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Qu'en est-il de la vision que le Coran transmet de la femme? La question est importante à ce moment-ci de notre vie parlementaire, car le projet de Charte étudié à la Commission des institutions vise à affirmer non seulement les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État, mais aussi l'égalité entre les femmes et les hommes.
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Pour bien saisir les enjeux du présent débat sur la laïcité et la neutralité religieuse de l'État, il importe de s'éclairer de connaissances sur les religions en présence. L'islam est souvent cité dans le débat, mais il reste encore peu connu au Québec, pays de tradition surtout chrétienne.

La voie obligée pour se familiariser avec les positions de l'islam vis-à-vis de tel ou tel sujet est de se référer au Coran, le livre saint des musulmans. Écrit en langue arabe au début du VIIe de notre ère, il tient lieu de dépositaire de la parole de Dieu, telle que celle-ci aurait été révélée au prophète Mahomet par l'intermédiaire de l'ange Gabriel. Le Coran dicte aux musulmans ce qu'ils doivent croire et comment ils doivent vivre. En raison de l'essence divine qu'on lui prête, les enseignements qu'il contient sont tenus comme des vérités absolues et indubitables.

Le Coran comprend 114 sourates (ou chapitres) qui regroupent 6 226 versets. Sa structure n'est pas thématique: les sourates sont ordonnées en fonction de leur longueur, les premières comprenant plus de versets que les dernières. Les sujets traités sont peu développés et sont exposés de façon fragmentaire et sans lien logique. Le texte prend rarement une forme narrative, l'essentiel du message étant composé de louanges à Dieu, de prédictions, d'invocations, d'admonestations, de commandements ou de prescriptions juridiques.

Qu'en est-il de la vision que le Coran transmet de la femme? La question est importante à ce moment-ci de notre vie parlementaire, car le projet de Charte étudié à la Commission des institutions vise à affirmer non seulement les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État, mais aussi l'égalité entre les femmes et les hommes.

Les citations utilisées dans cet article sont tirées de la traduction suivante : Le saint Coran et la traduction du sens de ses versets, traduction de H. Hafiane, sous la direction du Dr H. Raïs et du Dr A. Bekri, respectivement professeur de civilisation et de théologie musulmane et professeur de sciences coraniques, Paris, Éditions Archipoche, 2013. Les numéros des sourates sont indiqués en chiffres romains, alors que ceux des versets le sont en chiffres arabes.

Origine seconde de la femme

S'inscrivant dans le prolongement des religions juive et chrétienne, l'islam reprend le mythe d'Adam et Ève et présente la femme comme un être second issu de l'homme. Elle n'aurait pas été créée comme une personne à part entière, mais tirée de lui pour assurer sa descendance:

Ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d'un seul être et, de celui-ci, créa son épouse, puis de leur union, il fit naître beaucoup d'hommes et de femmes. IV, 1

Dès sa création, on assigne à la femme le rôle de génitrice et d'épouse de l'homme. Elle aurait été aussi conçue pour lui servir de compagne réconfortante et aimante:

Il a créé pour vous, tirées de vous-mêmes, des épouses afin que vous vous reposiez auprès d'elles et Il a fait naître entre vous l'amour et la bonté. XXX, 21

Impureté féminine

La physiologie de la femme comporte des sources d'impuretés naturelles qui forcent l'homme à s'en éloigner durant la période des menstruations:

Ils [les hommes] s'interrogent au sujet de la menstruation des femmes. Dis-leur : «C'est un mal. Séparez- vous d'elles durant les règles. N'ayez point de rapports charnels avec elles tant qu'elles sont en état d'impureté. Lorsqu'elles sont purifiées, allez à elles comme Dieu vous l'a ordonné.» II, 222

Le caractère impur des menstruations est tellement ancré dans la pensée islamique que la femme qui a ses règles est soumise à toutes sortes d'interdits: elle doit par exemple s'abstenir de prier, de lire le Coran ou d'aller à la mosquée.

Le Coran stipule aussi que le contact avec une femme rend l'homme impur pour la prière. Ce dernier est alors exhorté à se laver avec de l'eau ou du sable fin afin de se purifier. Dans le verset suivant, l'assimilation de l'impureté qui viendrait d'une relation sexuelle avec une femme à celle provenant de la satisfaction de besoins naturels est saisissante:

Ô croyants ! Lorsque vous voulez accomplir la prière, lavez vos visages et vos mains jusqu'aux coudes, essuyez-vous la tête, lavez-vous les pieds jusqu'aux chevilles. Si vous avez cohabité avec vos femmes, purifiez-vous en prenant un bain ; si vous êtes malades ou en voyage, si l'un de vous vient de satisfaire un besoin naturel, si vous avez eu un rapport sexuel avec vos épouses et que vous ne trouviez pas d'eau, alors recourez à la purification avec du sable fin pur. V, 6

Pudeur dans la tenue vestimentaire

La femme n'est pas seulement impure physiquement. Elle peut aussi être source de désordres moraux, en suscitant le désir sexuel chez l'homme et en l'entraînant dans le péché de la chair. Pour contrer ces risques naturels de concupiscence, elle doit s'habiller sobrement, se dérober en public au regard des hommes étrangers et ne montrer ses attraits qu'aux membres de sa famille, aux eunuques ou aux jeunes impubères:

