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Élisabeth Louise Vigée Le Brun, femme peintre à découvrir

Son histoire ferait un film passionnant. Son œuvre, c'est le selfie avant l'heure. Son exemple constitue une inspiration pour les femmes.
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Son histoire ferait un film passionnant. Son œuvre, c'est le selfie avant l'heure. Son exemple constitue une inspiration pour les femmes. Qui ça ? Élisabeth Louise Vigée Le Brun, une peintre qui a marqué le 18e siècle, entre autres parce qu'elle est devenue, à 23 ans, la portraitiste de Marie-Antoinette à Versailles.

À part les Français, qui la connaissent pour ce fait d'armes, Élisabeth Louise Vigée Le Brun n'a pas eu droit à la notoriété que son legs lui doit. La grande rétrospective que le Grand Palais de Paris, le Met de New York et le Musée des beaux-arts du Canada lui consacrent réparent cette injustice. Et ce sera encore davantage le cas si vous êtes nombreux à la visiter. Il est tellement rare que les femmes artistes soient en vedette dans les musées, profitons-en pour la célébrer.

Enfant, la petite Élisabeth Louise est encouragée à exprimer son talent par son père, le portraitiste Louis Vigée. «Tu seras peintre, mon enfant, ou jamais il n'en sera», aurait-il dit. Mais ce dernier meurt alors qu'elle n'a que douze ans. Les hommes qui prendront la place de ce papa chéri, son beau-père et ensuite son mari, développeront un rapport autrement mercantile, s'appropriant une partie importante des gains que la peinture procurait à cette femme douée.

Malgré l'exploitation de son beau-père et de son mari, le peu d'ouverture de l'Académie royale de peinture aux femmes artistes, le climat politique tendu qui a prévalu en France durant toute sa vie, Élisabeth Louise Vigée Le Brun a peint au-delà de 600 tableaux durant sa carrière, bousculant souvent les codes de l'époque avec une technique irréprochable et un sens de la couleur exceptionnel.

Alors qu'elle n'a que 15 ans, nobles et aristocrates de Paris se bousculent dans son atelier pour être immortalisés en peinture. Ce n'est pas d'hier que le portrait est bon pour l'ego !

Regards, postures, coiffes, couleur de la peau, rendu des étoffes, lumière : on aime la manière dont elle peint ses sujets. Cette réputation et de bons contacts lui ouvrent les portes du palais de Versailles et de la notoriété.

La représentation qu'elle fait de Marie-Antoinette lui vaut la sympathie immédiate de la souveraine, qui rit de se voir si belle à travers le regard de cette artiste qui a le même âge qu'elle. Une anecdote veut qu'un jour, en pleine séance de pose, Élisabeth Louise échappe ses pinceaux, et c'est la reine qui les ramasse pour éviter à sa portraitiste de se pencher, sa grossesse étant très avancée. Un tableau de l'exposition évoque cette scène.

C'est ce qui est fascinant dans cette exposition. Derrière les portraits, en apparence classiques, il y a toujours une histoire qui témoigne de l'audace, de la créativité et de la détermination de Élisabeth Louise Vigée Le Brun.

La peintre, un modèle en matière de mode vestimentaire, affuble ses sujets de fichus sur la tête, leur donnant des airs de Sibylle, quand ce n'est pas un chapeau de paille ou une étoffe sur les épaules qui décoincent l'allure.

Pour traduire l'énergie d'une actrice célèbre, elle la représente les bras en mouvement, la bouche entrouverte laissant paraître ses dents. Une rareté en ces temps-là, dit-on.

Il y a aussi toute une panoplie de regards : vers le ciel, observant l'horizon, fixant «l'objectif», fuyant, soutenu.

L'artiste est souvent controversée. Pour revenir à Marie-Antoinette, un jour Élisabeth Louise Vigée Le Brun la peint en chemise, dit le titre du portrait, comme elle l'avait fait pour d'autres femmes. Cela fera scandale. Il faut du décorum, disent ses détracteurs. Mais il y en aussi pour louer son coup de pinceau, comme l'impératrice d'Autriche, la mère de Marie-Antoinette, qui apprécie comment la portraitiste avantage les traits autrichiens prononcés de sa fille.

Dans cette cour qui vit au rythme des intrigues, des jalousies et des médisances, la portraitiste doit aussi répondre aux commandes du «cabinet national» du temps. Ces faiseurs d'image, qui exigent de la peintre qu'elle fasse disparaître les bijoux ostentatoires que le peuple reproche à la reine, ou qui lui commandent un grand portrait avec enfants pour prouver la fibre maternelle de la souveraine.

Ce tableau, intitulé Marie-Antoinette et ses enfants, est saisissant. Par sa grandeur : 2,75 mètres par 2,16 mètres. Imaginez l'énergie qu'il a fallu à l'artiste pour le réaliser.

Saisissant aussi, parce qu'il est probablement la dernière tentative pour sauver la tête de Marie-Antoinette. Une grande mise en scène qui inclut même le berceau vide du dernier né de la reine, mort à 11 mois, en pleine réalisation de l'œuvre. L'opération charme a échoué. Les ennemis de la royauté ont plutôt détourné le regard vers le grand coffre à bijoux que l'artiste a (innocemment ?) intégré dans le coin droit de son portrait. C'est la première fois que ce portrait historique sort de la France.

Vous aurez compris qu'en 1789, Élisabeth Louise Vigée Le Brun est on ne peut plus proche de la monarchie. Au moment où sonne la révolution, elle n'a d'autre choix que de fuir vers des contrées qui n'ont pas encore rompu avec les têtes couronnées.

Ce seront 12 années d'exil pendant lesquelles elle offrira son talent aux cours d'Italie, d'Autriche et de Russie, toutes bien au fait de sa réputation.

Il y a de très beaux tableaux de cette période passée sur les routes d'Europe, notamment ceux exécutés lors de son séjour à Saint-Pétersbourg. Du nombre, mentionnons une huile sur toile de la comtesse Tolstaïa, que le Musée des beaux-arts du Canada s'enorgueillit de posséder depuis qu'un collectionneur anonyme lui en a fait don en début d'année.

Une partie des dépenses encourues pour voir l'exposition Élisabeth Louise Vigée Le Brun au MET de New York a été assumée par le Musée des beaux-arts du Canada.

Élisabeth Louise Vigée Le Brun a vécu assez longtemps (elle est morte en 1842 à l'âge de 87 ans) pour connaître le régime de Napoléon, faire carrière à Londres, enterrer sa fille unique et son ex-mari, et écrire ses mémoires. Je vous le dis :son histoire est digne d'un film.

D'ailleurs ne manquez pas au Festival international du film sur l'art de Montréal Le fabuleux destin d'Elisabeth Louise Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, un documentaire qui raconte le parcours exceptionnel de cette femme peintre au moyen de reconstitutions et d'entrevues de spécialistes de son œuvre. Le film sera projeté les samedis 12 et 19 mars à l'auditorium du Musée des beaux-arts de Montréal.

Pour ce qui est de l'exposition La Portraitiste de Marie-Antoinette, elle sera présentée au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa du 10 juin au 11 septembre. Entretemps elle est à l'affiche du Met de New York jusqu'au 15 mai sous le titre Vigée Le Brun, Woman Artist in Revolutionary France.

Une partie des dépenses encourues pour voir l'exposition Vigée Le Brun au MET de New-York a été assumée par le Musée des beaux-arts du Canada.

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