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Le danger des visions apocalyptiques

Le temps est venu pour les religions de repenser ensemble et avec humilité ce qu'elles ont en commun: l'humanité.
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On attribue à André Malraux les propos suivants: «La civilisation des machines est la première à chercher ses valeurs... Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas... Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus grande menace qu'ait connue l'humanité, va être d'y réintégrer les dieux.» Le repli sur le fait religieux de nos jours mérite que l'on se penche sur les visions qu'il véhicule.

Les traditions exégétiques des croyances monothéistes s'accordent sur une chose: la résurrection se tiendra à Jérusalem, au pied du mont des Oliviers. La finalité des jours est un thème récurrent dans les Écritures. Elle revêt plusieurs formes dont celle de l'apocalypse. Plusieurs fois dans l'histoire, l'apocalypse a été pressentie lorsque de grands évènements se produisaient et cela continue encore à ce jour. La popularité des scénarios apocalyptiques est grande dans les milieux des fondamentalistes chrétiens, des radicaux sunnites et des chiites. Il ne faut pas en minimiser l'importance, car on y interprète l'actualité selon un scénario prédéterminé allant de l'attente messianique idyllique à l'affrontement d'Armageddon.

Dans la Bible hébraïque, il est fait état du jour du Seigneur qui réduira la terre en solitude et en exterminera les criminels, mais aussi du rassemblement des exilés et de la restauration de Jérusalem et de son Temple, symboles d'espoir et de paix universelle [1]: «le loup et l'agneau paîtront côte à côte ... plus de méfaits, plus de violence sur toute Ma sainte montagne... les nations marcheront à la lumière de Jérusalem et les rois à l'éclat de sa lueur.» Des prophéties parlent d'une guerre d'empires qui sera suivie de la résurrection des morts. Selon Malachie, le prophète Élie sera dépêché avant le jour redoutable de YHWH et «ramènera le cœur des pères à leurs enfants, et le cœur des enfants à leur père.» L'Apocalypse n'est donc pas inévitable.

En son temps, Jésus annonça que l'Apocalypse se produira à Jérusalem, au cours de laquelle les nations et les royaumes se combattraient, apocalypse accompagnée de fléaux et des séismes. Cette apocalypse serait le prélude au jour du Jugement et à l'avènement du royaume des cieux.

L'apôtre Jean précise que le Jour du Seigneur, la terre sera entièrement brûlée. Satan sera jeté dans l'étang de feu avec l'antéchrist, personnage maléfique qui tente de se substituer au Christ.

Les hommes seront jugés selon qu'ils sont inscrits ou non dans le livre de la vie. L'apôtre Jean a la vision d'une Jérusalem céleste qui descend du ciel. Alors, «Dieu essuiera toute larme et il n'y aura plus de mort, de pleur, de cri et de peine, car l'Ancien Monde s'en est allé.»

Dans le Coran, il est question du jour de la Résurrection, mais aussi du Jugement ou de l'Heure. Les incroyants sont voués aux feux éternels de l'enfer; ceux qui croient et accomplissent des bonnes œuvres iront à l'Éden arrosé de fleuves, avec des fruits en abondance, ainsi que des femmes vierges [2].

Or les Écritures sont souvent cryptiques et s'accompagnent d'exégèses complexes auxquelles certains courants religieux accordent parfois autant d'importance. Ces exégèses sont enchevêtrées et souvent contradictoires. Elles alimentent toutefois les croyances dans les religions monothéistes.

Il existe une exégèse islamique voulant que la mosquée lointaine à laquelle Mahomet se serait envolé de nuit soit localisée à Jérusalem et non à Médine. La bataille de la fin des temps a lieu dans le nord de la Syrie, entre les localités d'Aamaq et de Dabiq. Les musulmans y affrontent les Roum ou Romains qui désignaient les Byzantins au temps de Mohammed et que les djihadistes assimilent aujourd'hui aux «Croisés» ou aux Occidentaux en général.