Dis aux croyantes de baisser les yeux ; d'être chastes ; de ne montrer de leurs atours que ce qui est visible ; de rabattre leurs voiles sur leurs poitrines et de ne montrer leurs atours qu'à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes, ou aux captifs qu'elles détiennent, ou aux domestiques mâles impuissants, ou aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes. XXIV, 31

Droits de succession moindres

Qu'il s'agisse d'une succession directe ou collatérale, la femme reçoit toujours moins que l'homme:

Voici ce que Dieu vous ordonne au sujet de vos enfants : attribuez au garçon dans l'héritage une part égale à celle de deux filles. IV, 11

Si le défunt [sans enfant] laisse des frères et des sœurs, la part revenant à l'homme doit être égale à celle de deux femmes. IV, 176

Valeur moindre du témoignage d'une femme

Le témoigne d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme. Les défenseurs de l'islam prétendent que le Prophète veut ainsi éviter l'injustice qui pourrait survenir en raison de la moins grande intelligence des femmes qui leur ferait oublier plus facilement et commettre plus souvent des erreurs:

Faites témoigner deux témoins parmi les hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, ce sera un homme et deux femmes parmi ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l'une se trompe, l'autre lui rappelle ce qu'elle aura oublié. II, 282

L'adultère des femmes sévèrement condamné

Une femme qui commet l'adultère est vouée à une peine très sévère, l'emprisonnement à vie (la lapidation n'est pas mentionnée explicitement dans le Coran), et ce châtiment ne peut reposer que sur des témoignages masculins :

Contre celles de vos femmes qui commettent l'adultère, demandez le témoignage de quatre hommes choisis parmi vous. S'ils témoignent contre elles, enfermez-les jusqu'à ce que la mort les emporte ou que Dieu leur procure un moyen de salut. IV, 15

Supériorité de l'homme

Par nature, l'homme est supérieur à la femme et a toujours prééminence sur elle. Il peut même recourir à la violence physique pour la soumettre:

Les femmes ont des droits équivalents à leurs devoirs, conformément à la bienséance. Les hommes ont cependant une prééminence sur elles. II, 228

Les hommes ont autorité sur les femmes en raison des qualités par lesquelles Dieu les a élevés au-dessus d'elles et en raison des dépenses qu'ils font pour assurer leur entretien. Les femmes vertueuses sont obéissantes et préservent en l'absence de leur mari ce que Dieu a prescrit de préserver. Exhortez d'abord celles dont vous craignez la désobéissance, reléguez-les ensuite dans des lits à part et frappez-les enfin. Si elles vous obéissent, ne leur cherchez plus querelle. IV, 34

Cet inventaire des versets coraniques à caractère sexiste pourrait se poursuivre. On pourrait citer encore le verset 3 de la sourate IV fixant la polygamie à quatre femmes ou le verset 4 de la sourate LXV autorisant le mariage d'un homme avec une jeune fille impubère (Mahomet, dans la cinquantaine, a épousé lui-même une jeune fille de 10 ans). Mais l'espace manque et, de toute façon, la démonstration est suffisante.

Les défenseurs du Coran trouvent toutes sortes de justifications pour atténuer la portée de ce genre de versets. On avance par exemple que l'Arabie préislamique traitait la femme comme une moins que rien et que le Coran a contribué à améliorer le sort des femmes en leur conférant des droits qu'elles n'avaient pas dans l'ancienne société païenne. Pourquoi alors l'islam n'a-t-il pas continué sur cette lancée au fil des siècles pour améliorer la condition féminine plutôt que de la figer? On soutient aussi que la lecture du Coran ne peut être parcellaire et que la plénitude du sens ne se dessine que dans la connaissance de l'ensemble. Bien d'autres versets invitent les hommes à être justes envers les femmes, les exhortent à la paix et à l'amour, leur demandent de pratiquer le bien, exaltent leur espérance en Allah, le Juste et le Miséricordieux. Les versets bienveillants ne pourront cependant jamais effacer les versets discriminatoires et annihiler leurs effets pervers dans la population. Enfin, on invoque les difficultés de traduire l'arabe classique en raison de la polysémie de son vocabulaire. Ainsi l'injonction violente «Frappez-les» pourrait être atténuée par des expressions plus modérées comme «Frappez-les doucement», «Corrigez-les» ou «Abandonnez-les». Quelle que soit la traduction, il reste que c'est toujours l'homme qui a le pouvoir de châtier.

Le Coran n'est pas le seul texte saint à souffrir de sexisme. Pensons à certaines épîtres de Saint-Paul qui sont des monuments de machisme. Bien des questions se posent face au religieux et à l'islam en particulier. Dans le débat sur le projet de charte de la laïcité, comment des intellectuels qui se prétendent renseignés comme Gérard Bouchard peuvent-ils soutenir face à ces passages du Coran foncièrement sexistes que le voile islamique n'est pas un signe de soumission de la femme à l'homme? Comment des féministes qui prônent l'égalité des femmes et des hommes peuvent-elles accepter et même préconiser que des accommodements soient négociés de telle sorte que des pratiques religieuses viennent contrevenir à ce principe fondamental? Mais pourquoi au juste faudrait-il se plier aux demandes des religions et accepter l'inacceptable? Dans nos sociétés qui se disent laïques et modernes, serions-nous encore sous l'emprise du sacré, même quand il est question de la laïcité de l'État qui a pourtant été séparé de la religion après d'âpres luttes depuis le siècle des lumières?

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