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Halte à la dictature des filtres UV dans les cosmétiques

La mode des produits de soin et de maquillage offrant une protection solaire nous vient d'outre-Atlantique. En 1995, Paula Bégoun crée aux États-Unis sa propre ligne de soins: elle présente ses produits comme extrêmement sûrs, faisant reposer la communication de sa marque sur sa propre expérience
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Woman wearing facial mask
Hill Creek Pictures via Getty Images
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Depuis la mise sur le marché des premiers produits de protection solaire (PPS) dans les années 1930, des progrès considérables ont été réalisés en matière d'efficacité photo-protectrice. Des premiers PPS - en général des huiles, affichant péniblement des SPF (sun protection factor) de 10 -, à nos PPS modernes arborant fièrement des SPF 50+, il aura fallu une cinquantaine d'années pour que tout se mette en place en matière de protection de la peau vis-à-vis des méfaits du soleil.

Contrairement aux autres catégories de cosmétiques, qui trouvent leurs origines dès l'Antiquité, les PPS sont des produits totalement inédits. Chimistes, à l'origine de la synthèse des filtres, et physiciens, à l'origine de l'élaboration de méthodes visant à déterminer l'efficacité des PPS, se sont retroussés les manches pour mettre au point des PPS dont l'efficacité puisse être démontrée.

27 filtres répertoriés

D'un point de vue réglementaire, notons que la liste des filtres UV admis dans les produits cosmétiques comporte, à l'heure actuelle, 27 molécules différentes. Il s'agit de vingt-six filtres organiques (appelés improprement "filtres chimiques") et d'un filtre inorganique (anciennement dénommé "minéral"), le dioxyde de titane. Ces filtres UV sont diversement efficaces.

Certains sont à spectre étroit, il s'agit des filtres UVB ou UVA. D'autres sont à spectre large, permettant de couvrir aussi bien le domaine UVA que le domaine UVB. On pourra citer comme exemple les benzophénones et l'anisotriazine, l'un des filtres UV les plus efficaces du marché. Afin de réaliser des PPS très hautement protecteurs (SPF 50+), il est indispensable de réaliser des associations filtrantes. Un seul filtre, qu'il soit organique ou inorganique, est, évidemment, incapable de rivaliser avec une association de 6 ou 8 filtres.

Il est actuellement clairement démontré qu'un PPS très hautement protecteur permet de prévenir un certain nombre de cancers cutanés photo-induits, encore faut-il qu'il soit appliqué dans les bonnes conditions : c'est-à-dire en couche épaisse et ré-appliqué toutes les deux heures. Depuis quelques années, certaines sociétés fabriquant des cosmétiques bio, relayées par des sites Internet, tirent à boulets rouges, au nom du respect de l'environnement, sur les filtres organiques, leur préférant le seul et unique filtre inorganique utilisable au regard de la réglementation, à savoir le dioxyde de titane, jugé à tort moins polluant. Mais ce filtre ne peut en aucun cas assurer à lui seul un niveau de protection suffisant. À la question: les filtres UV sont-ils indispensables dans les PPS ? Nous répondons: oui.

Une mode en provenance des États-Unis

La mode des produits de soin et de maquillage offrant une protection solaire nous vient d'outre-Atlantique. En 1995, Paula Bégoun crée aux États-Unis sa propre ligne de soins: elle présente ses produits comme extrêmement sûrs, faisant reposer la communication de sa marque sur sa propre expérience, celle d'une petite fille qui, à 11 ans, souffre d'acné et d'eczéma qu'aucun traitement, médicamenteux ou cosmétique, ne parvient à soulager.

À 25 ans, Paula s'attache à lire la composition des cosmétiques et cherche à percer les secrets qui se cachent derrière tous ces noms barbares. Elle va se former peu à peu, et rédiger au fil des ans une vingtaine d'ouvrages sur les produits de beauté, notamment The Beauty Bible (2002) et Don't Go to the Cosmetics Counter without Me (2003). On l'aura compris: impossible d'acheter des cosmétiques sans l'approbation de Paula! Or elle assène comme une vérité absolue qu'"une protection solaire quotidienne s'impose pour toute personne qui souhaite éviter les rides, les taches brunes, les cancers cutanés. Un SPF minimum de 15 est requis."

Cette mode des cosmétiques de soin et de maquillage affichant un SPF va rapidement déferler sur la France et ce d'autant plus que le leader du marché, L'Oréal, y est favorable. Le géant de la beauté n'est d'ailleurs pas le seul à s'y intéresser. Estée Lauder figure ainsi parmi les pionniers avec son fond de teint Futurist SPF 15. En 1997, Sophie Seité, du service Recherche et Développement de L'Oréal, publie avec ses collègues les résultats d'une étude réalisée pendant six semaines sur 12 volontaires. Elle aboutit à la conclusion que l'application journalière d'une crème de jour de SPF 7 et de facteur de protection UVA (FP-UVA) 6 serait nécessaire et suffisante pour réduire ou prévenir les altérations cutanées liées aux expositions solaires. D'autres études similaires suivront.

Que penser de cette mode ?

En 2009, alarmées par la multiplication des cosmétiques de soin et de maquillage affichant un SPF, nous publions les résultats de nos travaux dans une revue scientifique. Nous avons, en effet, testé au laboratoire 35 cosmétiques (crèmes de jour, fonds de teint, autobronzants, crèmes anti-rougeur, etc.) de SPF compris entre 4 et 30.

Il apparaît que la moitié des cosmétiques testés ne suivent pas les recommandations européennes de 2006 relatives aux PPS. Ces cosmétiques ne sont pas suffisamment protecteurs dans le domaine UVA. Il est vrai que, dans certains cas, le seul filtre présent est un filtre UVB, l'octylméthoxycinnamate. En outre, seulement 23 % des produits testés sont photo-stables, dans nos conditions expérimentales. Ceci est préjudiciable, dans la mesure où ce type de produit n'est pas ré-appliqué au fil de la journée. La protection ne durera donc pas toute la journée contrairement à ce qui est laissé croire.

Deux problèmes sont, en effet, à prendre en compte : d'une part l'absence de ré-application qui aboutit à une diminution rapide du niveau de protection du fait du caractère labile de certains filtres ; d'autre part, l'absence de quantification de la dose appliquée. Si celle-ci n'est pas connue exactement, on sait toutefois qu'elle est bien moindre que la dose recommandée dans le cas des produits de protection solaire, soit 2 mg/cm. Pour atteindre cette dose, on ne sortirait pas maquillée, mais enduite d'une épaisse couche de maquillage !

Pas d'exposition... pas de filtre !

Un dernier point d'importance concerne l'exposition solaire. Pour toute personne ne travaillant pas en extérieur, le risque d'exposition aux ultra-violets est nul. Il est donc inutile de se protéger d'un risque inexistant. Il nous semble donc aberrant de voir perdurer cette mode qui conduit à une dissémination intempestive de filtres solaires dans l'environnement. À la question : les filtres UV sont-ils indispensables dans les produits de soin et de maquillage ? Nous répondons : non.

En résumé : si les filtres UV sont indispensables pour protéger la peau des expositions occasionnelles, il est, en revanche, inutile d'en incorporer, à grande échelle, dans toutes sortes de cosmétiques.

Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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