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Le médecin gonflable, un fantasme syndical devenu réalité

Pourquoi au Québec devrait-on rémunérer les médecins aussi bien que les médecins les mieux payés dans les autres provinces?
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Malgré l'impact catastrophique sur les finances publiques des dernières négociations avec les syndicats des médecins, le gouvernement libéral persiste et signe et la comparaison de la rémunération des médecins spécialistes du Québec avec celle des médecins des autres provinces est maintenue. En signant la semaine dernière une autre entente délétère avec la FMSQ, le gouvernement s'est jeté, sans filet de protection, dans une spirale qui tirera vers le haut la rémunération des médecins à une vitesse tributaire des décisions prises dans les autres provinces.

C'est un gouvernement de médecins, affaibli, qui a offert à la FMSQ sur un plateau d'argent une clause remorque qui garantit aux médecins spécialistes du Québec un niveau de rémunération comparable à celui des médecins les mieux payés au Canada. Il ne décide plus du niveau de rémunération des médecins, il a choisi d'être à la remorque des provinces les plus généreuses. Si un écart défavorable est observé, il sera comblé. Par contre, si les médecins du Québec sont les mieux payés aucun ajustement à la baisse ne sera possible. L'entente intervenue avec la FMSQ est à sens unique. Le syndicat peut dormir en paix, car, contrairement au gouvernement, il ne court aucun risque.

Ce concept de parité avec les mieux payés au Canada, exclusif aux médecins, est un piège à cons puisque l'histoire va inévitablement se répéter et que les gouvernements des autres provinces, riches ou pas, à la veille d'une élection ou pas, finiront tôt ou tard par accorder à leur puissant syndicat de médecins de substantielles augmentations. Ce jour-là, et il n'est peut-être pas si loin, le gouvernement du Québec sera bêtement contraint à payer la note afin que les médecins spécialistes demeurent en tête de peloton. Ce sera exactement le même scénario avec les médecins de famille. Préparons-nous à recevoir une autre facture salée qui n'améliorera pas d'un iota l'accessibilité aux services médicaux.

Y a-t-il un travailleur ou une travailleuse au Québec qui ne voudrait pas être aussi bien payé que son vis-à-vis le mieux payé au Canada?

Y a-t-il un travailleur ou une travailleuse au Québec qui ne voudrait pas être aussi bien payé que son vis-à-vis le mieux payé au Canada? Un fantasme, car l'économie du Québec ne pourrait soutenir de telles hausses salariales.

Alors pourquoi au Québec devrait-on rémunérer les médecins aussi bien que les médecins les mieux payés dans les autres provinces?

Si on ne le fait pas, les médecins du Québec vont migrer vers les autres provinces.

C'est faux. Même durant les périodes où les écarts de rémunération étaient à leur maximum, au Québec, les flux migratoires des médecins n'ont jamais été le moindrement alarmants. L'exode des médecins est une fausse réalité inventée de toute pièce par les syndicats des médecins pour faire peur à la population. C'est le coup de la Brink's médical. L'analyse historique des données détaillées de l'ICIS démontre sans équivoque que cette corrélation n'existe pas, du moins pour les niveaux d'écarts observés au Canada. En d'autres mots, si avec son salaire un médecin peut très bien vivre au Québec, ce n'est pas parce que son collègue ontarien gagnerait 25 % de plus qu'il va déménager ses pénates.

Si on ne le fait pas, les médecins du Québec seront démotivés donc moins productifs.

C'est faux. Malgré la croissance de la rémunération des médecins payés très majoritairement à l'acte, ces derniers n'ont pas augmenté leur productivité comme le démontre la récente étude de M. Damien Contandriopoulos. Le lien entre l'évolution positive ou négative de la productivité des médecins et l'évolution de la croissance de leur rémunération n'est pas démontré. De plus, les conclusions d'études sérieuses vont dans le sens des récents témoignages de plusieurs médecins voulant que leur satisfaction au travail dépende de bien d'autres facteurs beaucoup plus importants que leur niveau de rémunération qu'ils estiment, par ailleurs, satisfaisant. Cette vision n'est à l'évidence pas partagée par les adorateurs du veau d'or qui sévissent dans leurs instances syndicales.

Si on ne le fait pas, on n'est pas équitable et on méprise nos médecins?

C'est faux. Le niveau de rémunération des médecins est un choix de société et, au Québec, nous pourrions très bien décider de payer un peu moins les médecins et davantage, par exemple, les infirmières et les préposées aux bénéficiaires ou d'utiliser cette marge de manœuvre pour bonifier l'offre de services dans le secteur de la santé. Accepter que les médecins du Québec aient une rémunération inférieure à celle de leurs vis-à-vis ontariens n'est pas une hérésie et ne témoigne d'aucun mépris envers ces professionnels. Pas plus que ne l'est l'application de la loi 130, et ce, contrairement à la prétention d'un ancien premier ministre qui, moyennant de modestes émoluments, n'hésite pas à vilipender les promoteurs de cette loi. D'aucuns auraient apprécié davantage de réserve de la part de M. Lucien Bouchard, celui-là même qui a eu la brillante idée d'inciter financièrement des milliers d'infirmières et de médecins à prendre prématurément leur retraite.

Accepter que les médecins du Québec aient une rémunération inférieure à celle de leurs vis-à-vis ontariens n'est pas une hérésie et ne témoigne d'aucun mépris envers ces professionnels.

Alors que le gouvernement se targue d'agir au nom de la population et d'agir de manière responsable lorsqu'il limite les augmentations salariales des employés de l'État, devant les syndicats des médecins, il renonce à l'exercice du pouvoir et permet au syndicat de réaliser son fantasme du médecin gonflable obsédé par la richesse de ses voisins, une insulte à tous les autres travailleurs et travailleuses du Québec.

Avril 2018

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