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Dans le tiroir de gauche

Au fil de mes années de travailleur, vers l'âge de 16-17 ans, j'ai donc naturellement milité au sein du syndicat tout en gardant en tête une idée qui ne m'a jamais quitté depuis : si les syndicats n'existaient pas, les travailleurs vivraient encore aujourd'hui dans des conditions outrageusement précaires et dangereuses.
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Je devais avoir une douzaine d'années lorsque j'ai choisi le camp qui me convenait le mieux. Bien sûr, c'était manichéen, mais l'enjeu était lui-même binaire : Noirs vs Blancs. Adaptée du célèbre roman Roots d'Alex Haley (1976), la télésérie Racines racontait la saga familiale d'un villageois gambien parti chercher du bois en forêt pour fabriquer un tambour et capturé pour devenir esclave au pays de l'Oncle Sam.

Ma vision du monde n'allait pas changer, bien au contraire, en découvrant les chansons engagées de Renaud, Ferré, Desjardins et consorts, quelques années plus tard. Sans parler de certaines lectures « subversives ».

Au fil de mes années de travailleur, vers l'âge de 16-17 ans, j'ai donc naturellement milité au sein du syndicat tout en gardant en tête une idée qui ne m'a jamais quitté depuis : si les syndicats n'existaient pas, les travailleurs vivraient encore aujourd'hui dans des conditions outrageusement précaires et dangereuses.

Du coup, je découvrais, sourire narquois, que même les gens qui étaient idéologiquement contre les « unions », pensant la plupart du temps en leur for intérieur devenir un jour des patrons prospères, en profitaient largement.

Je ne peux m'empêcher de penser à cet ancien foreman du stationnement, fervent anti-syndicaliste qui se voyait en PDG de la Place des Arts, devenu plus tard chauffeur privé.

Car en attendant d'atteindre ce qui n'adviendrait probablement jamais ailleurs que dans leurs fantasmes encouragés par le rêve américain, les conditions de travail de ces « pelleteux de nuages » s'avèrent décentes parce que tirées vers la haut grâce aux luttes des syndicalistes qu'ils abhorrent pourtant.

Génération X

Mais comme je fais aussi partie de la Génération X, je suis bien placé pour savoir à quel point le corporatisme de certaines organisations syndicales s'avère parfois aussi véreux que peut l'être le capitalisme sauvage.

On n'a qu'à penser, à titre d'exemple, à cette crapoteuse clause orphelin adoptée jadis par un syndicat d'employés de la Ville de Montréal qui entérinait le principe de conventions collectives à deux vitesses : une avantageuse pour les plus anciens et une autre, dépouillée de plusieurs avantages, pour les plus jeunes.

Un ami devenu professeur au collégial a d'ailleurs a dû affronter l'acharnement obstiné de vieux professeurs qui s'accrochaient à leurs privilèges en repoussant constamment le moment de la retraite, l'heure venue. Ces « collègues », convaincus de la préséance de leurs droits seigneuriaux, l'ont empêché pendant de longues années d'obtenir l'emploi permanent qu'il détient enfin aujourd'hui. Je crois qu'il s'en eut fallu de peu à l'époque, frustration oblige, pour que l'ami en question, rouge tendance foncée, ne se laisse séduire par le discours de l'ADQ. Celle de l'historique campagne de 2007 à l'issue de laquelle Mario Dumont a failli devenir premier ministre.

Parce que, tout en partageant le discours dénonciateur des corporatismes boomers, l'ami ne pouvait en toute conscience adhérer, ne serait-ce qu'à une parcelle, du discours « xénophobie soft » auquel carburait aussi la vague adéquiste.

Les anarchistes?

C'est alors que je me mis à repenser à ce photographe anar rencontré un jour dans le port de Marseille qui, entre deux coupes de rouge, me racontait les vertus de l'anarcho-syndicalisme. Une vieille tradition européenne dont le nom a peu de résonnance ici. Parmi lesdites vertus : un fonctionnement du bas vers le haut, plutôt que l'inverse qui empêche le despotisme des individus et, notamment, une séparation nette entre les porte-parole officiels, mandatés par les militants, et l'équipe de négociation des conditions de travail.

Ce qui fait en sorte, grosso modo, que de présumés leaders syndicaux ne sauraient se faire acheter par des patrons puisqu'ils n'interviennent pas dans le processus de la négociation.

Eh oui!, comme c'est le cas avec la CLASSE et sa démocratie directe!

Oui, elle est parfois éprouvante. Oui, ça peut devenir lassant d'accorder la liberté de parole, à tour de rôle, aux hommes et aux femmes lors des assemblées. Mais le progrès social et l'avancement des conditions de vie demandent des efforts.

Or, oui cela peut aussi, parfois, entrainer des situations loufoques comme cette condamnation de certains humoristes qui ont pris part au spectacle de la CHI (coalition des humoristes indignés), mais cela demeure révocable.

Et de loin préférable à ces assemblées où, tels des zombies, les militants, qui votent à main levée dans les congrès, suivent aveuglément la parole sacrée du chef, grand commandeur des croyants...

Et, surtout, la démocratie directe, appliquée aux groupes sociaux (on ne parle pas ici des États) demeure beaucoup plus en phase avec les idéaux humanistes que ne le seront jamais les organisations syndicales affligées de la gangrène corporatiste ou les partis politiques tentés par la xénophobie populiste.

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