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Mariage gai : le débat qui n'a pas lieu d'être

Sur son, Lise Ravary explique pourquoi, selon elle, le mariage homosexuel est sujet à débat, particulièrement en France depuis quelques semaines. Bien qu'elle pose certaines questions légitimes et intéressantes, notamment en ce qui concerne la composition d'une famille idéale pour un enfant, je crois qu'elle est dans l'erreur sur plusieurs aspects.
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Mom Smiling at Baby Over Playpen Railing. Horizontally framed shot.
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Mom Smiling at Baby Over Playpen Railing. Horizontally framed shot.

Sur son blogue du Journal de Montréal, Lise Ravary explique pourquoi, selon elle, le mariage homosexuel est sujet à débat, particulièrement en France depuis quelques semaines. Bien qu'elle pose certaines questions légitimes et intéressantes, notamment en ce qui concerne la composition d'une famille idéale pour un enfant, je crois qu'elle est dans l'erreur sur plusieurs aspects.

D'après Ravary, le mariage est plus qu'un simple contrat. Il s'agirait de « [...] la pierre angulaire de la famille [ !], elle-même la pierre angulaire de toutes les sociétés humaines. » Elle va même jusqu'à affirmer qu'il « encadre la reproduction humaine ». Analysons un peu les implications logiques de ce type de discours. Si le mariage est réellement la « pierre angulaire » (i.e. le fondement) de la famille, alors aucune famille n'existe réellement en-dehors du mariage. Si Sophie et Georges, un couple hétérosexuel standard, décident d'avoir un enfant sans s'être mariés au préalable, la définition de Ravary implique qu'ils ne formeront pas réellement une famille. Pourtant, je crois qu'il est communément admis que certains types de famille existent en dehors du mariage (l'exemple que j'ai donné précédemment est habituellement reconnu comme tel). Mais dans tous les cas, il n'y a rien de mal à avoir une définition du mariage hors du commun: il s'agit de son droit le plus strict, tant et aussi longtemps qu'elle ne l'impose pas aux autres.

Plus loin, elle explique que « [les Québécois] ont jugé inutile de discuter des ramifications de donner aux personnes de même sexe le droit de se marier. Ramifications qui incluent une redéfinition radicale du lien biologique parents-enfants ». Ici, elle est clairement dans l'erreur. Ne pas interdire à deux individus de même sexe de se marier n'implique en aucun cas que, magiquement, deux hommes ou deux femmes pourront se reproduire et avoir tous deux un « lien biologique parents-enfants ». Aucune redéfinition au sujet du lien biologique n'est à faire. Malgré la possibilité pour deux partenaires de même sexe de contractualiser une relation qu'ils choisissent d'appeler « mariage », le père biologique d'un enfant demeurera l'homme qui a contribué à ce que l'un de ses spermatozoïdes rencontre l'un des ovules de la mère biologique de l'enfant. Mais supposons, pour étudier l'énoncé de Ravary dans son essence-même, que demain matin, une technologie permette à deux individus de même sexe d'être les parents biologiques d'un enfant. En quoi le mariage homosexuel change-t-il quoi que ce soit ? Le mariage n'implique pas nécessairement la reproduction, comme semble le suggérer Lise Ravary. Il existe par ailleurs de nombreux couples hétérosexuels mariés qui choisissent de ne pas avoir d'enfants. La redéfinition du lien biologique entraînerait donc un questionnement sur l'homoparentalité et non sur le mariage en soi. On pourrait donc se demander s'il vaut mieux pour un enfant de ne pas exister du tout ou de naître dans une famille atypique, mais il n'y a aucun lien à faire avec l'interdiction ou non du mariage homosexuel.

Revenons à la réalité d'aujourd'hui. Lise Ravary affirme : « Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'une famille homoparentale adopte. Le lien biologique n'est pas anéanti par la disparation de la relation entre l'enfant et ses géniteurs. Il sait qu'un homme et une femme lui ont donné la vie même s'il ne les connaîtra peut-être jamais. » Je suis bien content qu'elle reconnaisse que le lien biologique n'est pas affecté entre l'enfant et ses géniteurs dans le cas de l'adoption. Mais il en va de même pour la conception d'un enfant par une méthode « non-naturelle ». Les enfants conçus de manière « non-naturelle » seraient-ils moins intelligents que les autres ? Pourquoi ne comprendraient-ils pas qu'ils ont, comme tout le monde, été conçus à partir d'un ovule et d'un spermatozoïde ? Ce n'est pas parce que la méthode de conception diffère que les éléments naturels intrinsèques à la fécondation disparaissent. D'ailleurs, bien des couples hétérosexuels font appel à une autre méthode que la fécondation par accouplement direct pour différentes raisons. Même si ce n'est pas la norme dans le cas des couples hétérosexuels, pourquoi serait-il acceptable pour ceux-ci d'avoir recours à une méthode atypique pour avoir un enfant, mais inacceptable pour les autres ? Ici, Lise Ravary semble être avare d'explications supplémentaires.

D'autre part, Ravary affirme : « Un enfant a le droit de savoir qu'il a un père et une mère, même quand la rencontre s'avère impossible. Son épanouissement et son équilibre affectif reposent en grande partie sur ses origines et sur l'identité qui en découle. » Ce qu'elle dit est peut-être vrai : je suis loin d'être expert en psychologie de l'enfance. Cependant, ce dont je suis sûr à peu près à 100%, c'est que la totalité des enfants finissent un jour ou l'autre par être au courant qu'ils ont un père et une mère biologiques. Habituellement, les parents d'enfants adoptés l'expliquent à leurs enfants (surtout s'ils sont de même sexe puisque cette différence engendre normalement des questionnements de la part des enfants). Et même dans le cas où les parents ne l'expliquent pas, les enfants ont généralement des amis, de la famille, des enseignants, des voisins, des moteurs de recherche et des livres à leur disposition qui, un jour ou l'autre, leur expliqueront le fonctionnement biologique de la reproduction. Alors à moins qu'un enfant soit isolé du reste du monde, les probabilités qu'il ignore le fait qu'il a une mère et un père biologiques sont proches de zéro.

En somme, je crois que les arguments de Lise Ravary pour rouvrir la discussion sur l'interdiction ou non du mariage homosexuel ne sont pas pertinents. La plupart de ses arguments se concentrent d'ailleurs sur l'adoption par des couples de même sexe et non pas sur le mariage en soi. À mon avis, il n'y a aucun débat à avoir sur la possibilité ou non pour des adultes consentants de contractualiser leurs rapports selon les conditions qu'ils désirent. Qu'ils appellent ce contrat « mariage » ou n'importe quoi d'autre n'a aucune importance. La définition du mariage de Lise Ravary peut très bien n'inclure que l'union entre un homme et une femme. Cependant, il ne faudrait pas que l'on implante de façon coercitive une mesure afin qu'une définition arbitraire du mariage soit respectée par tout le monde. L'État ne devrait pas pouvoir s'ingérer dans les associations volontaires entre individus libres. Il faudrait privatiser le mariage plutôt que contraindre par la force de la loi quiconque à accepter une définition qui ne lui convient pas, car, après tout, le mariage n'est-il pas d'abord et avant tout une décision personnelle ?

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