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Une visite royale assez spéciale

Au poste 33, les officiers sont un peu énervés. Il faut comprendre que nous sommes en plein Jeux olympiques, donc en manque criant de personnel. Le directeur du poste vient d'apprendre que la reine Elizabeth II présidera un diner au très couru club Saint-Denis.
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1976. Au poste 33, les officiers sont un peu énervés. Il faut comprendre que nous sommes en plein Jeux olympiques, donc en manque criant de personnel. Le directeur du poste vient d'apprendre que la reine Elizabeth II présidera un diner au très couru club Saint-Denis. Un endroit privé et même secret où seuls les plus fortunés ont droit de cité. Donc, panique à bord.

Notre lieutenant ramasse à la hâte une dizaine de flics pour assister les membres de la GRC tout de rouge vêtus. Il faut dire que nous avons l'air fin, avec nos uniformes mal fagotés, salis par le travail et la poussière. Nous les astiquons de notre mieux, mais on ne fait pas de miracles. Pour ma part, je fais régulièrement « suer » mes officiers, car je porte fièrement un petit collier en coquillage. Comme le dit si bien mon lieutenant : « Il n'y a jamais eu rien de bien réglementaire dans ta tenue ». Que se soit mon double ceinturon, mon étui à revolver, mon bâton plastique, ma crosse de revolver adaptée achetée à prix fort, mes chemises cintrées, rien ne me fait ressembler aux autres flics. Mais bon, je travaille plus fort, alors en général, on me fout la paix.

Cette fois, je me retrouve en queue de ligne de la haie d'honneur pour Sa Majesté. Tout comme une toupie, mon sergent tourne en rond et panique. Le pauvre vient tout juste d'être promu et la situation le dépasse. Nous voici en deux rangs, les tuniques rouges à l'avant du cordon et nous, les bleus, à la queue.

À la fin du repas, Elizabeth sort et passe devant nous. La dame, très digne, jette un œil distrait, pour ne pas dire distant, aux sans-grade que nous sommes. Pas tout à fait... La reine jette un coup d'œil en biais, vers ce flic au collier blanc. Elle ralentit presque son pas, je crois discerner un petit éclair moqueur dans le regard de Sa Majesté. Aucun doute, elle fixe le collier! Derrière elle, de l'autre côté de la haie d'honneur, mon sergent fait une crise d'apoplexie.

Dès que tout est terminé, le pauvre homme me passe un savon de son cru. De mon côté, je le regarde bêtement, je passerais presque pour un attardé. Bien sûr, tout le monde se tord de rire, sauf lui. Nous aurions dû nous rendre sur les lieux d'une autre visite, mais il semble que ma présence ne soit plus requise.

Daniel et moi retournons aux appels, ce qui en soit est un moindre mal. Nous finissons à peine une chicane d'hôtel que le répartiteur nous dirige vers un autre. Cette fois, il nous lance vers le Méridien rencontrer le gérant. Il s'agit d'une urgence. Nous y rendre n'est pas tout à fait une sinécure. Sa Majesté doit arriver à la Place des Arts et tout autour, la foule se presse. Nous nous résignons à finir le trajet à pied.

À l'hôtel, accompagné de deux membres de son personnel, le gérant nous attend avec impatience.

- Il y aurait des gens armés sur le toit de l'hôtel. C'est Juan, un garçon d'étage qui les a vus.

Nous accaparons le premier ascenseur venu et, accompagnés du gérant, nous grimpons vers le toit. Daniel demande au studio si quelqu'un des nôtres pouvait y être, mais tout comme nous, ils sont dans le fouillis le plus total. Pas le temps d'attendre, la décision se prend maintenant. On fonce!

Nous voilà sur le toit à ramper comme des Indiens sur du goudron brûlant et empierré. Plus loin, deux hommes en T-shirt... Le premier avec des jumelles et l'autre tenant une carabine à lunette. Ils sont couchés et visent exactement l'endroit où la reine doit s'arrêter. Sans dire un seul mot, je fais signe à mon partenaire de prendre l'homme aux jumelles, l'autre sera pour moi.

Nous rampons encore sur plus de 10 mètres et à mon signal, c'est le sprint! Les deux hommes se retrouvent avec le canon de nos armes bien enfoncés dans leurs oreilles.

- GRC, on est de la GRC.

Je tasse la carabine avec précaution et fouille le bonhomme. Effectivement, il est de la police. Le pauvre gars est blême, il a vu la mort de près.

- Et personne n'a été prévenu?

- C'est secret...

- Ben... Tu aurais pu mourir en secret, bonhomme.

Nous retournons finalement à nos petites chicanes de ménage ou de voisins. Daniel en reste perturbé pour le reste de la journée et répète presque comme un mantra.

- Ils auraient dû nous en parler.

Oui, ils auraient dû... Mais c'est aussi ça la police.

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