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Ce qu'être belle-mère m'a appris sur la maternité

Si vous êtes belle-mère vous-même, vous le savez bien : des mois, des centaines de sourires, des milliers de mots et de gestes affectueux pour tisser ce lien si ténu et qui peut se briser pour un presque rien.
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Être belle-mère, ou marâtre, ou "moche-mère", n'est pas une sinécure. C'est une épreuve, et un sacré travail. De l'abnégation, de la délicatesse, de la patience -pour un résultat toujours fragile, et balbutiant. Si vous êtes belle-mère vous-même, vous le savez bien : des mois, des centaines de sourires, des milliers de mots et de gestes affectueux pour tisser ce lien si ténu et qui peut se briser pour un presque rien.

En ce qui me concerne, être belle-mère à plein temps m'a poussée dans mes retranchements. Comme un obstacle devant lequel je ne pouvais pas reculer, un rôle face auquel je ne pouvais pas me débiner. Il m'a bien fallu un moment accepter de retrousser mes manches, et de plonger tête la première. Impossible de tourner indéfiniment autour du pot, de se désolidariser de soi et de sa famille, de vivre en intruse dans sa maison.

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De cette épreuve qui n'en finit pas, de ce défi sans cesse renouvelé, de ce pari jamais complètement gagné, j'ai appris et suis sortie - je crois - plus forte. Car si être belle-mère m'a demandé et me demande beaucoup, si parfois j'ai l'impression que ce rôle m'aspire la moelle, j'ai aussi gagné. J'ai trouvé ma famille et l'ai construite patiemment. J'ai trouvé cet enfant que j'ai accueilli avec son père et qui est désormais ma vie. Mais surtout, être belle-mère m'a aidée à devenir une meilleure mère. Meilleure sans doute que je ne l'aurais été sans cet enfant avec lequel j'ai tant appris.

Pourquoi cela? Parce qu'étant confrontée au paradoxe de la belle-mère - faire la mère sans l'être - j'ai été confrontée au paradoxe du bel-enfant - s'en occuper comme de son enfant sans qu'il le soit, jamais. Irréductiblement enfant d'une autre, le bel-enfant se tient face à vous comme une personne. Bien sûr, tout enfant est une personne, ma fille est une personne, je le sais et le savais bien avant de devenir belle-mère et mère. Mais je l'ai mieux compris, dans ma tête et dans ma chair, avec mon bel-enfant, précisément parce qu'il n'est pas "mon" enfant. Impossible de se l'approprier, impossible de se projeter en lui, impossible de projeter sur lui des parts de moi. Non, le bel enfant est autre, indéniablement. Il ne me ressemble pas, je n'ai pas connu ses premières heures, je ne l'ai pas porté, je ne me souviens pas de l'odeur du lait au coin de sa bouche. Je ne peux pas compter sur cet attachement primitif et animal pour l'aimer. Et pourtant, dans notre relation, il y a bien quelque chose de très maternel qui nous lie. Alors nous cheminons, nous avançons à tâtons, nous inventons une relation inédite faite d'attachement et de liberté.

Il est une personne. Retomber sur cette évidence a complètement bouleversé ma maternité. Mon nouveau-né, si dépendant, si petit, était déjà vraiment une personne. Elle n'était pas modulable ou malléable. Elle était là, elle se tenait là en face de moi, avec ses besoins et sa manière bien à elle de vouloir les combler. Elle avait sa façon si précise de boire et de dormir collée contre ma peau. Sa façon bien à elle de me dévisager de ses petits yeux plissés. Elle avait déjà ce petit geste de me caresser la joue pour s'endormir. Ma fille, comme tout enfant, était unique, et c'était une chose qu'il me fallait désormais accueillir avec respect. Protéger et développer, contenir et faire grandir cette petite personne, c'était mon rôle de mère. J'ai tout réexaminé de mes préjugés, je me suis débarrassée de mes idées sur l'éducation. J'ai troqué tout cela contre mon instinct et un seul principe, le respect de son individualité. Elle tétait souvent et peu, comme d'autres fractionnent leurs repas. Elle avait besoin de peau pour s'endormir, comme d'autres ont besoin de quelqu'un pour réchauffer leur lit. J'ai essayé d'opposer parfois ma volonté ou celle des autres à la sienne, et j'ai vite compris que personne ne sortait gagnant de ces conflits. J'ai fait comme nous le sentions, et comme cela nous arrangeait.

Et je suis rassurée et confortée de voir la petite fille qui s'esquisse sous nos yeux. Elle n'est pas tyrannique ni dépendante, mais plutôt douce, sociable, drôle, sûre d'elle. Elle explore le monde à son rythme, à sa manière. Elle n'est pas encore propre, et alors? Elle dort encore dans notre lit, mais apprend l'autonomie ailleurs, et autrement. Elle parle parfaitement, compte et chante ses chansons préférées en français et en anglais. Ses gestes sont délicats et précis, elle veut les réaliser comme une grande. Elle m'a montré ce qui lui convenait pour grandir paisiblement, et j'ai dû apprendre à regarder, à l'écouter me raconter ses secrets. Bien sûr, cela n'empêche pas de guider, de recadrer, de rectifier, cela n'empêche pas que mon mari et moi restons ses phares. Mais nos enfants nous démontrent chaque jour que nous pouvons, que nous devons, leur faire confiance. Ils apprennent tant et si vite rien qu'à nous observer. Mais à bien les regarder, à les regarder patiemment, attentivement, on comprend vite qu'ils nous guident très sûrement.

Ma mère m'a écrit l'autre jour qu'être "une belle-mère, c'est apprendre que l'enfant est une personne bien avant que d'avoir le sien". Comme les mamans ont raison... Oui, maman, tu as raison, j'ai beau râler et me plaindre, mon bel-enfant m'a forcée à comprendre que l'enfant ne nous appartient pas, qu'il n'est pas un prolongement de soi. Tu as raison maman, grâce à lui, je suis devenue meilleure que je ne l'étais, meilleure mère que je n'aurais pu l'être. Il m'a forcée à la patience, moi qui suis toujours si nerveuse, tu sais bien. Il m'a entraînée au respect de son altérité, moi qui étais si couveuse. Il m'a appris à lui apprendre et à désirer pour lui l'autonomie.

Alors à toutes les jeunes femmes qui ont connu la belle-maternité avant la maternité, et plus encore à celles qui la connaissent à plein temps, à celles qui se croient essoufflées, fatiguées, fanées, je voudrais dire que non, vous ne vous perdez pas dans ce rôle parfois ingrat. Même quand je n'y crois plus, que je suis épuisée, même quand il m'arrive de penser que mon beau-fils me prend cette énergie qui me manque parfois pour ma fille, quand je me crois mauvaise mère parce que belle-mère, je suis vite rattrapée par une autre idée - c'est aussi par lui que je suis devenue mère.

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