de Sèvres a consacré le démantèlement de l'Empire ottoman au profit de la France, de l'Angleterre, de la Grèce et de l'Italie. Le syndrome de Sèvres désigne les peurs nationales turques devant le possible rétrécissement des frontières au profit du Kurdistan ou de l'Arménie. Aujourd'hui, les Kurdes de Kobani en Syrie sont encerclés de trois côtés par les combattants de l'État islamique. L'armée turque campe tout près, sans agir. Entre autres exigences, la Turquie somme les Kurdes de Syrie à se joindre au gouvernement d'opposition chapeauté par l'Armée syrienne libre. La hantise de la Turquie est que le renforcement des Kurdes de Syrie ou d'Irak ne vienne accélérer les aspirations sécessionnistes des Kurdes de Turquie qui constituent près du quart de sa population. Par le passé, la guerre contre les Kurdes de Turquie a fait plus de 40 000 morts. Des négociations difficiles avec la rébellion armée du PKK kurde - considéré comme terroriste - sont aujourd'hui remises en question en raison du refus de la Turquie de laisser passer des secours à la ville assiégée.

La Turquie fait partie de l'OTAN. Elle lui a demandé son aide pour installer des missiles Patriot en son sol à des fins de défense contre une attaque syrienne. Elle héberge une station radar de défense antimissile américaine, mais ne fait rien pour faciliter la lutte contre l'État islamique ; pas même permettre aux avions de la coalition internationale d'atterrir sur son sol. La Turquie d'Erdogan compte sur son importance géostratégique pour que l'Occident accepte ses politiques erratiques comme il le fait avec l'Arabie saoudite imbue de son importance pétrostratégique. À la différence près que si la démocratie progresse à petits pas en Arabie, elle recule à grands pas en Turquie, désillusionnant ceux qui l'ont considérée comme parangon de démocratie islamique modérée.

La Turquie est plus isolée que jamais comme le montre le vote peu flatteur (perte de 91 votes par rapport à 2008) pour sa candidature au siège non permanent du Conseil de sécurité. Elle n'est pas restée insensible à la pression internationale et vient tout juste de permettre aux Kurdes d'Irak de venir en aide aux Kurdes de Syrie dans la ville de Kobani. La politique de « zéro problème avec les voisins » de la Turquie s'avère être un cuisant échec.

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