Chez les Sunnites, le leader musulman obéit à Jésus qui combat un personnage Djalal assimilable à l'Antéchrist. Les troupes commandées par ledit leader et Jésus se rendent ensuite à Jérusalem, ultime centre spirituel d'une humanité convertie à l'islam. Quant aux Chiites, ils attendent le retour du douzième et dernier imam caché, le Mahdi, qui attend le moment opportun pour se manifester et affronter les Roum. Il existe également une tradition islamique voulant que La Mecque et Médine se posent sur Jérusalem le jour du Jugement: le paradis se pose sur le mont du Temple et l'enfer dans la vallée de Guéhinom.

Les chrétiens fondamentalistes croient que trois conditions sont nécessaires pour qu'ait lieu l'avènement de l'Apocalypse: la restauration de l'État d'Israël, la souveraineté juive sur Jérusalem et la construction du Troisième Temple. Les pères fondateurs de l'État moderne d'Israël ont été majoritairement laïques et socialistes.

Aujourd'hui, il existe un courant religieux pour qui le retour du peuple hébreu sur sa terre est l'accomplissement d'une prophétie biblique ainsi qu'un courant orthodoxe qui se cantonne exclusivement dans l'étude et la pratique religieuse. La tradition judaïque veut que le Temple soit miraculeusement rebâti à l'ère messianique et certaines personnes dessinent déjà ce que serait le futur troisième Temple.

Les fondamentalistes qui s'abreuvent de visions apocalyptiques finissent par rejeter aveuglément et inhumainement ce qui ne cadre pas dans l'étroitesse de leur champ de vision.

En 1969, l'Australien Denis Rohan membre de l'Église universelle de Dieu met le feu à la Mosquée d'Al-Aqsa, espérant ainsi accélérer la Seconde venue du Christ. En 1979, un mahdi autoproclamé occupe La Mecque pendant deux semaines. La répression saoudienne prend fin après plusieurs centaines de morts. En 1993, convaincue de vivre le jugement qui précède la seconde venue du Christ, la secte de David Koreich à Waco au Texas assimile le gouvernement américain à la Bête de l'Apocalypse qui cherche à détruire le peuple de Dieu. 79 personnes se seraient laissé immoler par le feu.

L'État islamique qui a choisi de titrer son magazine Dabik fait une lecture littéraliste du Coran et des exégèses, ce qui le mène à agir avec une cruauté barbare tous azimuts en vue de provoquer une guerre apocalyptique. Les chiites d'Iran célèbrent la martyrologie. Dans le cursus officiel du ministère de l'Éducation d'Iran, il est stipulé d'y enseigner que la bataille entre la civilisation islamique de l'Iran et la civilisation occidentale en est une du bien contre le mal.

La renommée de Jérusalem est également due aux prédictions des temps futurs dans les Écritures qui en font le point de convergence des finalités eschatologiques. Les prophéties des temps futurs des Écritures étoffées par des écrits exégétiques peuvent fasciner le croyant ou même l'incrédule. Mais ce dernier agit-il de façon à les voir se réaliser? C'est là le danger associé aux visions de la fin des temps dans les Écritures. Il n'en demeure pas moins que l'on trouve dans les Écritures des préceptes pour sauver l'humanité d'elle-même et de viser la félicité que les traditions exégétiques des croyances monothéistes idéalisent ultimement à Jérusalem.

Revenons aux idées avancées par André Malraux: en s'appuyant sur la transcendance, les religions ont constitué l'échine de la morale et de l'éthique durant des millénaires. Elles ont proposé en parallèle une vision futuriste de paix universelle ou d'une rétribution au mérite dans un futur lointain ou dans l'au-delà. Aujourd'hui, l'être humain détient une puissance qu'il n'a jamais eue par le passé: ses progrès en génétique permettent de le remodeler; il a développé des moyens de détruire toute la planète. Le temps est venu pour les religions de repenser ensemble et avec humilité ce qu'elles ont en commun: l'humanité.

Références

[1] David Bensoussan, La Bible prise au berceau, Volume troisième, Les Éditions Du Lys, 1998

[2] Par contre, les écrits bibliques qui précèdent la période de l'exil babylonien au VIe siècle avant l'ère courante sont très discrets en regard de la vie après la mort ou de l'immortalité de l'âme. Ce n'est que par la suite que l'on fit la relation entre la problématique du bien et du mal et la rétribution au paradis ou en enfer. Toutefois, le paradis est perçu comme une proximité spirituelle à la présence divine.

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Mai 2017

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