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Le trésor d'Anticosti devait-il être laissé aux mains du secteur privé?

Les groupes écologistes ont beau avoir eu tôt fait de dénoncer l'annonce du gouvernement Marois, la situation relève d'un faux dilemme. En effet, le processus aurait été enclenché tôt ou tard, qu'on le veuille ou pas. La question fondamentale dans ce dossier se posait donc plutôt comme suit: l'exploration pétrolière devait-t-elle être laissée aux mains du secteur privé ou être prise en charge par le secteur public?
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Jeudi après-midi, on apprenait que le gouvernement du Québec, après des mois de négociations, était enfin parvenu à une entente avec les firmes Junex et Pétrolia dans le dossier du pétrole d'Anticosti, donnant ainsi le feu vert à l'exploration. Les groupes écologistes ont beau avoir eu tôt fait de dénoncer l'annonce du gouvernement Marois, la situation relève d'un faux dilemme. En effet, le processus aurait été enclenché tôt ou tard, qu'on le veuille ou pas. La question fondamentale dans ce dossier se posait donc plutôt comme suit: l'exploration pétrolière devait-elle être laissée aux mains du secteur privé ou être prise en charge par le secteur public?

Lorsque les libéraux étaient au pouvoir à l'Assemblée nationale, Hydro-Québec, dans une entente secrète avec l'entreprise Pétrolia, avait complètement cédé ses droits d'exploration à Anticosti. Compte tenu du potentiel pétrolier de l'île, cela avait été qualifié - à juste titre - de «vol du siècle». Les Québécois, selon toute vraisemblance, n'auraient encaissé qu'une minime redevance sur le pétrole découvert, oscillant entre 1 et 3% de la valeur des barils. La situation était d'autant plus préoccupante que l'entreprise privée, de manière générale, se soucie bien peu des retombées environnementales de ses gestes. Ces dernières génèrent pourtant d'importantes externalités négatives pour la population, voyant dès lors son bien-être inévitablement affecté. On peut ainsi dire sans se tromper que les Québécois auraient été perdants sur toute la ligne dans ce dossier si rien n'avait été tenté pour corriger le tir.

L'annonce du gouvernement du Parti québécois ne peut ainsi que réjouir, les Québécois reprenant du coup près de 50% de leurs droits sur les ressources abritées en leur sol. La possibilité de voir cette entente rapporter plusieurs milliards de dollars à l'État québécois est bien réelle. En contexte d'austérité budgétaire, il va sans dire qu'il s'agit là d'une excellente nouvelle dans la perspective où l'on désire d'une part continuer à financer les services publics et d'autre part, augmenter le moins possible le fardeau fiscal des contribuables.

Dans un monde idéal, il est cependant vrai que nous serions déjà débarrassés de cette ressource des plus polluantes qu'est le pétrole. Le monde réel nous appelle toutefois au pragmatisme. Même en déployant beaucoup d'efforts, notamment avec une stratégie d'électrification des transports, nous en avons encore pour un minimum de 20, voire 30 ans à dépendre du pétrole. Actuellement, le Québec importe plus de 50% de son or noir d'États pétroliers d'Afrique, dont les retombées ne profitent pas à la population, mais servent à enrichir la classe dirigeante desdits pays. Cette situation nuit également aux Québécois puisqu'elle contribue à détériorer la balance commerciale - composée de la valeur des exportations moins la valeur des importations -, gage de compétitivité à l'international. Elle est également à pointer du doigt lorsqu'il s'agit d'aller aux sources de la croissance de la dette de l'État québécois, l'approvisionnement en pétrole étranger nous coûtant collectivement des sommes astronomiques pesant bien lourd dans les colonnes de chiffres.

Bref, en réalisant une analyse coûts-bénéfices, on se rend compte que le statu quo est une situation perdante sur tous les plans, et ce même en ce qui concerne l'environnement. L'effet de serre entraîné par l'importation de pétrole étranger n'est effectivement pas à prendre à la légère: le Québec contribue de fait à l'émission de plusieurs milliers de tonnes de déchets atmosphériques et ce, année après année.

Loin de moi toutefois l'idée d'évacuer toute conséquence environnementale directe dans ce dossier. Le fait est que, pour les gens ne vivant pas à Anticosti ou encore, pour ceux n'y ayant tout simplement jamais mis les pieds, il est difficile de se sentir interpellé par ce qui adviendra de cette île, véritable joyau québécois, tant pour sa flore que pour sa faune. Le danger est pourtant bien réel, nous l'avons vu dans plusieurs cas aux États-Unis. Il faudra donc que l'exploration et, s'il y a lieu, l'exploitation qui s'en suivra, se fassent dans le plus grand souci environnemental qui soit. Cela est bien sûr une condition sina que non et je crois que le gouvernement du Parti québécois, ayant en son sein des environnementalistes tels que Martine Ouellet et Daniel Breton, respectera cet engagement, nécessaire si l'on désire bâtir un pays digne de ce nom pour nos enfants et les générations qui les suivront.

Une chose me chicote toujours, cependant. Pourquoi ne pas aller plus loin en pavant la voie à la nationalisation de la ressource pétrolière? Il semble qu'en ce millénaire, on ne se permette plus d'oser, d'aller jusqu'au bout de ses idées et de ses convictions. Que serait pourtant aujourd'hui le Québec sans le courage des Lesage, des Lévesque et autres dans le dossier de la nationalisation de l'hydro-électricité? Il faut sans conteste envisager cette possibilité et j'espère que le présent gouvernement, fort d'un mandat majoritaire au sortir de la prochaine élection, s'y penchera sérieusement pour la suite des choses.

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L'île d'Anticosti vue par le photographe Marc Lafrance

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