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L'Isle-Verte se serait mieux porté sans les journalistes

Encore une fois, la couverture médiatique vient de dépasser les bornes. Trop informer équivaut à sous-informer. On finit par banaliser l'événement tragique. Et même plus, les médias deviennent eux-mêmes des acteurs de l'événement. Un beau cadeau de temps d'antenne. Des heures et des heures. Un voyeurisme outrancier.
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«Assez, c'est assez». Je vous ai déjà livré un texte qui commençait avec ces mots pour manifester ma lassitude lors de la tragédie de Lac-Mégantic. Que de commentaires intéressants ce texte a suscités, supportant mon attitude blasée! Voilà que tout recommence avec le désastre désolant de L'Isle-Verte.

Encore une fois, la couverture médiatique vient de dépasser les bornes. Trop informer équivaut à sous-informer. On finit par banaliser l'événement tragique. Et même plus, les médias deviennent eux-mêmes des acteurs de l'événement. Un beau cadeau de temps d'antenne. Des heures et des heures. Un voyeurisme outrancier. L'incendie d'un immeuble! De nombreuses victimes! Une belle petite municipalité discrète de 1400 âmes!

Et voilà que la mairesse de L'Isle-Verte, Ursule Thériault, s'est exclamée: «L'Isle-Verte se porterait mieux sans les journalistes!» De quoi, donner mauvaise conscience. Elle avait convoqué les journaux locaux, sans en aviser les médias nationaux. Quelle tristesse! Jamais L'Isle-Verte n'a accueilli autant d'étrangers sur une si longue période: les journalistes et photographes sont devenus une horde de touristes.

Les reporters se sont jetés sur ces habitants comme sur une proie. La mairesse suppléante, Ginette Caron, a même conseillé à ses concitoyens: «Barrez vos portes! Arrêtez de répondre aux journalistes!» Ce n'est pas peu dire. Des familles dans le deuil de leurs vieux. La peine qui déborde des cœurs. On veut crier sa douleur. Pas au monde, tout juste extirper sa souffrance. Pourtant, le micro et la caméra sont aux aguets pour tout capter. «Comment vous sentez-vous? Comment vivez- vous votre deuil?»: les questions assassines et sottes! Une ingérence impolie dans l'intimité de ces gens. Une thérapie que l'on fait sur un divan collectif, un deuil qui devient médiatique. Et pourquoi un sinistré ne demanderait-il pas au reporter: «Et vous, comment vivez vous mon deuil?» Selon madame Caron, les citoyens songeraient à quitter le village pour vivre leur deuil en paix.

Insensibles, je vois déjà les patrons des médias se frotter les mains. À saliver à l'approche d'une tragédie! À quand la prochaine? On pourrait y donner plus d'éclat. Le public en réclame. Chaque média rivalise d'ingéniosité pour entretenir un auditoire et surtout en soustraire au concurrent. On a choisi la formule d'une mise en scène d'un spectacle, d'un téléroman. À suivre demain! Les stagiaires ont été mis à contribution et ont aiguisé leurs dents sur des détails. Il me faudrait des pages pour énumérer les questions inappropriées qui furent posées.

L'auditoire n'a pas à tout connaitre les détails futiles, mais à comprendre ce qui est bien expliqué: le vrai travail journalistique. Mais voilà, tout est embrouillé. Les propos que j'entends à ce sujet dans mon entourage me laissent perplexe.

Ô combien, j'aurais voulu m'abstenir d'écrire un texte semblable. «Assez, c'est assez!»

Lisez d'autres textes de Claude Bérubé en visitant son blogue Leptitvieux.com

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