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Une société toujours un peu en retard

Nous pouvons continuer à regarder les émissions comme «Fugueuse» et trembler de peur.
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En 1987, dans un article du Journal de Montréal, j'avais bêtement énoncé un fait: «Les gangs de rues étaient en pleine formation à Montréal». À l'époque, Marty Croitoru, agent spécial de l'institut Shawbridge, et moi, ramassions entre 8 et 12 fugueurs et fugueuses par mois. Certaines de ses filles travaillaient pour des proxénètes membres de gangs. Mes patrons de l'époque s'étaient empressés de démentir ces propos alarmistes. «Il n'y a pas de gangs de rues à Montréal». Pourtant en moins de trois semaines étaient passés plus d'une vingtaine de jeunes d'un même groupe, qui plus tard prendront le nom de «Rebels». Ce groupe finira par œuvrer dans des domaines aussi diversifiés que les vols de camions bancaires, les stupéfiants, la prostitution, le vol, le recel, les introductions par effraction et même le meurtre.

Pendant plus de cinq ans, deux hommes bien informés et surtout motivés ont ramassé plus de fugueurs et d'évadés que tout le département de police réuni. Nous allions même jusqu'à recruter et payer des «skinheads» au Foufounes électriques, pour le ramassage des fugueuses. Les jeunes avaient une peur bleue lors de nos interventions. Nous allions jusqu'à simuler un tabassage de nos Skins devant elles. Vous savez quoi... 95% ne s'évadaient ou ne fuguaient plus. Par contre avec eux ou elles, nous mettions de la mesure, une fois impressionnés, pas besoin d'en rajouter une couche.

Du jeudi au dimanche, nous allions, de soir et de nuit, arpenter les stations de métro, les arcades, les bars, les trottoirs, les petits hôtels et motels miteux. Ces jeunes filles ou jeunes hommes devenaient nos informateurs, et nous rendaient de grands services dans plusieurs de nos causes, contre ces gangs.

Pourquoi faut-il que notre société en arrive à flirter avec le bord du gouffre, avant que quelque chose se passe?

Pourquoi faut-il que notre société en arrive à flirter avec le bord du gouffre, avant que quelque chose se passe? Je sais que plusieurs travailleurs sociaux se dévouent corps et âme, mais comme pour la santé, les services sociaux sont des parents pauvres et souvent démunis face à un système de justice déficient. Il est totalement anormal que, face à deux tentatives de meurtre, un juge demande à une mère: «Si je le libère, pouvez-vous m'assurer que vous allez le contrôler». Et, que devant une réponse négative, il lui remette son fils.

Maintenant, on nous montre des émissions sur ces gangs et d'autres sur les fugueuses. C'est bien, mais si à l'époque, nous avions fait les choses correctement, certains gangs se seraient tout simplement écrasés et les fugueuses n'auraient pas été recrutées aussi facilement. Ce que coûte en argent, en vies brisées et en démarches de rattrapage, l'inaction passée, nous rebondit en pleine figure.

Oui, il y aura toujours des gangs, oui il y aura toujours des fugueurs et fugueuses.

Oui, il y aura toujours des gangs, oui il y aura toujours des fugueurs et fugueuses. Les services de police se trompent en formant des sections spécialisées. Mais, les services de police sont là pour rassurer la population. Tant que c'est gérable, le bateau va. Si d'aventure ça devient trop politique: ils lancent, une opération par programme pour un certain temps, appuyée par des statistiques, démontrant l'efficacité de ladite opération. Puis retour à la normale.

Il y a une façon de faire. Un petit groupe, tout petit groupe de gens plus que dévoués, traînant dans les métros et endroits propices, ayant des indics dans ce milieu et ailleurs. Des policiers décidés à travailler jeudi, vendredi, samedi et dimanche, de soir et de nuit.

Mais là, je rêve. Il faut concilier le travail-famille, et ça ne va pas avec mes anciennes idées. Alors, nous pouvons continuer à regarder les émissions et trembler de peur.

Avril 2018

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