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Grandes marées de solstice?

Les marées sont-elles réellement plus grandes autour des équinoxes? Si oui, n'y a-t-il pas une contradiction avec le fait que les marées aient été très grandes en ce début d'année?
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Les 11-13 janvier derniers, Pêches et Océans Canada et Environnement Canada émettaient des avertissements d'onde de tempête pour différents secteurs du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick. Il y avait ces jours-là des risques d'inondations côtières étant donné la coïncidence d'une marée particulièrement haute (4,5 mètres à Rimouski), de la présence de grosses vagues et de l'empilement d'eau créé par les forts vents et par une basse pression atmosphérique.

(Crédit photo: Peter Galbraith)

Si la marée n'avait pas été particulièrement haute ces jours-là, le risque d'inondation causé par la tempête aurait été plus faible. Alors, pourquoi la marée était-elle si haute en ce début janvier?

L'idée sans doute la plus répandue est que les marées les plus grandes de l'année se retrouvent plus ou moins autour des équinoxes (21 mars et 21 septembre). Cette idée est entre autres véhiculée par des articles de vulgarisation tels que celui-ci : Les grandes marées (Le Soleil, 30 octobre 2011). Mais le début de l'année est beaucoup plus proche du solstice d'hiver (21 décembre) que de l'un ou l'autre des équinoxes.

Alors qu'en est-il de l'effet du cycle équinoxe-solstice sur les marées? Les marées sont-elles réellement plus grandes autour des équinoxes? Si oui, n'y a-t-il pas une contradiction avec le fait que les marées aient été très grandes en ce début d'année?

La réponse à ces questions n'est pas si simple car l'expression «grande marée» est ambiguë puisqu'elle évoque au moins les trois situations suivantes:

1) pour les riverains, l'expression fait allusion à des niveaux d'eau très élevés qui risqueraient d'inonder leurs terrains;

2) pour d'autres, l'expression résonne au contraire avec des niveaux d'eau très bas. Pensons à ces randonneurs qui, lorsque cela est possible quelques fois par année, traversent à pied jusqu'à l'île Saint-Barnabé au large de Rimouski (Traversée dans la boue);

3) enfin, pour d'autres, comme par exemple les océanographes, l'expression fait plutôt allusion à des périodes où le marnage, c'est-à-dire la différence de niveau entre une marée basse et une marée haute consécutive, est très grand.

La question «Les marées sont-elles réellement plus grandes autour des équinoxes?» nécessite donc au moins trois réponses.

Pour parvenir à ces réponses, nous avons analysé 30 années de mesures du niveau de la mer à Rimouski, une station représentative des conditions de l'estuaire du Saint-Laurent. Les résultats sont les suivants:

Dans l'estuaire du Saint-Laurent,

• La plus forte probabilité d'obtenir de très hautes marées hautes se situe autour des solstices;

• La plus forte probabilité d'obtenir de très basses marées basses se situe autour des équinoxes;

• Les plus grands marnages se situent autour des équinoxes.

La première conclusion est sans doute la plus surprenante. C'est bel et bien autour des solstices (à quelques semaines près) que, en moyenne, les plus hautes marées hautes se retrouvent dans l'estuaire du Saint-Laurent.

L'apparente contradiction entre le fait que les plus hautes marées hautes se situent autour des solstices (conclusion 1) et que les plus grands marnages se situent autour des équinoxes (conclusion 3) s'explique par le fait que le niveau moyen de la mer aux latitudes du Saint-Laurent diminue autour des équinoxes. Dans le Saint-Laurent, cette diminution du niveau moyen de la mer aux équinoxes l'emporte sur l'augmentation du marnage.

En somme, donc, les marées dans l'estuaire du Saint-Laurent sont en moyenne bel et bien plus fortes et plus énergétiques autour des équinoxes, mais les plus hautes marées hautes se situent autour des solstices. Il n'y a donc pas de surprise à ce que les marées aient été particulièrement grandes en ce début d'année.

Notez que les variations du niveau moyen et du marnage causées par le cycle équinoxe-solstice sont, somme toute, assez faibles comparativement à la surélévation que peut occasionner une grosse tempête. En d'autres termes, les risques de débordements lors des grosses tempêtes peuvent survenir à tout moment de l'année avec une probabilité légèrement supérieure autour des solstices.

Notez aussi que ces conclusions qui s'appliquent à l'estuaire du Saint-Laurent ne se généralisent pas à l'ensemble des mers et des océans. Par exemple, les marées en Bretagne sont affectées différemment par le cycle équinoxe-solstice. Les raisons de ces variations du comportement des marées selon l'endroit où l'on se trouve sur Terre sont trop techniques pour être exposées ici, mais elles sont connues et s'expliquent bien par la théorie des marées. Aux intéressés, cette théorie et les détails de notre analyse se retrouvent dans la référence listée en bas de page.

Référence

Bourgault D, Chavanne C, Dumont D, Morin É, Galbraith P S, Gostiaux L (2016). «Le point sur les marées d'équinoxes dans l'estuaire du Saint-Laurent», Le Naturaliste canadien, 140 (1), 73-84.

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