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Accord de libre-échange Canada-Europe: comprendre l'enjeu

Le gouvernement de la Wallonie s'oppose à la ratification de l'Accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada. La question de fond que pose Paul Magnette et son gouvernement est de savoir quelle juridiction devrait trancher un différend entre un État et une multinationale.
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Le gouvernement de Wallonie s'oppose à la ratification de l'Accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada en l'état. Plus spécifiquement, il s'inquiète des conséquences éventuelles qu'impliquerait le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États prévu au titre du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement). La question de fond que pose Paul Magnette est de savoir quelle juridiction devrait trancher un différend entre un État et une multinationale. À qui devrait incomber cette tache? Est-ce aux tribunaux nationaux à l'intérieur d'une souveraineté étatique ou (comme c'est le cas au titre du CETA) aux mécanismes d'arbitrage qui consacrent une justice privatisée «offshore», c'est-à-dire extérieure à la conception classique de la souveraineté des États?

Quatre choses retiennent mon attention.

1) La question... et la posture wallonne qui en découle sont légitimes. Et même si pour l'heure, la Wallonie est la seule entité étatique à s'opposer à la signature du CETA, cela n'entame en rien, a priori du moins, la légitimité de leur opposition. J'ai toujours pensé que la vérité ne dépendait pas du nombre. Une maison construite par 10 architectes n'est pas nécessairement plus belle ou plus résistante que celle construite par un seul architecte.

2) Toutefois, contrairement à ce que laissent entrevoir certains raccourcis médiatiques, le gouvernement de Paul Magnette approuve la plupart des dispositions de cet accord. Il ne s'oppose qu'à un ou quelques éléments précis qui, soulignons-le, ne remettent pas fondamentalement en cause l'idéologie sous-jacente à cet accord. Cela suffit-il pour faire de lui le nouveau chantre de la lutte contre le néolibéralisme? Gardons-nous une petite gêne, voyons! Il y aurait pourtant de (nombreuses) bonnes raisons de s'opposer à ce projet d'accord au nom d'un certain idéal du Bien commun. Louise Beaudoin égrène quelques exemples hier matin dans Le Devoir.

3) Il est aussi intéressant de remarquer que la Belgique (y compris le gouvernement wallon) est signataire de nombreux accords de libre-échange qui incorporent des mécanismes d'arbitrage tels que prévus au titre du CETA, notamment l'accord signé en 2005 avec la Chine. Pourquoi s'oppose-t-elle donc aujourd'hui, sommes-nous en droit de nous demander? On pourrait immédiatement avancer en guise de réponse que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis. Vraiment?

Dans le cas d'espèce, c'est tout simplement parce que la flèche s'est inversée. Si dans les accords récemment signés et toujours en vigueur (avec de nombreux pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, etc.) les investisseurs et multinationales belges ont la latitude de poursuivre les États pour des mesures prises par leurs gouvernements, avec le CETA, le rapport de force est différent. Le gouvernement belge peut être poursuivi par un investisseur ou une multinationale canadienne pour faire valoir ses droits, et ce en dehors des juridictions classiques. À la lumière ce qui précède donc, on peut difficilement dire que Paul Magnette est contre le néolibéralisme. Halte au mélange des genres. Il est surtout pour la défense des intérêts wallons et par extension, belges. Rien de plus normal.

4) Relativement à l'Afrique, je veux reprendre à mon compte le proverbe camerounais: «C'est la patate qui avait accepté de se laisser manger crue. Le Macabo a dit : essayez un peu et vous verrez». Tu te vends moins cher, on t'achètera moins cher. À l'image des Wallons, il lui appartient de résister ou de négocier à son avantage ses différents accords commerciaux. Car jusqu'ici, on ne peut pas dire que le bilan comptable est à son avantage. C'était le cas avec les Plans d'ajustement structurel (PAS) dans les années 80 (plan que la Grèce a refusé) ; c'est aujourd'hui le cas avec l'entrée en vigueur des accords Europe- ACP (Afrique Caraïbes Pacifique). Concernant le dernier accord cité, allez lire les dispositions en matière de règlements des différends.

Comprendra qui pourra. Je bois mon lait!

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