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La question kurde refait surface

Les Kurdes seront-ils encore une fois un pion sur l’échiquier qui sera délaissé une fois qu’il aura servi les intérêts géopolitiques d’autres puissances?
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Les droits des Kurdes sont brimés ou sévèrement limités dans les pays où ils sont dispersés : Turquie, Irak, Iran et Syrie.
Alkis Konstantinidis / Reuters
Les droits des Kurdes sont brimés ou sévèrement limités dans les pays où ils sont dispersés : Turquie, Irak, Iran et Syrie.

Les Kurdes seront-ils encore une fois un pion sur l'échiquier qui sera délaissé une fois qu'il aura servi les intérêts géopolitiques d'autres puissances?

En Syrie, les Kurdes ont combattu avec succès l'État islamique au nord de la Syrie. Ils ont reçu l'appui de l'Occident malgré les réticences de la Turquie qui a occupé une enclave au nord de la Syrie afin de contrevenir à la formation d'une continuité territoriale kurde au sud de sa frontière. Alors que l'État islamique est en recul, les Kurdes de Syrie craignent que l'appui de l'Occident cesse et qu'ils soient abandonnés à leur sort. Lorsqu'un avion russe fut abattu par la Turquie en novembre 2015, la Russie facilita les avancées kurdes à Afrin en Syrie. Une fois l'entente avec la Turquie reformulée, les Russes n'ont rien fait pour empêcher les bombardements turcs de cette ville et d'autres en juin 2017. La Russie joue la politique du chaud et du froid avec la carte kurde pour faire aller de l'avant dans ses négociations avec la Turquie.

Les Kurdes d'Irak veulent déclencher un référendum consultatif sur l'indépendance, malgré l'opposition du gouvernement irakien, de la Turquie et des pays voisins de l'Irak.

Depuis l'invasion anglo-américaine de l'Irak en 2003, un état d'autonomie de facto existe au Kurdistan irakien et des élections au parlement s'y tiennent. Un semblant d'état fédéré chiite-sunnite-kurde a été mis en place par les Américains. Ce projet s'est volatilisé après le retrait prématuré des forces américaines d'Irak et la politique sectaire du premier ministre chiite irakien Nouri al-Maliki. Les Kurdes d'Irak veulent déclencher un référendum consultatif sur l'indépendance, malgré l'opposition du gouvernement irakien, de la Turquie et des pays voisins de l'Irak.

Les droits des Kurdes sont brimés ou sévèrement limités dans les pays où ils sont dispersés : Turquie, Irak, Iran et Syrie. Les Kurdes d'Irak ont particulièrement souffert des alliances géopolitiques dont ils ont fait les frais.

Dans les années 60, le leader kurde irakien Mustafa Barzani se révolta contre la dictature baathiste en Irak. De 1970 à 1974, le président irakien Saddam Hussein se lança dans une politique d'arabisation des régions pétrolifères du Kurdistan. L'Iran soutenait alors les Kurdes irakiens contre leur gouvernement et l'Irak soutenait également les Kurdes iraniens contre leur gouvernement. Les accords d'Alger mirent fin à ces appuis en 1975. Par la suite, Saddam Hussein continua sa politique d'arabisation en déplaçant 200 000 Kurdes. Durant la campagne d'Anfal en 1988, 2000 villages kurdes furent détruits et il y eut des dizaines de milliers de morts kurdes.

Du temps de la première guerre du Golfe en 1991, le président Bush père encouragea la sédition contre Saddam Hussein. Néanmoins, il ne fit rien pour arrêter les troupes irakiennes qui décimèrent 20 000 Kurdes et en déplacèrent plusieurs autres centaines de milliers. Une zone d'exclusion aérienne au nord du 36 parallèle fut imposée par le président Clinton en 1991. Néanmoins, profitant de la rivalité entre les factions kurdes du KDP de Barzani et du KUP de Talabani, Saddam Hussein dépêcha 40 000 soldats, 300 tanks et 300 pièces d'artillerie au Kurdistan. En 1996, le président Clinton envoya des dizaines de missiles Cruise pour endiguer l'assaut irakien.

En Turquie même, le cessez-le-feu qui a été négocié avec les militants kurdes du PKK en mars 2013 a été abrogé par le président Erdogan deux ans plus tard afin de s'attirer le vote de nationalistes turcs. Ce faisant, l'Est de la Turquie est devenu une zone de combat et près de 500 000 Kurdes qui sont citoyens turcs vivent en réfugiés dans une zone de destruction massive. 13 députés kurdes au parlement turc ont été emprisonnés. Près de 45 000 enseignants kurdes ont été limogés ou suspendus par le gouvernement turc qui a décrété l'État d'urgence depuis le putsch raté du 15 juillet 2016. Pour sa part, l'Iran n'est pas intéressé par un état kurde, mais aimerait bien que le Kurdistan irakien soit sous sa zone d'influence à l'intérieur d'un Irak contrôlé par des Chiites de façon à contenir la Turquie. Les Kurdes de Syrie qui combattent l'État islamique doivent tenir compte de ce que l'armée turque est prête à leur tirer dans le dos ou encore à faciliter la prise de positions par des milices islamistes qui leur sont opposées.

Un référendum en vue

La date du 25 septembre 2017 a été avancée pour la tenue d'un référendum consultatif sur l'indépendance du Kurdistan irakien. La viabilité d'un État indépendant kurde est mise en doute, car il partagerait ses frontières avec la Turquie, l'Iran et la Syrie, pays qui pourraient aisément l'isoler du reste du monde. Bien des pressions sont exercées sur le Kurdistan irakien pour annuler sinon reporter ce référendum sur l'indépendance. Pour leur part, les Kurdes semblent résolus : le leader kurde Massoud Barzani a déclaré : « je suis né à l'ombre du drapeau kurde. S'il y a des répercussions négatives visant à nous isoler, que notre peuple meurt... »

Le leader kurde Massoud Barzani ne voudra sûrement pas finir comme son père Mustafa Barzani, qui a combattu les forces irakiennes de 1946 à 1975 et qui a passé ses deniers jours sur les marches du Capitole à Washington, répétant à qui voulait bien l'entendre qu'il faisait appel aux valeurs de liberté américaines pour que l'on agisse en faveur de son peuple.

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