Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'avortement, ou le droit de choisir sa vie

On ne règlera pas ce débat aujourd'hui, malheureusement. En fait, il est possible qu'on ne le règle jamais, tant les idéologies semblent opposées. Mais il est hors de question de reculer sur ce principe chèrement acquis : la femme a le droit de décider en ce qui concerne son propre corps.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

En mai dernier, l'État américain de la Louisiane a adopté une Loi pour obliger les médecins pratiquant l'avortement dans cet État à disposer de ce qu'ils appellent des « privilèges médicaux », ou plus clairement, à utiliser les services des hôpitaux si ses patient(e)s en ont besoin (voir à ce sujet le billet de blogue de Richard Hétu).

En apparence logique, cette Loi implique que les hôpitaux donnent le droit aux médecins qui le demandent d'utiliser leurs services pour pratiquer un arrêt de grossesse. Ce qu'ils ne font pas, tant ce dossier est politique, surtout dans le sud des États-Unis. Déjà, le Texas, l'Alabama et le Mississippi ont voté ce type de Loi. Donc, puisque les médecins sont forcés d'utiliser des « privilèges médicaux » et que les hôpitaux leur en accordent rarement (les avortements y sont pratiqués dans des cliniques spécialisées), en toute vraisemblance certaines cliniques où les médecins n'auront pas accès à ces « privilèges » pourraient ne plus pratiquer, rendant ainsi l'offre existante encore moins...existante.

On traverse la frontière pour revenir plus près de chez nous, dans ce « Rest Of Canada » dont nous sommes à la fois si proches et si loin. En novembre 2013, le député conservateur Stephen Woodworth a présenté une motion à la Chambre des communes visant à déterminer littéralement « à quel moment un fœtus peut être qualifié d'humain. » Il avait tenté le coup quelque mois plus tôt avec une autre motion semblable, battue en chambre en septembre. Plusieurs députés, généralement qualifiés « d'arrière-ban » (en arrière, pas visibles et qui ne font qu'applaudir), ont tenté de jouer dans les eaux troubles du débat depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs : les croyances du personnel médical (s'il est contre l'avortement, il peut décider de ne pas le faire), criminaliser les avortements tardifs, aggraver les peines pour les mauvais traitements contre les femmes enceintes (et visant ici directement le côté « enceinte » beaucoup plus que le côté « femme »), etc.

Plus récemment, des représentants des groupes de pression militant contre le droit à l'avortement (regroupés sous le nom de « Campaign Life ») sont sortis dans les médias pour mentionner qu'ils tenteraient de faire élire des candidats clairement pro-vie lors des assemblées d'investiture des principaux partis fédéraux pour les élections de 2015. Le Parti libéral du Canada, particulièrement visé par cette stratégie, a même du répliquer instantanément par l'entremise de son chef, Justin Trudeau, pour remettre les pendules à l'heure : le PLC est pro-choix, et il le restera. C'est à tout le moins ça de gagné...

Les conservateurs, même si tous n'en parlent pas avec la même fougue, sont ou contre l'avortement ou sympathiques aux regroupements « pro-vie » (pour la vie en général et sous toutes ses formes, quoi qu'on les voit rarement manifester pour le droit à la vie des enfants dans les conflits, dans les camps, lorsqu'il y a des pandémies graves, etc.) Le parallèle avec le sud des États-Unis est criant, et très dangereux. Ça fait maintenant plus de 25 ans depuis l'arrêt Morgentaler (suite au méga-procès de ce dernier), et depuis la légalisation de l'avortement au Canada. Ça fait 25 ans que les groupes pro-vie du Canada n'attentent qu'une ouverture/mollesse/folie des gouvernements en place pour s'engouffrer dans la brèche et faire reculer le pays de...25 ans.

On va se dire (encore) les vraies affaires : l'avortement n'est pas un mode de contraception!! Une jeune fille à qui la pilule contraceptive ou du lendemain poserait des problèmes de santé, qui n'utilise aucun autre mode de protection reconnu dans ses relations sexuelles et qui ne s'assure pas à ce que ses partenaires portent le condom a soit reçu une éducation sexuelle fortement déficiente, ou est soit inconsciente, soit stupide. J'ose espérer qu'après plusieurs avortements, un médecin qui voit revenir la même fille pour la même raison se permettra d'expliquer certaines choses, à moins évidemment de cas de dégueulasseries majeures comme le viol ou l'inceste!!

Mais on va se le dire aussi : qui sommes-nous, en tant que société, pour décider du corps d'une femme? Qui sommes-nous pour déterminer ce qui est mieux pour elle, entre garder à l'âge de 16 ans un enfant non désiré qui grandirait sans père ni réseau social ou de faire ce choix déchirant qu'est de ne pas permettre la vie? De quel droit pourrions-nous la regarder directement dans les yeux et lui dire : « Désolé chouette, t'es pas capable de t'occuper de toi-même, mais là va falloir que tu gères un enfant qui a d'énormes besoins »? L'erreur est humaine, autant que la bêtise. Les accidents, ça arrive, et souvent, ce n'est pas supposé arriver.

Je sais bien que pour les pro-vie, l'abstinence et le sexe après le mariage seraient des éléments pour justifier que des accidents n'arrivent pas, mais get a life! On va arrêter de se mettre la tête dans le sable comme si on vivait encore au 17e siècle!! Le sexe fait intégralement partie des sociétés modernes, et il n'y a aucune chance que cela change. Les familles sont moins traditionnelles que recomposées, éclatées, nucléaires, et les relations en tous genres avec différents partenaires tendent plus vers la norme que vers l'étrangeté. Avec le sexe viennent évidemment des responsabilités, ce qu'il importe à un point crucial d'enseigner à nos enfants dès qu'ils sont en mesure de le comprendre, pour éviter les dérapages. Mais tsé, quand on continue de parler d'abeilles qui butinent les fleurs, me semble qu'on pourrait se choisir de meilleures métaphores...

On ne règlera pas ce débat aujourd'hui, malheureusement. En fait, il est possible qu'on ne le règle jamais, tant les idéologies semblent opposées. Mais il est hors de question de reculer sur ce principe chèrement acquis : la femme a le droit de décider en ce qui concerne son propre corps. Et on peut jouer sur les mots tant qu'on veut, un fœtus, c'est un fœtus. Ensuite, c'est un enfant. Quand il est enfant, il a des droits. Quand il est fœtus, il fait partie du corps de la femme. Et même si parfois, en tant qu'homme, je me dis que c'est un peu frustrant de n'avoir qu'un pouvoir de persuasion et de négociation en ce qui concerne l'utilisation planifiée ou non de mon sperme, ce n'est pas moi qui porte cet enfant pendant 9 mois, ou qui assume à la fois physiquement et moralement la responsabilité de ne pas l'avoir!

Si vous voulez discuter avec des groupes pro-vie au Québec, jusqu'à preuve du contraire, ils se rassemblent toujours à Montréal chaque dimanche estival, à l'angle St-Laurent et Saint-Joseph. Je leur souhaite un jour d'ouvrir les yeux et comprendre que la conception du monde qu'ils défendent découle d'une organisation de la société basée sur l'obéissance quasi-aveugle à la religion et à ses dirigeants, qui ne reviendra pas, et qui au final, brime l'intégrité physico-morale des femmes un peu partout sur la planète...

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Des députés à Ottawa contre l'avortement

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.