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«Péchés capitaux» de Jim Harrison: roman à pièges

On célèbre le retour de l'un des grands représentants de la littérature américaine, Jim Harrison, qui à 77 ans livre avecune perle rare sur la sublimation de la violence.
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Entre les autoroutes du best-sellers et les pistes étriquées de la grande littérature, il y a des romans éclair qui illuminent notre cerveau. On célèbre cette semaine le retour de l'un des grands représentants de la littérature américaine, Jim Harrison, qui, à 77 ans et toujours à l'affût, livre avec Péchés capitaux une perle rare sur la sublimation de la violence. L'ogre du Michigan a encore frappé!

L'inspecteur Sunderson est à la retraite. Il rêve encore de reconquérir son ex-épouse Diane. En attendant, il achète un chalet dans l'arrière-pays de l'État du Michigan. Au programme: alcool, pêche à la truite et réflexion sur les péchés capitaux qui ont marqué sa vie.

Son coin de paradis va se transformer en enfer puisque la déviante famille Ames, ses voisins régnant sur la forêt, sont libres, sauvages et dangereux. Rien n'est tabou: inceste, viol, vol, et meurtre. Lorsque Sunderson intervient pour sauver une adolescente, la violence se déchaîne sur la région.

Dès l'entame de ce bouquin, on nous assure qu'il s'agit d'un faux polar. À la conclusion du roman, je vous dirai que cette affirmation est assez juste. Ce livre tient autant du roman policier que du catéchisme!

Jim Harrison est un as pour triturer les mots jusqu'à ce que le sens se révèle. Il faut de la patience devant les nombreuses scènes de pêche à la truite entrecoupées de relations sexuelles virant à l'orgie. Et toutes ces heures à boire pour s'étourdir encore un peu plus et oublier les cauchemars d'une vie. Péchés capitaux est un récit sur toutes les violences que l'on s'inflige. Par une sexualité débridée qui putréfie l'esprit, par l'alcool qui rend végétatif, mais aussi la violence des autres: ici, cette famille déjantée et armée, du plus jeune au plus vieux, qui sème la terreur sur une région paradisiaque.

Ces scènes qui frisent la répétition ont leur raison d'être, elles nous aiguillent, sans doute, vers le sens premier du livre. La famille Ames, ces enfants de Caïn, devient un symbole de toute la souillure du paradis perdu.

Avec le talent narratif de Jim Harrison, Péchés capitaux prend des allures de grand roman au souffle épique qui, sous prétexte de raconter une histoire de dégénérés, nous refait une genèse à rebours.

Sunderson voudrait écrire un essai sur la violence à travers le temps, cette violence qu'il positionne humblement comme le huitième péché capital. Chaque fois qu'il s'installe pour écrire, il s'arrête aux enfants d'Adam et Ève et au sens du meurtre de Caïn. Les excès de violence des Ames l'inspirent, mais il n'arrive pas à relier tous les points qui sont pourtant présents de manière allégorique.

La structure du roman est une merveille d'ingéniosité. Elle consiste à emmener le lecteur sur la piste et le laisser faire son propre constat. Alors que le personnage semble, lui, complètement embourbé. C'est la place que réserve Jim Harrison à l'intelligence et à la perspicacité de son lecteur.

La vie de Sunderson est une démonstration éclatante de sa propre perdition. Lorsque Diane, la femme de sa vie, l'invite à la rejoindre à Paris, son existence prend une tournure symbolique aussi ironique que triomphante. Ils se retrouvent au jardin du Luxembourg, cerné d'arbres fruitiers, comme Adam et Ève, mais cette fois, clôture oblige, la pomme restera inaccessible.

Jim Harrison n'a pas perdu sa touche lyrique et Péchés capitaux est un magnifique legs.

Jim Harrison, Péchés capitaux, Éditions Flammarion. Traduit de l'anglais par Brice Matthieussent (The Big Seven, 2015). Octobre 2015. 350 pages.

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