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Noël, ou faire plaisir à une vieille dame

Un joli sourire d'une dame âgée le jour de Noël, ça vaut quand même de l'or.
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baona via Getty Images

17 décembre 1986.

Notre Dame de Grâce, poste 15.

Nous étions en pleine période de Noël et comme d'habitude, tous les groupes étaient mélangés. Les plus vieux ayant préséance ont congé et nous les jeunes, on espère y arriver un jour. Ce n'est pas que je sois si jeune, mais en tant qu'enquêteur, je suis un des derniers arrivés et celui qui a le moins d'ancienneté. Alors, ça fluctue entre soir et nuit, pendant plus de trois semaines.

Nous étions à dix jours des fêtes et comme d'habitude, mon bureau était submergé de plaintes. Je ne me doutais pas en voyant entrer le constable Nick Sobol, que j'allais avoir du travail supplémentaire pour les dix jours à venir.

Nick, un bonhomme de plus de six pieds et quatre, pesant trois cents livres, est un ordinateur ambulant. À ce moment, je ne le sais pas encore, ce monstre deviendra un compagnon incroyable dans presque toutes mes aventures policières.

- Salut sergent... J'ai du travail pour toi.

- T'as vu le tas...

Sans même relever ma réplique, Nick me parle immédiatement d'un jeune homme, qui avec un ou deux amis, aurait commis une jolie série de vols par effraction.

-Tu sais ça comment?

-C'est la mère qui m'en a parlé, elle veut qu'il se fasse arrêter.

J'en suis étonné. Bon, comme on est au début du quart de travail, je sens que la nuit sera longue. Donc, le temps d'assimiler le tout, partir avec Nick, réveiller et causer à notre charmant voleur. Toujours assis dans son lit, il m'apprend rapidement où vont tous les objets volés. Et des vols, ils en ont fait ces petits chenapans.

Il est quand même plus de trois heures du matin, quand je vogue en direction d'un juge pour obtenir un mandat de perquisition. Le pauvre n'est pas très heureux que je le sorte de son lit bien chaud, mais comme il est de garde.

Maintenant, vers cinq heures du matin, me voici en compagnie de Nick et deux autres constables, chez Harvey C. le receleur de la rue Walkley. Le pauvre Harvey en est déculotté. La perquisition se fait rondement, même que nous retraçons sous l'arbre de Noël, un tas de cadeaux emballés toujours au nom des victimes. Nous y trouvons aussi quelques appareils électriques et un système de son. Totalement anéanti, Harvey se retrouve assis au poste, devant un enquêteur qu'il ne connait pas. Bien sûr, il ne comprend pas pourquoi ni comment ces objets étaient chez lui. Finalement, il blâme sa femme.

Nous aurions pu arrêter là, mais en fouillant dans un tas de plaintes, je me mis à visualiser la maison d'Harvey. Sans trop le savoir, nous y avions laissé plusieurs objets. Alors après une conversation d'affaire avec Harvey, il fut convenu qu'il me les ramènerait.

La semaine qui suivit fut fertile en rebondissements. Harvey revint avec deux télés qu'il avait vendues, trois manteaux de fourrure pour lesquels il avait dû menacer les acheteurs et quelques montres que nous avions manquées. Il faut dire que même avant la perquisition, l'appartement ressemblait plus à une zone de guerre qu'à une zone habitable.

Le 24 au matin, presque tout était terminé. Harvey venait de ramener les derniers vestiges des méfaits, quand une des victimes, une dame de 76 ans, me demande si par hasard, nous n'aurions pas ramassé une petite bague en or.

-C'était la bague de ma mère, le seul souvenir qui me reste.

J'appelai donc Harvey. Le pauvre en pleurait presque. Pas qu'il ait de la peine pour la dame, mais sans trop me le dire, je comprenais qu'il devrait affronter un autre membre de la famille, pour récupérer le bijou.

-Tu veux que je meure?

-Non, mais comme c'est toi qui es dans la merde...

Ce n'est que dans l'après-midi du 25, qu'il revint à mon bureau, tout sourire et fier de son coup.

-Regarde ce que j'ai trouvé.

Harvey avait finalement la bague, il s'était débattu comme un diable, en fait il s'était même un peu battu, pour récupérer le bijou. Il y aurait un froid cette année chez les Caine.

-Je viens ici si souvent, je crois que je pourrais devenir flic!

-Ouais, tu pourrais.

Cette boutade le fit bien rire. J'amenai mon nouvel ami jusqu'à la chambre des effets et comme il restait deux bouteilles d'alcool non réclamées.

-Tiens, elles doivent être à toi.

Il avait fait du bon travail et comme il connaissait tout le monde, il me serait utile plus tard. Il faut savoir ménager les gens.

C'est finalement Nick qui ira porter le bijou. Il avait quand même fait tout le travail. Et un joli sourire d'une dame âgée le jour de Noël, ça vaut quand même de l'or.

Avril 2018

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