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Ils ont laissé tomber Stéfanie Trudeau

Des patrons auraient dû mettre leur culotte et prendre des décisions lourdes de conséquences. Bien sur, suspendre un employé et l'envoyer chez le psy ne fait plaisir à personne. Par contre, laisser pourrir une situation tout en sachant qu'il y aura danger, c'est criminel.
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Stéfanie Trudeau, alias matricule 728, trainait depuis 2012 une sombre aura d'animal ayant la rage. Ses partenaires le savaient, ses officiers le savaient, ses officiers supérieurs le savaient. Ceux qui auraient pu intervenir ne l'ont pas fait. Le courage n'est pas l'apanage des dirigeants. Je ne vais pas défendre les gestes disgracieux de cette ex-policière, ils ne peuvent être défendus. Mais comment ne pas questionner l'entourage : ne me dites pas que personne dans ce département n'a vu ça venir.

Tout le monde a vu et revu ad nauseam les événements de 2012, où la policière Stéfanie Trudeau, la mâchoire crispée, les yeux mis clos, asperge avec emphase les gens tout autour d'elle. Déjà, nous pouvions déceler le stress, la colère, presque la rage dans ce visage fermé et dans les gestes mécaniques. Seuls les officiers, ceux qui ont la responsabilité d'aider et protéger leurs hommes, n'ont pas vu ou n'ont pas voulu voir les signes d'un dérapage psychologique.

Stéfanie était une bombe à retardement, un désastre à venir. Elle n'est pas la seule. J'ai vécu dans ce milieu pendant 32 ans. Rares ont été les officiers capables de prendre les décisions parfois impopulaires, mais nécessaires, face à une situation grave et déroutante. Nous, les flics, devions parfois régler certains cas conflictuels parce que certains officiers ne le voulaient pas. À l'époque, une relève comptait souvent plus de 20 hommes et le groupe avait un poids certain.

Les événements de la rue Papineau n'auraient jamais dû arriver. Le matricule 728 n'avait pas à reprendre du service sur la rue. Si elle avait été enceinte, elle aurait eu droit à un poste aux relations publiques ou avec la communauté et personne ne connaitrait son nom. Les officiers n'ont pas tenté de la garder hors circuit, ils sont en partie responsables de ce dérapage, mais ils ne seront pas inquiétés. En la laissant s'enliser, ils se débarrassaient d'un problème sans avoir à intervenir. La détresse psychologique n'est pas un truc bien vu chez la flicaille. On aura beau dire, avouer une faiblesse est aussi un constat d'échec. Puis, pour un officier, si jamais sa décision est contestée, il est probable que ça lui coûtera de l'avancement.

De son côté, Stéfanie Trudeau ne s'est pas aidée en refusant de croire qu'elle était en pleine crise et je crois qu'elle ne le réalise pas encore. Quand tu es dans le maelstrom, tu ne le sais pas toujours. J'ai connu des policiers qui se sont enlevé la vie par manque de soutien. Stéfanie ne s'est pas suicidée, elle a juste pété les plombs de façon dramatique. Tout le monde s'en doutait et c'est arrivé.

Des patrons auraient dû mettre leur culotte et prendre des décisions lourdes de conséquences. Bien sur, suspendre un employé et l'envoyer chez le psy ne fait plaisir à personne. Par contre, laisser pourrir une situation tout en sachant qu'il y aura danger, c'est criminel.

Stéphanie Trudeau a eu sa sentence. Certains la trouvent légère. Pas moi. Elle n'était pas seule dans ce bateau pourri, des gens devant la protéger contre elle-même ne l'ont pas fait et ils s'en tirent à bon compte, comme toujours. Ne sommes-nous pas au pays de l'indécision?

Puisses-tu panser tes plaies, Stéfanie Trudeau.

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Matricule 728 pour les nuls..

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