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La pseudo « neutralité religieuse » de la loi 62 : un désastre sur toute la ligne

Le cafouillage du gouvernement Couillard dans le dossier de la loi 62 est à l'image de l'incapacité du Parti libéral de produire quoi que ce soit d'intelligent sur la question de la laïcité.
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Aujourd'hui, le gouvernement Couillard paie le prix de cette confusion.
Jacques Boissinot/PC
Aujourd'hui, le gouvernement Couillard paie le prix de cette confusion.

Le cafouillage du gouvernement Couillard dans le dossier de la loi 62, « loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État » (oui, c'est son titre!), est à l'image de l'incapacité du Parti libéral de produire quoi que ce soit d'intelligent sur la question de la laïcité.

Dès le dépôt de ce projet de loi il y a déjà deux ans, il était évident, du côté des défenseurs de la laïcité, qu'il s'agissait d'une coquille vide qui jetait de la confusion sur les notions de laïcité et de neutralité religieuse de l'État. Aujourd'hui, le gouvernement Couillard paie le prix de cette confusion.

Au cours des derniers jours, le débat a dérapé sur l'obligation d'avoir le visage découvert dans les autobus. Cette obligation est un ajout apporté au projet de loi initial et que personne n'avait demandé. Bien que les services de transport en commun municipaux relèvent des institutions publiques que sont les municipalités, leur usage doit être assimilé à l'usage de la rue. L'interdiction de la burqa ou du niqab dans les autobus aurait une logique si la loi les interdisait sur la rue, mais le gouvernement n'a pas eu le courage d'aller jusque là. Si on les accepte sur la rue, qui appartient aussi à la municipalité, il faut les accepter dans les autobus.

Rien au sujet de la neutralité religieuse de l'État et rien sur la dignité humaine.

Pour défendre l'idée d'avoir le visage découvert afin de recevoir des services publics, le premier ministre Philippe Couillard martèle à répétition que cela « n'a rien à voir avec la religion », qu'il n'y a rien de religieux dans cette principale disposition de la loi 62. En effet, la loi 62 justifie l'obligation d'avoir le visage découvert par des motifs de sécurité, de communication et d'identification. Rien au sujet de la neutralité religieuse de l'État et rien sur la dignité humaine. Dans ce cas, pourquoi cette mesure a-t-elle été incluse dans une loi supposément destinée à « favoriser le respect de la neutralité religieuse de l'État »? Pourquoi avoir intitulé cette loi de cette façon?

À l'université, le motif est la nécessité de communiquer visuellement avec les étudiants et les étudiantes, ce qui se comprend aisément. Mais, autre confusion, tout dépend du nombre d'étudiants dans le groupe, fait valoir la ministre de l'Enseignement supérieur, Hélène David!

Depuis deux ans, ce dossier est mené de façon catastrophique et désastreuse par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui, à chacune de ses interventions, s'englue dans les contradictions et fait preuve d'une incompétence renversante.

Ce crucifix n'est pas un crucifix

Faisant preuve d'encore plus d'incohérence, le Parti libéral a refusé de discuter la motion de Québec solidaire, appuyée par le Parti québécois, visant à retirer le crucifix de l'Assemblée nationale au nom de la neutralité religieuse sensée être au cœur de la loi qui vient d'être adoptée. L'argument éculé des libéraux, soutenus en cela par la CAQ de François Legault : « ce crucifix fait partie du patrimoine »! S'il fait partie du patrimoine, c'est du patrimoine de l'alliance entre l'Église catholique et l'État instaurée par Duplessis en 1936 précisément pour se distinguer des Libéraux de l'époque. Or le gouvernement libéral actuel prétend tourner la page sur cette « alliance patrimoniale » en affirmant la neutralité religieuse de l'État.

Même l'Assemblée des évêques du Québec s'élève contre cette patrimonialisation du crucifix et préférerait qu'il soit placé ailleurs que dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Le refus du gouvernement Couillard de retirer ce symbole de la religion d'État dans le contexte actuel est tout simplement ahurissant. Les mots nous manquent...

