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Deux policiers et une sentence

Quand un homme meurt lors d'une intervention policière, votre vie change. La grosse machine se met en marche : coroner, enquête criminelle, déontologie, cour civile, groupes de pression, causes civiles. Tout le monde a une idée ou une vision de ce qui aurait dû être fait.
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Il est possible que je ne me fasse pas beaucoup d'amis avec cette chronique, mais je crois devoir remettre les pendules à l'heure. Je dois dire immédiatement que je connais personnellement les policiers Giovanni Stante et Sylvain Fouquette, j'ai travaillé au même poste qu'eux et dans mon livre, ce sont de bons flics. Dans les années 80/90, un policier du centre-ville faisait face en moyenne à cinq ou six bagarres par semaine et même, quelques fois, à trois ou quatre dans la même soirée. C'était dans l'air du temps. Nous n'avions pas ou peu de poivre de Cayenne, pas de veste ou très peu, le bâton télescopique était encore un rêve et l'arme de service ne sortait de l'étui qu'en tout dernier recours.

Quand un homme meurt lors d'une intervention policière, votre vie change. La grosse machine se met en marche : coroner, enquête criminelle, déontologie, cour civile, groupes de pression, causes civiles. Tout le monde a une idée ou une vision de ce qui aurait dû être fait. C'est normal, moi même je regarde, constate et me pose des questions, sans toujours avoir l'entièreté des faits.

Revenons en arrière : le 5 septembre 1999, les policiers sont appelés par des citoyens pour un homme qui fait du grabuge dans un bar. À son arrivée, Giovanni Stante est frappé par l'agresseur, le policier réplique avec ses poings. Puis lors de l'arrestation, l'homme est amené à l'hôpital et, selon la cour, les policiers n'auraient pas mentionné qu'ils ont frappé le suspect au visage. Possible, mais alors pourquoi vont-ils à l'hôpital ? Des coups de poing, ça laisse habituellement quelques rougeurs.

À la fin de l'enquête, la déontologie ne blâme pas les policiers pour la bagarre, mais pour une certaine négligence et insouciance à l'hôpital. La question que je me pose : à l'hôpital quelqu'un a-t-il demandé ce qui était arrivé ou pourquoi on l'hospitalisait ? La négligence, si négligence il y a eu, pouvait-elle être un petit peu partagée ?

Jean-Pierre Lizotte, un sans-abri, est mort d'une pneumonie le 16 octobre 1999. Il semblerait que cette bagarre du 5 septembre ait pu influencer son combat contre l'infection. Autre question que je me pose : cette pneumonie peut-elle avoir été causée par une bactérie et qu'un SDF soit par définition une personne un tout petit peu à risque ?

Ceci m'amène à vous raconter deux petites histoires.

Il y a fort longtemps, en 1973, j'ai dû me bagarrer avec un itinérant dans la trentaine. Un gars assez fort qui saignait de deux doigts. Dans cette bagarre, j'ai dû lui faire une clé de bras qui lui fractura la clavicule. Pas une plainte de l'homme, mais comme à mon arrivée, il saignait déjà, je l'avais transporté à l'hôpital.

Une année plus tard, la déontologie venait faire enquête. Pourquoi ne pas avoir marqué sur votre rapport la clé de bras ? Question bête... Par chance, j'avais dit à l'infirmière que j'avais dû le maîtriser. Les hommes de la déonto feront l'impossible pour trouver une accusation à porter, mais finalement, ils durent se résigner à ne pas m'accuser.

En 1981, à la Ronde, un homme ivre dérange les gens. Il reçoit un coup d'un citoyen et se ramasse par terre. À notre arrivée, l'homme est debout et continue à argumenter en nous insultant. Nous allions le sortir du site quand un ami de bonne taille le ramasse, le met sur ses épaules et quitte l'endroit. Le travail est fait ! Non, pas du tout... La déontologie s'en empare et suite à tout ça, je serai déclaré coupable de ne pas avoir rédigé un rapport qui aurait été libellé comme suit : homme inconnu, blessure inconnue, refuse les soins. Ils avaient trouvé cette faille.

Je n'avais pas pu m'empêcher de répliquer au président du tribunal : « Ne trouvez-vous pas que nous sommes gérés par des imbéciles ? »

Dix-huit ans plus tard, avec de nouvelles méthodes, les policiers deviennent, semble-t-il, plus « humains ». Ils suivent des cours à l'école de police de Nicolet, puis avec des travailleurs de rues. Ouais, on ne sert plus de ses bras, ce n'est pas joli. On fait du judo mental, on négocie, on déplace les gens, on met des rubans jaunes. Pourtant, il ne s'est jamais fait tirer autant de personnes que ces dix dernières années.

Giovanni Stante et son partenaire sont maintenant en fin de carrière. On n'a plus entendu parler d'eux depuis ces événements. Plusieurs citoyens auraient aimé être servis par ces deux policiers, mais ils sont malheureusement devenus pestiférés et viennent d'écoper de 25 jours de suspension... 18 ans après les faits. Ceci me rappelle ce scandale énorme ; vous vous souvenez de ce policier qui fait de grosses menaces : « Je vais t'attacher à un poteau ». Ce mot lui aura coûté plus de 30 000 $ et sûrement une démotivation sans nom. Bonne chance les flics.

« Support your local police ».

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Mai 2017

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