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J'avais besoin de 80 km de distance pour éviter l'épuisement parental

Je me suis souvenue de ce conseil que l'on te donne quand tu as un nouveau né. Si vous sentez que vous n'y arrivez plus, que vous êtes sur le point de craquer, posez votre bébé dans son lit, laissez-le pleurer quelques instants et allez souffler pour reprendre vos esprits.
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Je me suis souvenue de ce conseil que l'on te donne quand tu as un nouveau né: si vous sentez que vous n'y arrivez plus, que vous êtes sur le point de craquer, posez votre bébé dans son lit, laissez-le pleurer quelques instants et allez souffler vous calmer un peu, bref reprendre vos esprits. Cela pour évitera que la fatigue, l'épuisement même, puisse prendre le dessus.

Je me suis souvenue de ça, il était 17h30, je rentrais d'un rendez-vous et j'avais mes deux petites filles dans la voiture, j'ai appelé leur père et je lui ai expliqué que j'allais rentrer, poser les filles et repartir faire un tour.

C'était vital.

C'est ce que j'ai fait. J'ai pris ma voiture et je suis partie reprendre mes esprits. Pas pour rouler vite, ni passer ma colère. J'ai juste fui, n'ayons pas peur des mots. J'ai fui la colère qui allait jaillir de moi et les réactions qui auraient pu en découler, pas faire mal physiquement mais blesser avec mes mots s'ils avaient explosé.

5 kilomètres

Je me suis repassé le film de ma journée et j'ai fait le calcul: une petite fille de 22 mois qui pleure, chouine et hurle depuis 7h du matin, si on enlève l'heure et des brouettes de sieste: c'est 9 heures de cris. Je ne parle pas de quelques cris. Je parle d'un cri de colère d'un bébé qui souffre des changements du moment et vous les fait payer comme il le peut, un seul et même cri qui dure pendant des heures. 9 heures à tout faire d'un bras, neuf heures à osciller entre l'amour qu'il fallait lui porter pour l'apaiser, à essayer différentes méthodes (la compréhension, la douceur, la fermeté, le dialogue...), l'épuisement des quelques 5 heures de sommeil de la nuit précédente et l'épuisement ne plus savoir quoi faire. Et la colère de ne pas y arriver.

10 kilomètres

Pour sortir les larmes: suis-je la plus malheureuse? Suis-je à plaindre? Non, j'ai deux enfants en parfaite santé et tout ce dont j'ai besoin alors je me sens d'autant plus bête et faible.

15 kilomètres

Ça fait quand même du bien ce silence, cette possibilité de faire quelque chose seule, rassembler mes esprits, mais c'est aussi difficile d'avoir le temps de culpabiliser; la liste est longue: être partie, avoir pleuré, avoir craqué, avoir loupé quelque chose, ne pas avoir su, ma fille si difficile...

20 kilomètres

Et je m'en veux: 40 minutes dans une salle d'attente. 40 minutes de cris, de pleurs et de roulades au sol; juste parce qu'elle est à bout et que non, je ne veux pas qu'elle jette tout partout. Mais le plus dur, c'est le regard des autres: non ma fille n'est pas mal élevée, non elle n'est pas un monstre mais aujourd'hui comme beaucoup d'autres jours en ce moment, c'est difficile. Ces fameux jours sans où elle pleure tant. 20 kilomètres pour admettre que c'est dur. Finalement, ça valait peut-être le coup 20 kilomètres pour me l'avouer encore: c'est souvent comme ça.

30 kilomètres

Et je me demande encore ce que j'ai loupé, ce que j'aurais pu mieux faire, pourquoi et comment. 30 kilomètres et je me dis que c'est juste un jour sans et qu'aujourd'hui j'ai peut-être le droit moi aussi de craquer, moi aussi d'en avoir marre. Dans le monde des parents, il n'existe pas vraiment de paliers: il y a les enfants sages et il y a les autres et personne n'a envie d'admettre devant quelqu'un qui se vante d'élever un petit ange, que oui c'est dur mais que parfois ça va aussi. Parfois ça va, ça compte aussi. Je ne dois pas être la seule.

40 kilomètres

Et je ne suis plus en colère: il est temps de faire demi-tour. Pas moins triste mais je m'espère normale. Ma fille n'est pas facile tous les jours, c'est tellement dur de le dire. Tellement dur de l'admettre mais c'est vrai et pourtant elle est chouette, et pourtant je l'aime, et pourtant parfois ça va. Mais aujourd'hui, ça n'allait pas, pas du tout. Allez savoir pourquoi il y a des jours où on encaisse tout et parfois non.

50 kilomètres

Et je suis en sens inverse, je sens que j'en avais besoin, c'est tout bête mais il fallait ça, un sas.

60 kilomètres

Et je voudrais être chez moi.

70 kilomètres

Et je le sais maintenant je vais culpabiliser: faible? Raisonnable? Où est la frontière? Je ne sais pas si j'ai bien fait mais je me sens mieux.

80 kilomètres

Je suis chez moi et j'ai honte mais je ne pleure plus, je n'ai plus envie d'exploser. Je suis apaisée. Je vais même aller les embrasser.

Il m'aura fallu 80 kilomètres pour l'admettre mais aujourd'hui fut une dure journée. Ça ne se fait pas de dire ça quand on a tout, il ne faut pas le dire tout fort. Mais parfois, être parent c'est dur.

80 kilomètres ça ne remet pas l'amour en cause , bien au contraire.

Ce billet est également publié sur le blog Dans Ma Bulle.

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