Au Québec, tout reste à faire en matière de laïcité, même au niveau scolaire où le cours Éthique et culture religieuse est un cours de promotion des religions. Nous attendons avec impatience le prochain projet de loi sur la laïcité annoncé par le Parti québécois.

Le punk et le niqab

Et que penser des médias qui n'en ont que pour les porteuses de niqab qui nous rejouent la cassette de la victimisation comme si on leur arrachait leur âme? Même Francine Pelletier, du Devoir, prend leur défense et appelle à la solidarité avec ces intégristes de l'Islam politique au nom de leur «droit fondamental» à se cacher le visage! Preuve que le féminisme régressif, tout comme la gauche régressive, n'a plus de repères sinon l'hyperindividualisme néolibéral. Voici, à propos du niqab, un passage typique de la pensée relativiste postmoderniste de la journaliste :

«On parle beaucoup de ces tenues d'outre-monde comme d'une façon d'effacer la présence des femmes dans l'espace public, mais je vois plutôt ces vêtements comme une façon, au contraire, d'attirer l'attention. Ces accoutrements jouent exactement le même rôle que la tête rasée du jeune punk, avec sa couronne de pics acérés bien plantée au milieu, le tout rehaussé d'hameçons dans le nez. [...] Le jeune punk, lui, on le laisse vivre son amertume tranquille. Celui-ci a beau représenter, pour la moitié de la population du moins, une bien plus grande menace qu'une femme au visage caché, on s'en balance. [...] Si aucune société démocratique ne légifère aujourd'hui contre la tenue vestimentaire hostile du punk, pourquoi le ferait-on pour la femme portant un niqab ?»

Francine Pelletier est à deux cheveux de nous dire que si on veut interdire le niqab et la burqa, c'est parce que ce sont des femmes qui les portent. Pourquoi ne compare-t-elle pas une musulmane avec «une» punk plutôt qu'avec «un » punk? Par ailleurs, les tenues punks, on ne s'en balance pas. Moi ça m'horripile. Mais à la différence de la porteuse de niqab, le punk ne réclame pas le droit d'aller travailler dans sa tenue punk. Aucun employeur ne l'emboucherait avec sa couronne de pics et son fond de culotte aux genoux et la Commission des droits de la personne ne prendrait pas sa défense. Chaque milieu de travail a son code vestimentaire. S'il ne nous plaît pas, on a le choix d'aller voir ailleurs. De plus, soutenir que l'intégriste musulmane porte la burqa pour attirer l'attention comme le punk, c'est du pur déni, de l'aveuglement volontaire, voire de l'ignorance honteuse.

La chroniqueuse poursuit :

«Si la question d'identification peut parfois se poser dans [le cas de la burqa], les instances sont rares — une assermentation, un vote ou l'obtention d'un permis de conduire — et la pratique, dans de tels cas, est bien établie. À ce que je sache, aucune femme n'a jamais refusé de se plier à ces exigences.»

Sur quelle planète vit-elle? N'a-t-elle jamais entendu parler de Zunera Ishaq et de Maiia Mykolayivna Zaafrane qui ont fait leur serment de citoyenneté canadienne le visage caché sous leurs niqabs? La ministre de la Justice, la libérale Jody Wilson-Raybould, avait elle-même encouragé la bravade de Zunera Ishaq. Mme Pelletier n'a-t-elle jamais entendu parler de tous ces électeurs et électrices qui sont parvenus à voter sans jamais dévoiler leur visage?

Heureusement qu'il y a des féministes plus éclairées, comme Marie-France Bazzo, pour rectifier le tir. Dans sa chronique radiophonique La sociologie du niqab, elle s'insurge contre la position défendue par Francine Pelletier. Mme Bazzo est renversée d'entendre des féministes faire de cet «outil agressif d'oppression de la femme», de ce «vêtement politique», de ce geste «d'arrogance envers la société d'accueil» que représente le niqab, en faire donc un «symbole d'émancipation féministe au nom des libertés individuelles» et un instrument d'intégration. Le monde à l'envers de la «gauche libertaire naïve». Bravo Mme Bazzo!

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