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Claude Trudel, l'engagement fait homme

Dans l'Antiquité, Diogène était à la recherche de l'honnête homme. Dommage pour lui qu'il soit mort quelques siècles trop tôt, car il aurait eu tout intérêt à connaître Claude Trudel qui raconte ses souvenirs de citoyen engagé dans un livre publié chez Québec Amérique
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Dans l'Antiquité, Diogène était à la recherche de l'honnête homme. Dommage pour lui qu'il soit mort quelques siècles trop tôt, car il aurait eu tout intérêt à connaître Claude Trudel qui raconte ses souvenirs de citoyen engagé dans un livre publié chez Québec Amérique

Ne vous fiez pas à la couverture assez tristounette, merci, qui laisse croire à un essai très sérieux. Au contraire, « 1960-2012 de la crise d'octobre au printemps érable » est un témoignage captivant de cette période de notre histoire vue à travers la lorgnette d'un témoin de premier plan. Ceux qui aiment les anecdotes seront ravis au-delà de toute expression. Seule chose qu'il a rayée d'office, tout ce qui a trait à sa vie privée. On peut comprendre qu'il devait parfois y avoir du sport dans l'air à la maison, lui le libéral, alors que sa seconde épouse était une indépendantiste convaincue. « Pas du tout, prend-il le soin de préciser. On se respectait totalement. La seule chose qu'elle m'avait demandé était de ne pas m'accompagner dans les congrès libéraux. Elle est morte du cancer avec le regret de ne pas voir connue l'indépendance de son vivant. Laissez-moi vous raconter ceci qui va vous étonner, le soir du référendum de 1980 je me trouvais à la résidence de l'ancien premier ministre Daniel Johnson fils tandis que ma femme était au Centre Paul-Sauvé. »

Trudel n'a jamais fait les gros titres de la manchette, mais à sa façon il aura remarquablement servi la vie publique, d'abord comme chef de cabinet adjoint de Robert Bourassa puis sous-ministre adjoint au ministère des Affaires culturelles du Québec, député de Bourget, conseiller municipal à Verdun puis maire de ce dernier arrondissement. En même temps que la mairie il a été président de la Société de Transport de Montréal pour finir au Comité exécutif de la Ville de Montréal, responsable de la Sécurité publique. Voilà pour le survol politique. Il a aussi été activement impliqué dans le monde du livre comme grand patron du Centre éducatif et culturel et éditeur chez Québec-Livres. Grosso modo, le monsieur a su remplir son temps. Et bien qu'il connaisse les arcanes de la vie politique (même ce qu'il y a de moins reluisant), il a aimé passionnément le travail de politicien. « Moi je persiste à croire que c'est dans l'engagement politique qu'on peut faire bouger des choses. Pas nécessairement en étant élu, mais en militant pour une formation politique. »

Il aurait aimé un ministère

S'il avait un côté Rastignac, il se serait sans doute dégoté un poste de sénateur à Ottawa ou un poste ronflant dans une Société d'État. C'est mal le connaître, il n'est pas carriériste pour un sou. « Je vais vous confier une chose, la majorité des députés aspirent tous à devenir ministre un jour. Il n'y a rien de plus frustrant que d'être député d'arrière-ban quand votre parti est au pouvoir. Et moi aussi je ne m'en cache pas, un poste de ministre m'aurait intéressé, mais le sort en a décidément autrement. » On ne sent pas de frustration chez lui. Moi qui le voyais un peu comme un technocrate, j'avais tout faux. Sans être populiste, lui l'intellectuel a aimé faire du porte-à-porte, rappeler des citoyens à la maison, faire campagne avec tout ce que ça suppose de sacrifice côté vie de famille.

Drôle de fédéraliste

Le signataire de ces lignes étant souverainiste, je lui ai demandé comment on pouvait aimer à ce point le reste du Canada qui ignore tout de notre culture, même les anglophones qui demeurent à Montréal depuis longtemps, éternel phénomène des deux solitudes. « Je trouve ça dommage. Mais que voulez-vous, on ne peut pas les forcer non plus. Et de notre côté, connait-on réellement les comédiens anglophones de Montréal, leurs romanciers actuels? Je suis un fédéraliste pragmatique, surtout pour l'aspect économique. À Québec j'étais dans le clan des plus nationalistes au Parti libéral. D'ailleurs tout Québécois est au fond nationaliste. J'aime profondément le Québec. Mais mon fédéralisme n'est pas sentimental. Je n'ai jamais regardé du côté d'Ottawa au plan de la carrière politique. »

Une admiration pour Robert Bourassa

Son bouquin regorge de portraits. Il prend plusieurs pages pour décrire le Robert Bourassa qu'il a connu. C'est Trudel qui a contribué à aménager le bunker qui servait de refuge au premier ministre tout à côté du Parlement. « C'était vraiment spartiate avec une toute petite chambre grande comme ça et un petit salon attenant. Avec sa garde rapprochée il aimait par temps ensoleillé se retrouver sur le toit de l'immeuble, toujours le téléphone à portée de main. Il abusait du soleil et on sait ce qu'il lui en a coûté. Je l'écris dans le livre, bien qu'il était un homme de grande culture, il ne fallait lui parler de rien d'autre que de politique. Il en mangeait sept jours par semaine. Quand j'étais député de Bourget j'avais accès à lui directement pour mes petites affaires de comté. Il m'a énormément appris, tout comme Georges Bossé l'ancien maire de Verdun qui a agi pour moi comme un mentor pour ce qui est de la politique municipale. »

Dégoûté par les révélations de la commission Charbonneau

Il a servi sous Gérald Tremblay qu'il considère comme un individu intègre, son seul tort à ses yeux est d'être un grand naïf. Ce qu'il a appris à la commission Charbonneau l'a profondément dégoûté. Mais lui-même n'a-t-il rien vu, ni entendu? Il écrit : « Quand vous ne siégez pas au Saint des Saints, c'est-dire au Conseil des ministres dans le gouvernement ou au comité exécutif de la Ville de Montréal, vous ne savez pas vraiment ce qui s'y passe. Et quand vous êtes membre de l'un ou de l'autre, vous êtes tellement débordé par vos responsabilités immédiates et votre participation aux discussions sur les grandes orientations que vous avez rarement le temps de lire les centaines de pages contenues dans les dossiers techniques de vos collègues. Or, pendant que l'immense majorité d'entre nous... travaillait honnêtement au service de nos concitoyens, suait sang et eau à bâtir une métropole décentralisée, une poignée d'escrocs faisaient main basse sur l'appareil politico-administratif pour s'en mettre plein les poches. »

Et ce qu'il pense des gouvernements en place

Avec le bagage qu'il a derrière lui, comment considère-t-il les Couillard et Coderre? « Hum! (dubitatif) Philippe Couillard passe beaucoup de temps à éteindre des feux. Pour ce qui est du maire de Montréal je considère que Denis Coderre est le meilleur politicien jamais vu depuis Robert Bourassa. Ma seule crainte c'est sa grande susceptibilité, ce qui peut lui jouer des tours. Il faudra qu'il fasse attention. Montréal avait besoin d'un gars comme lui. »

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