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Et si la créativité était juste une habitude?

Où est passée la créativité de nos élites? Face à notre empêtrement, depuis 5 ans (10 ans? 20 ans?...) dans les différentes crises que nous traversons, écologiques, économiques, politiques, sociales... Nous pourrions nous poser la question.
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Cyril de Sousa Cardoso contribue au réseau TEDxVaugirardRoad. TEDxVaugirardRoad est un événement sous licence TED résolument centré sur l'humain. Retrouvez en l'actualité sur TEDxVaugirardRoad.com

Où est passée la créativité de nos élites? Face à notre empêtrement, depuis 5 ans (10 ans? 20 ans?...) dans les différentes crises que nous traversons, écologiques, économiques, politiques, sociales... Nous pourrions nous poser la question. Et ce, d'autant plus que nous pourrions avoir cette désagréable sensation de voir se mettre en place sous nos yeux la mécanique théorisée par Arnold Toynbee, historien des civilisations, qui considérait qu'une civilisation cesse de croitre lorsque son élite perd sa capacité créative et est peu à peu remplacée par une minorité dominante fonctionnant sur une logique de contrôle.

Savoir changer sa nature

Alors certes, nous n'aimons pas remettre en cause nos bonnes vieilles manières de fonctionner (conscientes ou inconscientes). Y compris celle qui veut que les idées et la créativité soient, avant tout, réservées à une élite dirigeante et artistique. Notre résistance naturelle au changement fait que nous nous disons que cela a finalement toujours été ainsi et qu'il n'y a pas lieu de se poser de questions... Et, en effet, lorsque l'on se penche sur l'histoire de l'Humanité, on s'aperçoit que c'est avant tout l'histoire des idées d'un petit nombre de personnes.

Mais l'époque actuelle ne devrait-elle pas être justement l'occasion de remettre en cause ce vieux paradigme? Et même l'occasion de l'inverser, en ne considérant plus la créativité et la production d'idées comme uniquement réservées à une élite, mais accessibles à tous? Une inversion qui, en plus d'être salvatrice, pourrait faire entrer l'Histoire de la créativité dans une nouvelle ère... Mais encore faudrait-il que nous nous en donnions la possibilité et cela commence par changer notre approche de la créativité.

Le premier pas est de cesser de considérer que seuls certains peuvent avoir des idées intéressantes ou utiles. Nous sommes tous créatifs, sans exception, et tout d'abord car nous sommes tous les descendants de créatifs. En effet, nos ancêtres ont eu les bonnes idées pour survivre, inventer des outils, maitriser le feu, inventer l'agriculture, l'écriture, explorer, bâtir, construire, innover... Cette capacité créative qui a conduit l'Humanité là où nous sommes aujourd'hui nous a été transmise, nous la possédons tous et ce même si au cours de l'Histoire seule la capacité créative de certains fut mise en lumière. Nous sommes tous créatifs et c'est exactement la raison pour laquelle, par exemple, les entreprises innovantes sont celles qui sont capables d'écouter les idées de tous leurs salariés. Ces entreprises ont compris que, comme le souligne Isaac Getz, "tout salarié est capable d'être à l'origine d'une idée, et nul ne peut préjuger de qui émanera la meilleure idée du millénaire". Et si c'est vrai dans le domaine de l'entreprise, cela l'est aussi ailleurs.

Idées reçues sur l'intuition

Si nous sommes donc tous potentiellement créatifs, qu'est-ce qui fait que certains sont effectivement capables d'avoir régulièrement de grandes idées, quand d'autres s'en pensent incapables? La réponse à cette question tient en deux mots: "habitude créative". Ce qui différencie une personne d'une autre, en matière de créativité, c'est avant tout son habitude créative. Et il n'y a qu'à se plonger dans les biographies passionnantes de ceux que l'on considère comme les "génies créatifs" de l'Histoire: Picasso, Mozart ou encore Léonard De Vinci, pour s'en apercevoir. Cette plongée nous faisant prendre conscience qu'ils ont notamment tous développé, au cours de leur vie, l'habitude d'accueillir régulièrement, voire quotidiennement, toutes les idées qui se présentaient à eux sous forme de pensée ou d'intuition. De les accueillir toutes, sans les juger, car toute idée, pour devenir une grande idée, a besoin de temps.

