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Quand les hommes parlent d'amour...

Les gars, c'est correct de vivre ses émotions, et d'en parler. Ça aide en maudit, croyez-moi, et en aucun cas ça ne vous rend plus faible.
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D'entrée de jeu, je vous invite à lire cet excellent article de mon oncle Normand Provencher, journaliste au Soleil de Québec, sur la détresse psychologique des hommes. Un premier article, confirmant en chiffres et statistiques ce que les observateurs attentifs savaient déjà: les hommes du Québec vivent une grande détresse psychologique, et cela ne fait qu'empirer...

À l'époque de mon passage au cégep Édouard-Montpetit, j'ai eu la chance d'assister à une conférence traitant du suicide, en particulier chez les hommes. C'était il y a plus de dix ans, mais un fait m'est resté dans la tête depuis toutes ces années. Le Québec se classait deuxième au sombre palmarès du taux de suicide chez les hommes entre la vingtaine et la quarantaine (vous excuserez l'inexactitude des catégories, la mémoire est un outil dont la faculté d'oubli empire avec l'âge), devant la Russie et seulement derrière le Japon. Pourquoi? En grande partie, ce fait serait expliqué par la modernité, par les changements mondiaux, par la redéfinition du rôle de l'homme dans la famille, passé de pourvoyeur à partenaire égalitaire dans les pays occidentaux. Et ce dernier point, à lui seul, explique énormément de choses...

La femme, émancipée par la Révolution tranquille au Québec du joug de l'Église, et par le fait-même de l'emprise de son mari et de l'obligation sempiternelle d'enfanter, est devenue le symbole par excellence du multitasking. Elle étudie, elle travaille, elle s'occupe de la maison, elle élève les enfants, et crée des réseaux sociaux. Et non seulement elle fait tout cela, mais elle y excelle en tous points, dans une énorme proportion. Et si jamais elle est débordée, dépassée par le roulement rapide de sa vie, de nombreux points d'aide, réseaux d'entraide et autres groupes de discussions existent pour lui redonner courage. Sans parler de ses amies de filles, parce qu'on va se le dire, rares sont les femmes qui n'ont pas ce type de soutien dans leur entourage immédiat...

Jack Myers, un auteur américain, exprime dans le livre The Future of Men, et précisément dans cet article-résumé, le fait qui justement m'amène à écrire ce texte :

"Churches, local organizations, community groups are not supporting men the way they're supporting women. And men are not supporting men the way that women are supporting women."

Et c'est là, à mon humble avis, le nerf de cette guerre qui ne fait que commencer. Que le rôle de l'homme traditionnel, pourvoyeur de la famille par son emploi, chef de la maisonnée par son statut, ait changé, c'est une excellente chose si l'on regarde cela par l'aspect social, économique, politique ou pour l'égalité des sexes. La femme occidentale a repris son indépendance, le droit de décider elle-même pour sa vie, et cela ne changera pas. Je dirais même plus: l'avenir du monde sera décidé par les femmes, n'en déplaisent aux hommes qui refusent de voir des femmes siéger sur les plus hautes marches des podiums (bonjour, vous tous qui voteraient pour Trump s'il se présentait à la tête du PLQ). Pourquoi? Parce qu'elles font tout ce que nous faisons, mais en mieux. Et ça, pour la version traditionnelle de l'homme fier, fort, autonome et déterminé, c'est extrêmement dur à avaler...

Mais revenons à nos moutons : l'homme moderne vit une crise de confiance. Remplaçable, il ne sait plus quoi faire pour redevenir irremplaçable. Il serait même possible, comme dans certains scénarios apocalyptiques illustrés (la bande-dessinée « Y », entres autres), de ne garder que quelques hommes en tant que versions hautement discutables de « vaches à lait » pour assurer le futur de l'humanité! Comment, dans cette situation, ne pas vivre une crise de confiance sur son rôle en société?? Il faut donc se réinventer. Ne plus se voir comme un pourvoyeur, mais un partenaire. Accepter de faire des tâches traditionnellement féminines, et des emplois normalement occupés par des femmes. Changer sa façon de voir le monde, et surtout, d'en parler...

J'ai été élevé par une famille de femmes, extrêmement fortes par-dessus le marché. Cela m'a amené à modifier ma façon de voir le monde. Elles ont été des pionnières, et ont aidé à paver la voie à celles qui sont venues après. Depuis mon adolescence, j'ai reproduit ce pattern en m'entourant, cette fois par choix, de femmes fortes de mon âge. Elles sont devenues mes amies, parfois mes amantes, mais surtout, elles m'ont aidé à exprimer mes émotions, à mieux les vivre, à les comprendre. Étant un émotif, ce « contrôle » (j'en imagine deux ou trois qui riraient) est tout sauf facile, mais en parler est toujours la première étape. Et le problème est là : l'amitié hommes-femmes, c'est tout sauf évident, ça vire souvent de tous bords, tous côtés, et la plupart des hommes n'ont pas d'amies de filles à qui confier leurs émotions. Et lorsqu'ils souhaitent en parler à leurs chums, n'en déplaise à quelques-uns qui sont probablement très efficaces, la grande majorité sont nuls à chier...

Pourquoi? Pour des tonnes de raisons. Parce que parler de ses émotions, ça fait faible. Parce qu'entendre un chum parler de ses émotions, ça te rappelle les tiennes, et que tu deales mal avec toi aussi. Parce que dans quelles circonstances tu ferais ça? Dans la chambre de hockey, de soccer, de n'importe quel sport d'équipe? Oublies ça. Aucune discussion d'émotions personnelles dans ces lieux-là, j'en sais quelque chose, c'est ni l'endroit ni le moment. Ça fait juste créer un malaise, et c'est probablement la pire chose qu'un gars veut créer dans une chambre de boys. Autour d'une bière alors, seul à seul? Ça peut arriver, mais c'est rare. Tu vas parler de ta rupture avec ton ex, et l'autre va te répondre qu'il est désolé, et va te dire d'arrêter d'y penser, qu'il y a plein de poissons dans l'océan, que c'est une pauvre conne, etc. Mais ce que t'as besoin, à ce moment-ci de l'histoire, c'est de comprendre ce qui est arrivé, pas de te faire dire que la prochaine sera mieux! De faire la paix avec tes sentiments, mais pour ça, tu dois les comprendre, les vivre, les pleurer! Et pleurer, pour un homme, ce n'est pas une mince affaire...

Je pourrais poursuivre des heures durant, mais j'ose espérer que mon message est compris. Les gars, c'est correct de vivre ses émotions, et d'en parler. Ça aide en maudit, croyez-moi, et en aucun cas ça ne vous rend plus faible. C'est même une marque de courage, en quelque sorte, mais je ne pousserai pas le clou plus loin. Et surtout, si vos chums ont besoin de parler, pour l'amour de vous, des autres et des gens qui vous sont chers, écoutez-les. Ce n'est pas grave que vous n'ayez rien à dire, juste le fait d'écouter aidera. Et comme ils disent, parce que la réciprocité, c'est important dans l'amitié : What goes around comes around...

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