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Kerala, Inde: un quotidien différent

Dans une petite ruelle de Kochi, dans le Kerala, je suis assis à une table. Le soleil vient de se coucher sur leset le petit café, caché dans un quartier résidentiel exceptionnellement calme, bourdonne au rythme d'une musique pop indienne. À la fin de mon souper, le courant saute. Et c'est à ce moment que le sud de l'Inde s'installe vraiment en moi.
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C. Lizotte

Dans une petite ruelle de Kochi, dans le Kerala, je suis assis à une table et je demande un thé. Le soleil vient de se coucher sur les backwaters et le petit café, caché dans un quartier résidentiel exceptionnellement calme, bourdonne au rythme d'une musique pop indienne.

De l'autre côté de la ruelle, plusieurs hommes d'une même famille savourent la fin d'une journée chaude et humide. Figure plus expressive, un homme d'une quarantaine d'années, moustachu et l'air grave, tente de montrer l'anglais à son enfant. Le petit, que tout le monde appelle "Baba", court d'un côté de l'autre de la ruelle et pose des questions incompréhensibles aux clients du café qui sont assis près de moi.

Je commande un curry de thon papillon (kingfish). Fraîchement épicé, le plat est extrêmement fragrant. C'est dans un fumet de poisson sérieusement garni de poivre, de curcuma, de feuilles de curry, de toute-épice, de piri-piri et d'huile de noix de coco que flotte un gros morceau de thon braisé. Bien que toutes ces saveurs soient robustes, elles sont toutes bien représentées et se contrebalancent l'une l'autre. Le plat est accompagné de riz - comme tous les plats de tous les repas en Inde.

C'est à la fin de mon souper, quand je reprends la lecture de mon livre - et alors que Baba me vole ma cuiller, entraînant les récriminations de son oncle - que le courant saute au café et sur les intersections avoisinantes. Et c'est à ce moment que le sud de l'Inde s'installe vraiment en moi.

De mon siège, je vois la petite famille - et Baba l'hyperactif, qui maintenant prétend conduire la mobylette de papa - sortir quelques chandelles. Le grand-père sort un vieux téléphone cellulaire de sa poche et fait jouer des chansons indiennes, ces chansons qui occupent tant de place dans les productions cinématographiques locales. La petite maison deux-pièces n'a qu'une porte d'entrée et un toit de tôle. À l'intérieur, une icône de Shiva préside au-dessus d'une couverture multicolore qui sert de séparateur entre deux pièces. Il s'agit d'ailleurs des seules couleurs du logis: à l'extérieur comme à l'intérieur, les murs sont blancs et parsemés de crasse intemporelle. Le décor du café, lui, est plutôt agréable: tables de bambou, chaises de bois et sofas.

Dans la pénombre, en levant la tête, on voit les étoiles. Et le chaos éternel indien s'est éteint l'espace de quelques secondes, lorsque l'électricité a manqué. Mais Grand-Père et son cellulaire crachent maintenant un morceau interprété par une femme à la voix particulièrement stridente; le haut-parleur crache et Baba me demande si je suis fatigué, en anglais cette fois. Un auto-rickshaw passe dans la ruelle; papa crie à Baba qu'un véhicule vient et de s'adosser au mur; le phare du véhicule aveugle tout le monde; un employé sort du café pour reprendre mes plats vides; je lui demande un autre thé et il acquiesce, en hochant de la tête de billet, comme seuls les Sud-Asiatiques le font; puis, il se retourne et me fait remarquer qu'il n'a pas d'eau chaude; le fumet de garam masala provenant d'une maison voisine prend le dessus sur la stagnante odeur d'urine qui habitait la ruelle depuis mon arrivée; les moustiques sortent tous d'un coup et attaquent mes mollets découverts; des touristes français inquiets demandent aux employés du café si l'électricité reviendra bientôt; le père de Baba prend la chaise libre qui est devant moi et m'offre une cigarette...

Et le courant reprend, la chaîne stéréo du café crie immédiatement le dernier hit de Maroon 5, mon thé s'en vient, et l'Inde se métamorphose une fois de plus dans mon esprit.

Un quotidien différent dans le Kerala

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