Une grande idée n'étant que rarement, le fruit d'une soudaine intuition comme voudrait l'illustrer l'histoire de la pomme de Newton (au passage l'une des idées reçues les plus préjudiciables en matière d'innovation), mais plutôt le fruit d'une lente intuition, une idée s'enrichissant peu à peu à la rencontre d'autres idées, évoluant doucement, pour finalement devenir, peut-être, une grande idée. Les personnes créatives l'ont compris, en mettant en place cette habitude d'accueillir quotidiennement toutes leurs idées, sans les juger, afin de leur laisser, à toutes, le temps de grandir. C'est ainsi, que certaines de ces idées, deviendront effectivement de grandes idées. Et j'affirme que c'est avant tout ce mécanisme qui explique comment, et pourquoi, Léonard de Vinci, par exemple, ne s'est pas contenté d'avoir une idée géniale dans un domaine, mais a eu au cours de son existence, de nombreuses idées géniales dans de nombreux domaines.

Je pense que nous pouvons même aller encore plus loin en affirmant qu'une bonne habitude créative intègre forcément une habitude de partage de nos idées. Un point loin d'être évident, car malheureusement, cette notion de partage des idées fait face à des années d'éducation scolaire qui nous ont présenté l'histoire des idées comme avant tout l'histoire d'individus. Une idée étant toujours associée à un seul individu. Un individu créateur et propriétaire de son idée. Et c'est tellement ancré que, encore aujourd'hui, la plupart de ceux qui "ont" des idées s'en pensent les propriétaires. Comme si la créativité était le produit d'une action divine qui faisait émerger dans tel ou tel individu une idée, et ce de manière toujours indépendante du monde dans lequel il vit et offrant à ce même individu tous les droits sur cette idée.

Mais la réalité est bien plus complexe. Une idée n'est pas tant le fruit d'un individu, que de ses interactions avec son environnement, avec les personnes l'entourant, avec les idées de son époque et les idées passées. Et c'est de cette manière que l'on devrait nous présenter l'Histoire des idées, en nous enseignant notamment, comment, une idée émerge en fait souvent de manière simultanée, chez plusieurs individus, parallèlement et indépendamment. C'est ce que ce que l'on appelle les "multiples". Le concept fut présenté dès 1922 dans une note de William Ogburn et Dorothy Thomas intitulée "Les inventions sont-elles inévitables?". Une note où l'on apprend, par exemple, comment, si on attribue à Darwin l'invention de la théorie de l'évolution, elle fut pourtant énoncée à la même époque et de manière indépendante par Wallace. Ou comment le téléphone possède deux inventeurs indépendants, Gray et Bell. Comment la fonction décimale fut aussi inventée quasiment de manière simultanée et toujours de manière indépendante par Rudolph, Stevinus, mais aussi Bürgi. De la même manière nous pourrions aborder la découverte de l'oxygène par Scheele et Priestley, l'invention de la photographie par Daguerre et Talbot ou encore l'énoncé de la loi de conservation de l'énergie par Joule, Thomson, Colding, Helmholz ou encore Mayer...

Une idée est le résultat d'un processus

Et on répertorie ainsi des centaines de cas dans tous les domaines de la connaissance, des mathématiques à la psychologie, en passant par l'astronomie, la chimie ou encore la médecine. Qu'est-ce qu'ils prouvent? Qu'une idée est avant tout une production sociale et historique, en lien direct avec l'environnement dans lequel on évolue à un moment donné, et donc qu'au lieu de nous sentir propriétaire de nos idées (ce qui n'est qu'une illusion) et chercher à les protéger, nous devrions plutôt les partager. Car en partageant nos idées nous leur permettons de se rencontrer, de rebondir les unes sur les autres, de s'entrechoquer, de s'associer voire de fusionner pour donner de nouvelles idées. En partageant nos idées nous rendons notre environnement plus créatif et de manière réciproque nous nous rendons plus créatif.

Ce sont ces réflexions qui me font porter de multiples projets valorisant le partage de connaissances et d'idées, avec en toile de fond cette pensée que nous vivons, du point de vue de la créativité, une très belle époque. En effet, quel meilleur moment pour nous mettre tous et facilement, grâce aux outils technologiques, à développer notre habitude créative? D'un côté les petits et grands défis, stimulants, que nous devons relever et face auxquels nos élites semblent s'être arrêtées et de l'autre l'avènement d'Internet, parfait outil pour développer notre habitude créative, partager nos idées, permettre leurs rencontres et accélérer le rythme de l'innovation. Car oui, j'en suis persuadé, désormais ce sont nos idées et leur partage qui vont changer le monde.

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