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Du sucre, à boire et à manger

25g par jour. C'est la dose maximale de sucre ajouté que préconise l'OMS dans sa nouvelle campagne de prévention. Arrêtons de compter, nous avons largement dépassé la dose préconisée.
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25g par jour

C'est la dose maximale de sucre ajouté que préconise l'OMS (1) dans sa nouvelle campagne de prévention. Quand on sait qu'au déjeuner, un yogourt aux fruits vous en coûtera 18g, c'est compliqué. Autant zapper directement la boisson du déjeuner dont le taux de sucre varie entre 30g et 60g pour 500 ml. Et la petite barre de céréales... et le petit carré de chocolat... ? Arrêtons de compter, nous avons largement dépassé la dose préconisée.

Le rôle de l'agent sucre

Il faut le reconnaitre, le sucre est un formidable ingrédient de cuisine : exhausteur de goût, texturant, il prolonge les sensations aromatiques en bouche, il a ce côté enrobant très agréable au palais. On appelle cela la « palatabilité ». Cuit, il apporte des notes de fond et une belle couleur ambrée. Il est aussi un formidable conservateur naturel.

Le sucre a toujours eu une place de choix en cuisine et en pâtisserie. Faire une confiture ou une confiserie sans sucre relève pour moi de la totale l'absurdité. Du coup, les fabricants de bonbons ont eu vite fait d'exploiter ce nouveau filon marketing.

Avant que le caramel ne devienne interdit à la consommation, faisons un petit retour en arrière.

Au temps des roudoudous (2)

Dans les années 60, nous avions une large palette de saveurs à notre disposition: réglisse en plaque ou en bâton de bois, fruits à tous les stades de maturité - âpres ou aigres - chapardés sur les arbres. On se souvient du pamplemousse jaune au jus amer/acide, disparu soudainement au profit du rose plus sucré.

Tous les registres gustatifs venaient stimuler nos récepteurs sensoriels. Nous avions comme une intelligence du goût.

Quant au sucre, les enfants s'en mettaient plein le palais, comme une récompense. Un sucre de boulangerie, de sodas d'anniversaires, un sucre filé de fêtes foraines. Pourtant, au delà de ces tentations festives, on en mangeait pas tant que çà. A table, on restait sur des notes très authentiques, d'épices et d'herbes aromatiques, des goûts de chair animale et de la matière à mâcher. Le dégoût alimentaire n'existait pas encore.

Se nourrir ou se distraire ?

A la fin des années 80, la cuisine d'Ailleurs (Chinoise, TexMex, Indienne) a réintroduit dans nos assiettes le sucré-salé longtemps oublié.

A force d'aromates et d'exhausteurs de goût puissants, à coup de glutamate et de sauce chili, les palais ont déménagé vers des contrées lointaines, nous éloignant de notre territoire gustatif naturel.

Sucre et arômes, entrés généreusement dans toutes ces formulations exotiques, ont largement contribué au succès de la cuisine industrielle, ne cessant de nous infantiliser la bouche et le cerveau.

Le Sucre, le goût et les petits enfants

Le goût sucré est une arme infaillible, il assure le recrutement des consommateurs dès leur plus jeune âge.

Par exemple dans les années 90, l'idée est venue aux marques de « positionner » (5) les sodas à la place du café - estimé trop amer - pour conquérir les ados dès le matin. Puis, les fades céréales ont été engluées de sirop de glucose. Puis les préparations de fruits aromatisées ont envahi nos yaourts et autres pâtisseries.

La seule concession à la réduction de sucre aura été de mettre des édulcorants à la place, pour bien maintenir le client dans la douceur. Et pouvoir dire sans complexe : « sans sucres ajoutés ». Aucun fabricant n'aurait de lui-même choisit de réduire la saveur sucrée de ses produits, sachant qu'il y perdrait des clients et beaucoup de plumes. Et force est de constater que cela fonctionne très bien. Les boissons édulcorées et aromatisées ont remplacé l'eau et le vin du déjeuner en moins de 10 ans.

Le meilleur allié du sucre est... l'Arôme

Dans toutes ces industries délicieuses, en particulier dans celle des boissons, l'arôme crée le désir en attaquant le nez dès l'ouverture. Les notes d'agrumes ou de fruits rouges font la danse des sept voiles.

Derrière, le sucre se décharge avec force dans notre organisme, pour un plaisir instantané. Et puis plus rien. La soif est toujours là. La glycémie grimpe au plafond et nous laisse à plat une heure après. Enormément d'adultes s'hydratent au cola light et les enfants boivent toute la journée des energy drinks.

Ca va être compliqué de désintoxiquer les foules

Parce que sucre est partout même là où on ne s'attend pas à le trouver. Même si nous sommes bombardés de messages nutritionnels, même si nous avons conscience de son rôle dans la prise de poids et autres affections plus graves, notre addiction gustative est bien réelle.

L'alimentation manufacturée se polarise vers deux extrêmes : une nourriture de mass market au goût intense (voire intensifié) et artificiel, qui nous tient accro. Et une alimentation alternative (bio & naturelle), en principe plus neutre. Le naturel n'est pas très racoleur !

Certains penseront, schématiquement, que cette dichotomie6 alimentaire est liée au niveau social. Dire que la nourriture qualitative est réservée aux bobos est une idée reçue (et démagogue en plus).

Lentement mais surement, les goûts continueront d'évoluer. Pour un fabricant ou un distributeur, s'inscrire dans une démarche choisie de « rupture » - comme un changement radical de recette et la suppression totale du sucre - tient de l'engagement social. Cela demande une conviction, beaucoup d'endurance et de chance aussi et la confiance dans le bon sens du consommateur.

Et il faut apprécier un certain goût, celui du risque.

(1) OMS : Organisation Mondiale de la Santé

(2) Une grosse goutte de sucre cuit dans un petit coquillage

(3) L'auteur a travaillé sur les 4 premières éditions de la Semaine du Goût, de 92 à 96

(4) Il fallait lutter contre les édulcorants et asseoir la légitimité du sucre en parlant de goût (à tout prendre mieux vaut une touche de sucre qu'un édulcorant...)

(5) Vocabulaire marketing consacré et très visuel

Le yogourt

Les aliments trop sucrés

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