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Hausse des droits de scolarité: voir la forêt derrière l'arbre

Les études coûtent moins cher dans notre province qu'ailleurs, oui, mais qui analyse les revenus des diplômés québécois par rapport à ceux de l'Alberta, de Vancouver ou de Toronto? En maintenant des politiques salariales parmi les plus basses au Canada, doit-on s'étonner que les coûts de scolarité doivent être plus bas chez nous? On encourage ensuite ce travailleur (ex-étudiant déjà endetté avant sa première journée de travail) à consommer et à faire rouler l'économie, sans quoi le pays sera déficitaire. Du même souffle, on lui reproche d'être irresponsable et de s'endetter, la dette moyenne par famille au Canada étant plus élevée que jamais.
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Radio-Canada.ca

«Encore une grève étudiante!»

«Une autre raison pour ne pas étudier...»

«Les jeunes veulent tout avoir gratuitement; ils doivent faire leur part!»

Des remarques comme celles-ci sont les marottes du jour. On ajoute que de toute façon, les Québécois sont ceux qui paient le moins cher pour étudier, au Canada. Ça ne peut pas durer éternellement! Au contraire, il faut que ça dure. Les étudiants manifestent contre une hausse substantielle qui gonflera leur niveau d'endettement, certes, mais aussi pour dénoncer une société ou la solidarité et la justice s'effacent et menacent d'être mises au rencart.

Les étudiants demandent au gouvernement Charest de renoncer à la hausse qui ferait passer à terme les droits de scolarité universitaires à 3800 $ annuellement. Une augmentation de 1625 $. Une grosse différence dans le portefeuille des étudiants déjà beaucoup trop endettés.

Mais cela importe peu, répète-t-on, car ces étudiants pourront payer leurs dettes sans problème, une fois sur le marché du travail, avec leurs gros salaires... C'est à vérifier! Même les médecins sont de plus en plus nombreux à aller travailler hors Québec pour être payés à leur juste valeur... Les études coûtent moins cher dans notre province qu'ailleurs, oui, mais qui analyse les revenus des diplômés québécois par rapport à ceux de l'Alberta, de Vancouver ou de Toronto? En maintenant des politiques salariales parmi les plus basses au Canada, doit-on s'étonner que les coûts de scolarité doivent être plus bas chez nous?

On encourage ensuite ce travailleur (ex-étudiant déjà endetté avant sa première journée de travail) à consommer et à faire rouler l'économie, sans quoi le pays sera déficitaire. Du même souffle, on lui reproche d'être irresponsable et de s'endetter, la dette moyenne par famille au Canada étant plus élevée que jamais. Quand il vieillit, on lui dit qu'il coûte trop cher en hospitalisation et soins de longue durée. On le traite de cigale qui a chanté toute sa vie et qui a été trop con pour épargner pour sa retraite.

Voilà le portrait global de la situation. Mais encore une fois, la question des hausses de droits de scolarité est prise isolément. Encore une fois, on ne nous montre que l'arbre, pas la forêt. Les universités doivent être financées : les étudiants doivent payer. Le calcul s'arrête là. Pas de recoupement n'est fait avec notre société en général que nous devons créer tous ensemble.

Un enjeu de société

Il n'y a pas que l'éducation qui est un coût pour notre société. Les bébés coûtent cher à mettre au monde dans les hôpitaux. Faut-il leur imposer une taxe de naissance pour autant, qui sera indexée au coût de la vie chaque année? Ridicule, n'est-ce pas?

Le débat sur les droits de scolarité l'est tout autant. L'éducation est le moteur d'une société qui évolue grâce aux écoliers d'aujourd'hui qui deviendront les citoyens de demain. Faut-il les hypothéquer, les endetter et limiter dès le départ leurs chances de réussir dans la vie? Est-ce vraiment ce qu'on veut et ce qu'on peut leur offrir de mieux?

Naître et vivre au Québec, ça représente quoi? Quelle société voulons-nous offrir? Celle du chacun pour soi?

Voilà les vraies questions que nous devrions nous poser. Car de la naissance aux études, à la maladie et à la mort, nous avons la responsabilité collective de rendre notre société viable.

Quelque chose qu'on semble oublier, de nos jours. Comme si notre liberté individuelle actuelle, acquise à coup de revendications, de protestations, de rébellions et d'actions, nous permettait maintenant de garder les yeux rivés sur nos nombrils et nos iPad. Quand on relève les yeux, pour un moment, et qu'on aperçoit une bande de jeunes brandir des pancartes tandis qu'on se rendait tranquillement au travail, on les trouve un peu trop bruyants et agaçants. N'ont-ils vraiment rien de mieux à faire que de crier dans la rue?

Eh bien non, justement. Leur cri est justifié et souhaitable. «La priorité des jeunes militants au cours des prochaines années sera de contrer la destruction des acquis sociaux. Dans un contexte de montée de la droite, nous avons de plus en plus de raisons de nous engager», faisait valoir en septembre dernier le militant Alexandre Vidal dans la revue Relations. L'éducation accessible à tous, c'est un acquis très précieux au Québec, et on se doit de le défendre bec et ongles. C'est grâce à l'éducation que le Québec a su faire des pas de géant dans les dernières décennies.

«On oublie que la mission des universités est de diffuser le savoir de l'humanité pour faire progresser la société», disait l'étudiant Youri Couture à L'Itinéraire en janvier dernier. Au lieu de cela, on est en train d'en faire des usines à diplômes pour faire de nous des citoyens rentables. Vaut-il vraiment la peine de s'endetter pour en arriver là? De quoi vouloir rester dans la rue... avec les itinérants.

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