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Mes filles, ces bâtardes

J'ai réfléchi longuement, je voulais changer ce titre qui était venu spontanément à moi en pensant à cet article. J'ai voulu le rendre politiquement correct, car «mes filles, ces bâtardes» ça ne se dit pas.
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J'ai réfléchi longuement, je voulais changer ce titre qui était venu spontanément à moi en pensant à cet article. J'ai voulu le rendre politiquement correct, car «mes filles, ces bâtardes» ça ne se dit pas.

Mais non, aucun autre titre n'est assez fort pour imager mes mots. J'ai 3 sœurs et d'aussi loin que je me souvienne j'entendais souvent les gens dire à mon père «4 filles, bon courage...» Vraiment la même rengaine, on rigole, on se tape dans le dos. C'est mon souvenir.

Est-ce que le sous-entendu était : si tu avais des garçons cela serait plus simple? Je ne sais pas, je vais laisser le bénéfice du doute à ces gens.

Et puis, des années plus tard, je tombe enceinte. Chéri rêve d'un garçon et il a le droit, mais si c'est une fille c'est chouette aussi.

Dans mes rêves et mon imaginaire, je vois deux filles depuis très longtemps.

À ce moment-là, j'avoue j'aimerais beaucoup une fille... ou un garçon en fait, je veux mon bébé et que tout aille bien, le reste c'est fantaisie. Et puis tout commence. Ma première échographie est formelle :

C'est une fille qui se cache au creux de mon ventre et, surtout, elle va bien. La vie est belle.

"Oh mince pas trop dégouté?"

"Bon ben faudra remettre ça alors"

"Faudra faire un deuxième"

"Tant pis la prochaine fois"

Apogée de la connerie humaine, ma fille pas encore née, ma fille que j'aime tant, ne suffit pas.

Mon sang bouillonne entre deux «C'est pas grave» et je ne comprends pas! Pas encore là et déjà relayé à... je ne sais même pas à quoi d'ailleurs.

Si une bâtarde...

Nous sommes revenus des siècles en arrière : il y a la descendance mâle et il y a le reste... En tout cas pour certains.

A la naissance évidement, cicatrice d' épisiotomie encore fraîche, même pas sortie de la maternité, les réflexions recommencent «C'est pour quand le deuxième» j'en passe et des pires. Je suis choquée, un peu j'aurais compris, mais les mots sont trop forts.

Deuxième grossesse : identique :

"Oh non c'est pas vrai pas de chance"

"Bon ben tu es bon pour en refaire un autre"

"Mon pauvre bon courage"

Évidemment, dans ces cas-là, on s'adresse à l'homme avec le regard désolé en bonus. C'est cadeau.

Je ne suis même plus capable de répondre à tant de conneries et de bêtises. À peine cette deuxième petite fille a-t-elle fait son entrée dans la vie qu'elle est déjà aussi du passé. Pourquoi?

Pourquoi dommage? Pourquoi désolé?

Pourquoi, je ne comprends pas ce degré de bêtise.

Vous savez je ne suis pas bête, un petit garçon aurait fait notre bonheur, deux aussi. Évidemment, on y pense après la fille le garçon pourquoi pas, le fameux choix du roi. C'est une réaction qui, quand elle est mesurée est normale.

Je la comprends, ne vous inquiétez pas .Il y a aussi eu les sympa avec des mots dosés «oh bravo c'est chouette une tribu de filles, un papa comblé» etc. Évidemment, je ne suis pas bête, pour le deuxième enfant, on s'interroge si c'est une fille en premier, on se demande si ce sera un garçon et vice-versa.

Pour connaître le bonheur et la différence d'élever une fille et un garçon. Et il y en a qui rêvent secrètement à des filles, ou à des garçons : mais on veut tous la même chose. Que tout aille bien. Je mentirais si je disais que je ne me suis pas demandé à quoi ressemblerait un mini-nous version garçon...

Toutefois, nous sommes d'accord il y a l'art et la manière.

Comme si elles étaient un «en attendant», «à défaut de» : préliminaire à l'arrivée du sexe fort?

Je suis aujourd'hui comme un pitbull quand j'entends ces mots bruts et sans cœur, mon chéri ne prend même plus la peine de relever, il aurait aimé un garçon aussi, il n'a pas à s'en cacher, mais ses filles sont là, ils les aiment et lui non plus ne comprend plus cette bêtise absolue.

Alors voilà, pourquoi ce fameux titre, celui qui illustre le mieux la situation, celui qui choque, celui qui m'est venu quand je repense à toutes ces phrases, à mes yeux ronds en entendant ces horreurs, ma bouche ouverte de surprise.

C'est bien, j'ai trouvé le titre, mais je ne comprends toujours pas...

Édit : je remercie les mamans de fratries de garçons et les autres d'ailleurs, enfin toutes les gentilles personnes qui ont échangé de manière bienveillante avec moi! En fait ce n'est pas rassurant, mais avec les garçons c'est pareil. Les gens sont juste bêtes, en fait? Merci à tous pour vos retours qui me touchent!

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