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La centralisation en éducation au Québec: une tendance qui se confirme

On pourrait en conclure que le projet de loi 86 n'a rien à voir avec une quelconque volonté gouvernementale d'améliorer les résultats des élèves et de hausser le taux de diplomation.
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Je cite encore une fois Jean-Pierre Proulx, dans Le Devoir du 17 décembre 2015: «Le centralisme ministériel perdure et se renforce. Il y démontre que le projet de loi 86 s'inscrit dans une tendance qui se nourrit d'une suite de prescriptions ministérielles et gouvernementales selon une logique top down».

Prenons quelques exemples:

• Le projet de Loi 59 (Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes).

Ce projet a été l'occasion de mesurer à quel point la tentation pour les gouvernements est forte de s'ingérer «dans les champs de compétences de l'école et de ses professionnels», pour reprendre les propos de la Fédération des commissions scolaires du Québec dans son mémoire à la Commission parlementaire. La Fédération des établissements d'enseignement privés loge à la même enseigne lorsqu'elle recommande dans son mémoire de «ne pas substituer aux mécanismes internes des établissements un processus administratif externe lourd et irréversible».

• La Loi 56 (Loi visant à prévenir et à combattre l'intimidation et la violence à l'école), sanctionnée en juin 2012.

Le réflexe gouvernemental fonctionnait à l'identique lors de l'adoption de la loi 56. Les dispositions législatives qui ont dès lors modifié la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé ont eu pour effet d'installer un processus bureaucratique tatillon qui s'est juxtaposé aux règlements et codes de vie dont les milieux scolaires étaient déjà dotés. Ces nouveaux articles de loi décrivent par le menu la manière de concevoir un plan pour agir contre la violence et l'intimidation et, aussi, de rédiger des rapports pour le compte du ministère, rapports dont l'utilité reste à démontrer.

• La Loi 88, sanctionnée en octobre 2008, qui portait notamment sur la gouvernance des commissions scolaires et des établissements.

Dans le rapport du Comité d'experts formé par le ministre pour étudier le financement, l'administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires (Rapport Champoux-Lesage), on peut lire ceci sur la loi 88: «En 2008, le gouvernement a choisi d'accentuer encore davantage son encadrement et son contrôle des commissions scolaires en définissant une ligne de gouvernance du haut vers le bas. Ce faisant, il a inversé l'ordre retenu à la suite des États généraux sur l'éducation, qui faisaient de l'école le pivot du système.»

• Sur le plan pédagogique, on évoquera la décision d'imposer le tableau interactif dans toutes les écoles publiques du Québec, sans tenir compte des besoins des élèves et des données de la recherche et, plus récemment, les interventions politiques visant le maintien de l'aide aux devoirs dans le contexte douloureux des compressions.

• Survenue en 2010, l'uniformisation des bulletins et des calendriers scolaires en trois étapes, avec dates butoirs pour communiquer les résultats des élèves aux parents, est de la même farine. Le Régime pédagogique est à ce sujet un exemple de mode d'emploi un brin infantilisant.

• Je termine en évoquant la réforme des années 2000, alors que le ministère de l'Éducation envisageait de modifier en profondeur les pratiques pédagogiques, au mépris de l'autonomie professionnelle du personnel enseignant. Malgré quelques tentatives officielles de rétropédalage, il en est resté des traces dans tous les manuels scolaires approuvés par les différents ministres qui se sont succédé à la tête du ministère depuis ce temps.

Ces épisodes, loin d'être anecdotiques, décrivent une tendance qui s'inscrit en porte-à-faux avec le discours contemporain sur les vertus de l'autonomie des établissements et de son effet réel sur la réussite scolaire, dans la foulée des conclusions de PISA (PISA à la loupe, octobre 2011). On pourrait en conclure que le projet de loi 86 n'a rien à voir avec une quelconque volonté gouvernementale d'améliorer les résultats des élèves et de hausser le taux de diplomation.

Aussi, quand le premier ministre voulait «rapprocher le centre de gravité de l'école, voire de la classe, et accorder un plus grand rôle aux enseignants et aux parents dans la gestion du système scolaire» (Le Devoir, 28 septembre 2015), il aura fort à faire pour rendre crédibles les propositions de son gouvernement.

Il faut remonter à 1982, lors de la publication du livre blanc L'école québécoise : une école communautaire et responsable, pour constater une réelle intention gouvernementale de décentraliser le système en faveur des écoles. À l'époque, on concevait les établissements d'enseignement comme des corporations publiques, dotées d'un conseil d'administration, et les commissions scolaires comme des coopératives de services...

Avec le recul, on peut imaginer l'intensité des représentations des commissions scolaires pour faire avorter ce qui apparaît aujourd'hui comme un rêve. Le projet a fait long feu. C'était sous le gouvernement du Parti québécois et le ministre de l'Éducation d'alors se nommait Camille Laurin.

«Les systèmes éducatifs habités par la confiance sont ceux qui réussissent», écrivait Jean-Michel Blanquer dans Le Devoir du 26 septembre 2015. Lors de l'étude du projet de loi 86, le gouvernement pourrait se demander s'il est prêt à faire confiance aux établissements scolaires et aux éducateurs. Je ne suis pas convaincu du résultat de cet exercice d'introspection, si tant est qu'il advienne.

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