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Comprends-tu pourquoi une blague sexiste, ce n'est pas drôle?

C'est juste une blague. On ne peut plus rire de rien, de nos jours. Bien, je vais t'expliquer bien clairement pourquoi une blague sexiste, ce n'est pas drôle.
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Tu sais, la fois qu'un dude a fait une blague sexiste sur Facebook puis qu'une mer de commentaires polarisés a suivie, là? Tu ne savais pas trop si les filles et les gars qui dénonçaient la blague paniquaient pour rien, hein!? Parce que t'sais. C'est juste une blague. On ne peut plus rire de rien, de nos jours. Bien, je vais t'expliquer bien clairement pourquoi une blague sexiste, ce n'est pas drôle.

J'entends de loin la fameuse réplique: «Ouais, mais, y'en a plein des blagues où les gars passent pour des gros caves». Ouais, c'est vrai. Et, ce n'est pas mieux. Sauf que, si cette situation te préoccupe uniquement lorsque vient le temps d'excuser les blagues sexistes faites envers les femmes, désolée de t'annoncer que tu ne te soucis pas réellement des blagues sexistes faites envers les hommes. Tu les utilises pour justifier ton sens de l'humour douteux.

Ceci étant dit, procédons en ordre chronologique. Dès sa naissance, la femme se fait éduquer et formater de façon à trouver naturelle l'oppression qu'elle subit. Mentionnons au passage les premiers contacts avec les jouets genrés, les princesses, les tutus et autres fioritures ultra-féminines. Mentionnons aussi chez la petite fille, l'importance de devoir être belle et sage afin de plaire. À titre d'exemple, il est bien plus fréquent d'observer l'utilisation de l'adjectif «belle» quand vient le temps de faire un compliment que d'observer l'utilisation des adjectifs forte, intelligente, talentueuse, etc. Qu'on ne s'y méprenne pas. Le problème ne vient pas du compliment, mais de la normalité à ce qu'on s'attende qu'une femme soit belle avant tout le reste. Ça fait beaucoup de pression pour 95% des individus féminins n'entrant pas dans les critères de beauté dictés par la société. Soit, certains parents n'ont pas ce discours, mais la pensée populaire est assez forte pour atteindre l'éducation des foyers les plus progressistes. Ce paragraphe n'est que la micro pointe d'un iceberg d'observations.

La préadolescence et l'adolescence viennent ensuite. Il s'agit là de passages difficiles pour tout le monde. Dans le cas de la gent féminine, on ajoute aux défis non genrés la responsabilité de la contraception, l'éducation sexuelle où elles sont mises en garde contre leurs propres pouvoirs d'attraction et aussi, une mise en garde perpétuelle face aux prédateurs. Ajoutons à cela la pression sociale et des pairs quant à l'apparence et aux moeurs.

Pour illustrer le propos de la responsabilité de la contraception, voici une anecdote personnelle. Je jouais encore aux Barbies quand j'ai eu mes premières règles. C'est jeune pour apprendre les dangers des relations sexuelles et comprendre la responsabilité que représente le fait d'avoir un utérus fonctionnel. On ne m'a pas parlé de l'épanouissement possible ou du plaisir à portée de main. Non. On m'a parlé de la nécessité de la contraception et l'importance de faire attention. Parce qu'un accident est si vite arrivé. Non seulement on devient vite adulte dans ce temps-là, mais la vision de la sexualité prend une forme oppressante.

Cache tes seins, n'engraisse pas, nettoie bien ta peau pour éviter l'acné, ne mets pas de jupes trop courtes, rase tes jambes, cache tes épaules, sois féminine, sois belle, ne sacre pas, ne sois pas trop prude, une belle fille comme toi doit avoir un petit ami, etc. Tous ces messages contradictoires viendront se bousculer dans nos esprits et y prendront racine. Peu importe ce que tu feras, femme, ce ne sera pas assez.

Ces messages font insidieusement leur chemin dans la tête des jeunes femmes. Assez, par exemple, pour devoir corriger nos pensées une fois à l'âge adulte, quand on se surprend à juger sévèrement notre apparence physique. Assez pour semer des dilemmes moraux quant à nos envies et comportements sexuels. Parce que HEY. Si je dis oui, je suis une trainée et si je dis non, je suis frigide. Femme, peu importe ce que tu feras, tu seras jugée.

Je suis obligée de vivre ces situations sous prétexte que j'ai un vagin et que c'est à moi, femme, de modifier mes comportements.

C'est aussi à l'adolescence que viennent les premières peurs de l'homme. On m'a indirectement appris à craindre les hommes. Évite de marcher seule le soir, surveille ton verre quand tu sors, ne consomme pas trop d'alcool. Parce que, boys will be boys. Je ne compte plus les fois où j'ai eu des frousses à revenir seule à la maison, où j'ai dû éviter des gars trop entreprenants sur les planchers de danse, où j'ai changé de bord de rue, où j'ai fixé le sol quand j'ai croisé un étranger, où j'ai viré de bord un étranger et ses compliments un peu trop coquins à mon goût. Ces choses là arrivent quotidiennement et on ne les remarque plus tellement elles sont considérées comme étant normales. Je suis obligée de vivre ces situations sous prétexte que j'ai un vagin et que c'est à moi, femme, de modifier mes comportements. Parce que de toute façon, femme, s'il arrive quelque chose, tu l'auras sans doute cherché.

Ai-je parlé des attitudes opprimantes qu'on vit chaque jour? Le mansplanning, les catcalls, les «bonjour ma petite madame», les poignées de main données aux collègues masculins avant d'être donné aux collègues féminines, le manque de prise au sérieux professionnelles des femmes parce qu'elles sont femmes... Encore une fois, ces comportements sexistes sont tellement fréquents qu'ils sont la norme. Surtout, ne les mentionne pas haut et fort, femme, on te traitera d'émotive.

As-tu remarqué que je n'ai pas encore parlé de la violence faite aux femmes, des statistiques d'agressions sexuelles, des disparitions de femmes autochtones, de l'équité salariale, des congés parentaux, de la culture du viol, de l'image de la femme dans les médias, de la dépendance économique, de la taxe rose, du coût et des effets secondaires des contraceptifs féminins, du plafond de verre, et j'en passe (encore)? Chacun de ces énoncés possède son lot de problèmes quotidiens. As-tu remarqué aussi que je ne te parle même pas de la réalité de mes soeurs ayant une autre couleur, une autre religion, une autre orientation sexuelle, une autre condition? Je ne parle que de femmes blanches, nord-américaines, apparemment avantagées.

Alors, quand tu pousseras ta blague sexiste sous prétexte que c'est de l'humour, pense à ce que les femmes (incluant ta mère, ta soeur, ta blonde et ta bonne chum) vivent quotidiennement... Ton insipide blague qui, non seulement met de côté 50% de la planète, mais qui les traîne aussi dans bouette, ce n'est pas drôle. Que tu le fasses dans ton émission de radio à grande écoute, dans ton podcast de fond de rang ou au bar avec ton meilleur chum, ça ne fait pas de différence.

Quand tu fais une blague comme ça, tu nourris les oppressions. Quand tu fais ces blagues-là, TU FAIS PARTIE DU PROBLÈME. Maintenant, comprends-tu pourquoi une blague sexiste, ce n'est pas drôle? Si quand je dis ça, tu me trouves émotive, bien tu as raison. Je le suis, émotive.

Et j'ai crissement raison de l'être.

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