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Nakurmiik, Nunavik

Il y a les rires fréquents, les gens qui t'accueillent les bras grands ouverts, les histoires de chasse qui ne tiennent pas debout. Il y a la notion du temps qu'on balance un peu à gauche, un peu à droite, qu'on suspend.
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J'ai attendu jusqu'aux derniers instants avant d'écrire sur le Nunavik. Et c'est seulement à l'aéroport de Kuujjuaq, quelques minutes avant mon départ, qu'enfin j'ose débuter.

Il y avait cette peur d'être maladroite avec les mots, de ne pas être capable de transmettre ces moments vécus, ces découvertes partagées, de façon adéquate, à l'image de l'apprentissage grandiose que j'ai fait au cours des dernières six semaines. Un sacré bout de chemin.

Il y a une certaine forme de magie, de sagesse, d'histoire insaisissable dans cette parcelle du monde. Une sensation qui se décrit à peine, mais ceux qui seront passés par ici l'auront sentie. Et ça se transmet drôlement par écrit.

Avant mon arrivée, on m'avait parlé de région éloignée. Rapidement, on a rectifié. Non, non, ce n'est pas une région éloignée, c'est une région isolée. Pas de route, pas de chemin de fer. Accessible que par avion, et par bateau si la météo est assez clémente pendant l'été. J'ai par la suite appris avec un certain plaisir que l'aéroport de Kuujjuaq était le troisième en importance dans la province, après Montréal et Québec.

Région isolée certes, mais tellement connectée avec ses terres, ses eaux, ses vents, qu'on s'y sent plein, entouré, materné. On oublie que le «Sud» n'est qu'à deux, trois heures d'avion. Les nuits sont courtes, le ciel reste bleu jusqu'à tard le soir, mais il y a un renouveau qui vient à chaque jour qui commence.

La beauté féroce de l'endroit te remet les deux pieds sur terre. Bien comme il faut. On t'en met plein la vue. Il y a le vent qui frappe, mais tellement frais qu'on l'apprécie à pleines dents. De l'eau partout, qui se boit juste comme ça. Des arbres, un peu maigrichons, mais bien courageux. Et de l'espace. À l'infini, et même plus encore. C'est beau pour longtemps.

C'est une chance de venir au Nunavik, et ma formation m'en a donné l'opportunité. Ce n'est pas facilement accessible, mais ô combien j'aurais prolongé mon séjour encore plus. Déjà, je pense à des façons de revenir. Mon projet s'est bien déroulé, mais personnellement, il m'en manque un bout. Le Nunavik ne m'a pas encore tout appris. Je quitte avec encore plus de questions qu'à mon arrivée, une volonté encore plus grande de comprendre cet héritage culturel, ce pan de notre histoire qu'on tente trop souvent d'oublier, de minimiser ou de transformer.

On décrit souvent le nord du Québec comme une région difficile, pauvre, violente, dure, qui se fait barouetter dans les -50º de l'hiver blanc. Mais je voulais en parler d'une autre façon. J'en conviens, mes six semaines n'en sont qu'une fraction, mais j'ai eu l'impression de vivre ici plus que jamais ailleurs. De renouer avec moi-même. Avec ces rêves oubliés.

Il y a les rires fréquents, les gens qui t'accueillent les bras grands ouverts, les histoires de chasse qui ne tiennent pas debout. Il y a la notion du temps qu'on balance un peu à gauche, un peu à droite, qu'on suspend. Il y a l'intermittence de la connexion internet, balancée par la constance du ciel. Il y a les «petits» saumons de quarante centimètres bien remplis en chair, le plaisir de se baigner dans l'eau glaciale, la fierté du gibier fraîchement chassé. Il y a ce respect envers les aînés et les enfants, l'honnêteté des sourires, la profondeur des regards.

Il y a le chef de police qui a travaillé pour les Casques bleus de l'ONU. Il y a la flotte d'Air Inuit qui fait des miracles sur des pistes cabossées à peine plus grandes que mon salon. Il y a ces gens qui m'ont appris à pêcher, à tirer, à profiter. Il y a les soupers improvisés, le caribou gelé, le bar multi-générationnel de Kuujjuaq où l'on sort en pyjamas.

Il y a cette ardeur dans le travail accompli, une volonté palpable de faire quelque chose de bien et durable. Il y a cette connaissance de l'environnement qui change, qui n'est plus comme avant. Il y a cette modernité criante qui se mélange à l'ancestral. Il y a cette façon de réapprendre à poser ses questions, à jongler avec les imprévus prévisibles. Il y a tellement.

Et finalement, le Nunavik m'a montré le calme de la Terre, la puissance de l'espace, la volonté du temps. J'en ai encore beaucoup à partager, de ma passion grandissante pour la santé publique à mon respect pour ces personnes qui m'ont ouvert leurs bras pour me raconter des parcelles de leur histoire, à mon unique séjour dans le parc national de Kuururjuaq, un des secrets les mieux gardés du monde. Entre temps, et en toute humilité, je dis merci.

Nakurmiik, Nunavik.

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