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Un gardien d'enfant pas commode

La dame nous parle de son voisin qui garde un enfant de deux ans, une petite fille. La petite ne cesse de pleurer et elle entend régulièrement le bonhomme crier et frapper l'enfant.
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1976.

- Hey monsieur, le gars là- bas, il a un couteau.

L'après- midi commence bien. Un jeune complètement défoncé erre sans but, un couteau à la main. Marcel jette un coup d'œil de mon côté... La tactique ? Il n'y en a pas.

- Tu es prêt?

Nous fonçons au pas de course vers le jeune et d'un coup de bâton bien placé, Marcel lui fait échapper l'arme. Bon, ça fait mal un peu, mais c'est plus sûr comme approche. On ne va quand même pas discuter pendant des heures, je ne suis pas certain qu'il soit en état de comprendre. Le couteau ramassé, le jeune est bon pour l'hôpital St-Luc. Pas qu'il soit blessé, mais mentalement, il a besoin de voir quelqu'un. Ce n'est pas dans une cellule que ça va arriver.

- On va souper ?

- Déjà ?

Vieille stratégie, on va se chercher quelque chose avant le gros des appels. Dans une heure, ce sera trop tard et comme manger froid, c'est aussi partie intégrante de la vie de flic, alors, prévoyons un peu.

Marcel a déjà un pied dans la porte du resto quand un appel vient tout foutre en l'air. Un appel d'enfant maltraité. Adieu le resto et bonjour la rue Panet. Nous y sommes en quelques secondes. Arrivés sur les lieux, une dame d'un certain âge, l'air inquiet, nous attend dans l'escalier de son logis.

- J'aime pas ben ben stooler à la police, mais là, il faut que je le dise à quelqu'un.

La dame nous parle de son voisin qui garde un enfant de deux ans, une petite fille. La petite ne cesse de pleurer et elle entend régulièrement le bonhomme crier et frapper l'enfant. Ouais, pas tellement sympathique comme client. Surtout qu'on entend très bien la petite pleurer à fendre l'âme.

- Sa mère à la petite est pute sur St-Laurent, pis lui, il prend un coup.

Nous grimpons rapidement les marches extérieures menant à l'appartement et je frappe. Pas de réponse, je frappe à nouveau et un peu plus haut, une fenêtre s'ouvre à ma droite.

- Qu'est ce que tu veux, toé ?

- Ben moi, je suis une police et j'aimerais que tu ouvres la porte.

- Va chier.

Je me recule un peu pour qu'il me voit bien.

- Tu ouvres ?

- Si tu décrisses pas, j'ai un fusil et j'te tire mon ostie.

Je regarde Marcel qui a déjà sorti son arme, on ne sait jamais. Bon, il faut un plan.

- On fonce ?

Marcel me fait signe que oui, c'est un bon plan ! On ne va pas y passer la soirée, on a faim tout de même. Quelques coups de pied bien placés et la porte cède. Je grimpe les marches à toute vitesse. À mon arrivée en haut, la porte s'ouvre avec fracas. Devant moi se dresse le bonhomme, armé d'un énorme couteau de boucher.

- Shit... Pas un autre !

Hé oui, un autre avec un couteau. Mais celui-ci est énorme et semble passablement bien affûté. Pas beaucoup de place pour le contourner, va falloir faire face.

- Avance pas le chien, j'te l'ai dit

- On peut parler ?

- Non dehors tous les deux.

- Ok Marcel, on redescend.

L'homme dirige son regard vers Marcel pour un court instant. C'est l'erreur que j'attendais. J'agrippe son poignet à deux mains et tire fortement. Le pauvre file vers le bas, cul par-dessus tête. Le couteau se plante dans les marches et lui se ramasse bien assommé dans ce qui reste de la porte.

- Désolé...

Marcel ramasse l'arme, menotte le matamore et demande l'ambulance. Nous pénétrons dans un cloaque indescriptible. Tout empeste ici. Plus loin, la petite est dans un lit d'enfant, tout visqueux et crotté. Elle a de la merde jusqu'aux oreilles et un œil tuméfié. La pauvre a tellement peur de nous. C'est Julien, mon brave Julien de l'ambulance de police qui devait s'occuper du bonhomme, mais, il finit par s'occuper de la petite. Il est là comme une fée à rassurer l'enfant qui, pour l'heure, cesse de pleurer et se laisse débarbouiller un peu.

- Criss de cochon !

Il est rare d'entendre Julien sacrer, mais là, je crois que l'on vient de toucher une corde sensible. C'est lui qui fera finalement tous les arrangements avec les services sociaux. Nous, on va s'occuper du gardien. Bien sûr, nous passons à St-Luc avant de le ramener au poste.

- La calice de chienne a fourre avec tout le monde, pis moé, je garde sa bâtarde. J'peux même pas la fourrer moé !

Marcel le regarde avec dégoût. Nous avons tous les deux des enfants et à regarder notre air, il aurait intérêt à la boucler.

- Pis c'est une lesbienne...

Je m'approche soudainement très près, mais très près de lui.

- Tu veux un conseil, fermes ta gueule.

Je crois qu'il vient de comprendre qu'il n'avait pas d'amis ici, et ce, même parmi le personnel. Julien est passé par là. Le reste se fait en silence et même au poste, le bonhomme répond aux questions, sans rien ajouter. Comme je me rends vers la machine à café, Marcel me fait signe d'activer la manœuvre.

- Un appel !

Nous avons droit à une belle bagarre au chic bar Le Rialto, la sixième du mois. La soirée ne fait que commencer.

Pour la petite? Les services sociaux l'ont remise à la mère, elle est apte ! Oui, oui... Apte, que dire de plus?

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