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« Zero K» : le Complexe de Gilgamesh

Les religions donnaient un sens à la mort, et la mort une justification aux croyances, mais avec « Zero K», la mort se meure et les dogmes s'éteignent.
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Il n'y a qu'une finalité à la vie et c'est la mort. Zero K, de Don DeLillo ne contredit pas juste cette affirmation, mais il vient saper les fondements de toutes les religions. Disparu, le paradis à la fin de vos jours, envolés, la promesse d'un monde meilleur peuplé d'anges et de vierges. Les religions donnaient un sens à la mort, et la mort une justification aux croyances, mais avec Zero K, la mort se meure et les dogmes s'éteignent.

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Dans un proche avenir, des hommes et des femmes acceptent la cryogénie parce qu'ils sont malades et que la cure n'existe pas encore, ou parce qu'ils veulent échapper à la vieillesse et au flétrissement, en attendant le remède pour contrer la « gérontophagie ». La technique est contrôlée par des ordinateurs et de puissantes applications qui font en sorte que le cerveau continue à apprendre, comme une mise à jour, afin de ne pas être dérouté au réveil dans cent ans.

Zero K est beaucoup plus un roman psychologique et philosophique qu'une dystopie.

Zero K est beaucoup plus un roman psychologique et philosophique qu'une dystopie. L'auteur américain n'expose aucune contrainte morale et il n'y a pas de catastrophe comme dans tous les romans d'anticipation. Le monde n'est ni pire ni meilleur, juste différent.

En fait, le grand auteur américain a écrit une fiction post-moderne, en poussant à leur paroxysme les bons et moins bons côtés de notre univers contemporain occidental. Ainsi, il explore les conséquences du consumérisme à outrance, de l'hyper individualisme, du paradoxe de se croire citoyen du monde et de nier les points communs universels à chaque société. La cryonie programmée par ordinateur nie l'histoire, efface l'identité et dissout les cultures.

Dans Zero K, il ne semble plus exister de frontières ni de sociétés distinctes. L'anglais apparait comme la langue commune. Le monde est devenu un grand marché libre où seuls survivent confortablement les mieux nantis. Les autres, les torturés, les faibles, les contrariés et la grande masse informe qui envie les aisés, sont des laissés-pour-compte. C'est la doctrine du libéralisme extrême.

Le héros, d'ailleurs, est fils de riche, mais n'a jamais embrassé quelque système; il est indépendant et un actif spectateur du monde qui se déploie sous ses yeux.

La maladie pour tous est une dégénérescence incurable. Pour les riches, ce n'est qu'une défectuosité organique corrigible.

Ce roman contemplatif m'a laissé aussi dubitatif que songeur. S'il ne peut rendre plus intelligent, il rend certainement plus lucide. Il n'y a pratiquement aucune action comme si celle-ci restait en suspension, plus évanouie qu'absente. La lenteur de ce récit ponctuée de répétition lui confère un rythme de martèlement hypnotisant.

Je suis plus à l'aise pour apprécier les romans de genre que cette littérature dite blanche. J'ai toutefois apprécié cet exercice de haute voltige intellectuel, mais entre divertissement pur et stimulation dure, il existe une zone grise que je parcours sans me lasser!

Sur les tablettes

La Sorcière de Camilla Läckberg (Éditions Actes Sud, actes noirs)

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Une fillette de quatre ans disparaît de la ferme isolée de ses parents. Après une longue battue, Néa est retrouvée nue sous un tronc d'arbre dans la forêt, assassinée. Fait troublant : la fillette se trouvait à l'endroit où, trente ans plus tôt, avait été découvert le corps sans vie de la petite Stella, une fillette du même âge qui habitait la même ferme. À l'époque, deux adolescentes, Marie et Helen, avaient été condamnées pour le meurtre : elles avaient avoué avant de se rétracter. Désormais mariée à un militaire autoritaire et psychopathe, Helen mène une vie recluse, non loin de la ferme, dans l'ombre des crimes passés. La belle Marie, quant à elle, est devenue une star du cinéma à Hollywood : pour la première fois depuis la tragédie, elle vient de revenir à Fjällbacka pour un tournage. Cette coïncidence et les similitudes entre les deux affaires sont trop importantes pour que Patrick Hedström et son équipe puissent les ignorer, mais ils sont encore loin de se douter des répercussions désastreuses que va avoir leur enquête sur la petite localité. De son côté, Erica Falck écrit un livre sur l'affaire Stella. Une découverte la trouble : juste avant son suicide, le policier responsable de l'enquête à l'époque s'était mis à douter de la culpabilité des deux adolescentes. Pourquoi ?

Don DeLillo, Zero K, Éditions Actes Sud. Traduit de l'anglais par Francis Kerline (Zero K, 2016). Octobre 2017. 298 pages.

Avril 2018

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